Lors de la lune de sang les ombrageux s'étaient fixés d'éliminer plusieurs nobles. L'une des victimes étaient Isabelle, la noble privilégiée dont le père faisait lui-même partit des ombrageux. Son agresseur n'était autre que William, accompagné du jeune Maximilian. Lors de leur mission ils furent interrompus par Arianna bien décidée à venir en aide à sa demi-soeur. Lors de cet affront Arianna a réussit à convaincre Maximilian de choisir les valeurs de l'amitié plutôt que celles de sa fratrie, les ombrageux. Enervé par ce retournement de situation William abandonna l'idée de faire du mal à Isabelle mais poignarda Arianna avant de partir. Maximilian et Isabelle décidèrent d'amener la blessée chez Maximilian pour la soigner.

Arrivé devant ma maison, je farfouille dans ma poche, cherchant la clé. Je n'ai pas arrêté de regarder derrière moi pendant tout le trajet, comme si j'attendais que quelqu'un surgisse de l'obscurité pour nous tuer tous. Je me fais des idées. Tous les nobles sont encore chez les Mikaelsons. Les Ombrageux sont rentrés au camp. Enfin, normalement. Bon sang ! D'autres choses sont plus importantes maintenant. Aria n'a toujours pas repris conscience, mais le sang semble s'être tari. Bonne nouvelle, mauvaise nouvelle, on le saura bientôt. J'ouvre la porte et fais signe à Isabelle de soutenir Aria le temps que j'allume les lampes à huiles. Une douce lumière envahit le rez-de-chaussée, chassant les ombres.

- La table devra suffire pour le moment. Je vais chercher une bassine d'eau et des essuies pour en faire des compresses.

J'essaye de rester calme, mais intérieurement, je flippe. Et si Aria ne survis pas ? Si elle meurt juste sous nos yeux ? Non. Je ne peux me permettre de penser comme ça. Tout va bien se passer.

J'ouvre les tiroirs de la commode et en sors des essuies blancs propres. Je file ensuite remplir une bassine avec l'eau de la pompe avant de revenir dans la chambre où se trouvent Aria et sa demi-soeur.

- Elle tient le coup ?

Etendue sur la table, on pourrait presque croire qu'elle dort, mais sa peau est livide, et une vilaine blessure s'étend sous son ventre. Je m'en veux horriblement.

Elle était prise dans un méandre de douleur, elle se sentait reprendre connaissance peu à peu mais seulement de l'intérieur, autour d'elle tout semblait n'être qu'un ramassis de sons lointains aux intonations obscures et la seule image qui s'imposait devant ses prunelles étaient une page noire sans fin ni limites. Le néant total, comme si elle était tombée dans une abîme infinie en attendant avec ferveur le choc final. Elle ne parvenait ni à réfléchir ni à se souvenir, ni moins à percevoir la moindre activité, elle n'arrivait qu'à ressentir la douleur lancinante qui traversait tout son corps. Elle se sentait si faible, si fatiguée, meurtrie de l'intérieur. Elle se sentait nauséeuse et à la fois prise de vertige. Vacillante et gauche. Elle demeurait encore inconsciente, non qu'elle soit comme morte, non au contraire c'était plus comme une sorte de sommeil, comme si un rêve se déroulant devant elle. Elle divaguait dans les méandres de son esprit, traversant autour de ses souvenirs, de sa douleur, de ses rêves comme de ses pires cauchemars.

Elle ne s'était jamais demandé la façon dont elle comptait mourir, à vrai dire elle n'avait pas vraiment pensé à cette optique. Lorsqu'elle était une adolescente comblée cette idée ne lui était jamais venu et lorsque, après le décès de son père, elle était tombée dans l'illégalité, se réduisant à devenir une brigande elle était trop souvent confrontée au danger pour penser avoir une mort digne. Elle avait toujours été égoïste et égocentrique, tous le savaient et beaucoup penser que ça la perdrait, mais la seule fois où elle avait pensé à quelqu'un d'autres qu'elle voilà le résultat. Lorsque la lame l'avait transpercée et qu'elle se sentait vacillante, à deux doigts de flancher, elle s'était dit que si elle ne se réveillerait plus mourir pour un proche c'était la mort la plus digne qu'elle aurait pu avoir, une fin convenable.

L'odeur du sang et les voix lointaines dont elle percevaient à peine les mots se faisaient plus qu'omniprésente. Résonnant dans son esprit comme un requiem funèbre. La page noire se fit plus claire et des images floues se mirent à danser à une vitesse affolante devant elle. Le sang, une lame luisant à la lumière, un corps étendu, une silhouette se dessinant au loin, un groupement de personnes tentant d'échapper à des poursuivants. A feu et à sang, tout n'était que feu et sang, désolation et formes floues. Elle divaguait.

La lune était teintée de rouge, un rouge sang, comme si le ciel s'était teinté du sang de toutes les victimes de ces terres. L'astre nocturne fut alors cachée par de lourds nuages gris, et une pluie de cendres se déversaient, une fine pluie de cendres qui tombait lentement, formant un manteau gris sur l'herbe jadis verte. Les cendres étouffaient l'air, elle n'arrivait plus à respirer. Elle porta une main à son cou tandis qu'elle s'étouffait et cherchait la moindre bouffée d'oxygène. Soudain elle remarqua que ses doigts étaient teintés de sang, le sang était partout. Sur ses mains, sur ses vêtements, autour d'elle. Elle se trouvait les pieds baignant dans une flaque de sang qui grandissait à vue d’œil, se mêlant aux cendres. Paniquant elle tenta de faire un pas dans cet étrange monde mais elle tomba en avant, pataugeant dans le liquide rougeâtre. Le grésillement des flammes devant elle et les cendres qui l'asphyxiaient, tout n'était que douleur, une douleur pénétrante. Soudain les cendres et le sang disparaissent, elle n'est plus au même endroit, allongée sur le pavé froid la douleur d'une nuit inconfortable en pleine rue lui fait dire qu'elle est au village, chez elle. A un détail près, tout est désert, elle est seule. Elle se relève avec peine et avance, elle arrive sans trop savoir comment jusque sur la grande place. Elle n'est plus seule, devant elle quelques silhouettes se découpent à l'horizon, sur l'estrade, sur une estrade en flammes. Elle reconnaît les visages familiers de sa famille, sa famille défunte, mais que font-ils là s'ils sont morts. Est-elle morte elle aussi ? Visiblement c'était probable, mais rien n'était sûr. Et d'ailleurs comment pouvait-elle être morte ? A cette interrogation elle sentit une douleur pénétrante se déclenchait au niveau de son estomac, en baissant le regard elle voit le sang couler à flot sous une plaie béante. Et à terre une lame, ou plutôt une faux maculée de sang, son sang. Puis plus rien, le noir total.

Alors qu'elle divaguait toutes ces hallucinations lui semblaient si réelle, la douleur, la panique, tout était trop réel et pourtant encore inconsciente durant sa phase hallucinatoire elle avait commencé à remué, physiquement parlant, gémissant de douleur lorsqu'elle avait été re-poignardée en rêve et marmonnant des paroles incompréhensibles tout le long. Ces hallucination lui avaient été si réel de l'intérieur, toutes les émotions, la douleur, la panique, la sensation de mourir encore et encore, trop réel peut être ?

Isabelle se laisse mener dans les sombres ruelles, à la suite de Maximilian. Il finit par s'arrêter devant une petite bâtisse à l'écart des autres ; un point positif. Il ouvre la porte, et elle entre après lui, refermant avec méfiance la lourde porte en chêne. Il dépose Aria sur la seule table, trônant au centre de la pièce principale, elle se précipite vers elle. Tandis que le jeune homme part chercher du matériel pour la soigner.
Elle s'apprête à répondre à ses interrogations sur l'état de sa soeur, quand elle remarque que du sang s'écoule sur la table, et chute sur le carrelage. Elle déchire la chemise imbibée de sang de sa soeur, place ses mains sur l'entaille dû au couteau.

-Maximilian qu'est-ce que tu fais ?

Soudainement Arianna commencer à s'agiter. Et la jeune noble peine à contenir l'hémorragie. De nouveau, l'esclave sombre dans l'inconscience totale.

-As-tu du lait de lin pour l'endormir ?

Maximilian apporte enfin les compresses et à son plus grand étonnement, elle les lui arrache des mains et les dispose elle-même contre la plaie. Elle échange un regard avec lui, avant de le saisir par le bras et de l'éloigner au cas où sa soeur entendrait.

-Quelques petites veines ont été sectionnées par la lame, mais le sang s'écoule surtout par une artère coupée. J'aurais besoin que tu chauffes dans des braises une lame ou une pince, pour coaguler les petits vaisseaux... Ça me laissera par la suite le temps de me charger de l'artère...

Le jeune noble la regarde étrangement, ce qui laisse à penser à Isabelle qu'il doute de ses capacités.

-Écoute, sa vie est en danger ! Alors à moins que tu ne saches stopper une hémorragie fait ce que je t'ai demandé... Plus jeune, j'ai vu mon apprenti soigner un garde blessé par un coup d'épée mal visé lors d'un entraînement de la sorte, je sais ce que je fais...

A vrai dire, elle ne croyait pas elle-même être capable de réussir, mais il n'avait pas d'autres choix. Elle cacha ses mains derrière son dos, elle ne voulait pas lui laisser voir à quel point elle tremblait.

-Il me faudrait aussi du fil et une aiguille pour l'artère ainsi que de l'alcool... Jamais je ne la laisserai tomber, maintenant que je l'ai...

Elle retroussa les manches, c'était le moment de se montrer courageuse, encore plus que d'accoutumée...

Je crois qu'Isabelle a mal interprété mon regard, car je ne doute pas d'elle. Elle est mieux placée pour savoir comment traiter ce genre de blessure, vu que je n'ai aucune connaissance en la matière. Je suis juste inquiet, et je me demande si cela suffira. De toute façon, on ne peut rien faire d'autre.

Je lance un sourire confiant et hoche la tête avant de retourner dans la pièce où j'a été chercher les compresses. Isabelle prend les commandes, cela signifie qu'elle est consciente du danger, et qu'elle n'est pas, ou plus, en état de choque. Je cherche dans les tiroirs une aiguille et un fil, que je me rappelle avoir acheté au cas ou. Sa première utilisation sera de recoudre une personne. Charmant. Une fois trouvés, je les dépose sur la table près d'Aria, ainsi qu'une bouteille d'alcool qui trainait sur la commode.

- Je n'ai pas de lait de lin..l'alcool devra suffire je présume.

La cheminée maintenant. Le feu est mon domaine, enfin quelque chose ou je me sens un peu à l'aise et utile. J'utilise une allumette et la jette sur le tas de bois déjà à moitié calciné mélangé avec des brindilles sèches de la veille. La flamme s'étend vite et bientôt un vrai petit brasier prend vie. Sans attendre, je plonge une lame de couteau dans les langues brûlantes. Le feu réchauffe mon visage et mes mains, je n'avais même pas remarqué que je tremblais de froid. Ou alors mes tremblements sont signe de peur, ce qui est tout aussi envisageable.
Je retire la lame du feu et me dépêche près d'Isabelle.

- Voila...

En lui passant le couteau, je la regarde avec un respect tout nouveau. Elle est déterminé à sauver sa demi-soeur, même si elle ne l'a connait que depuis peu. J'ai toujours admiré le courage et la loyauté.

- Tu en es capable. Je ne doute pas de tes capacités. Aria sera étonnée de savoir ce que tu as fait pour la sauver quand elle se réveillera.

J'insiste bien sur la fin. Car oui, que les gens d'en haut ou d'en bas le veuille ou non, Aria se réveillera.

"Aria sera étonnée de savoir ce que tu as fait pour la sauver quand elle se réveillera".
Elle garda pour elle sa pensée pessimiste. "Si, elle survit."
Elle serra les poings jusqu'à ce que ses jointures blanchissent, mais les tremblements ne cessèrent pas pour autant. Elle ferma les yeux, et respira profondément, en tentant de calmer les battements fous de son pauvre coeur mis à rudes épreuves. Elle déboucha la bouteille que lui avait apportée Maximilian. Du vieux bourbon, cela ferait l'affaire... Elle tenta de parler mais rien ne sortit, elle se reprit et avec une petite voix demanda au jeune homme de tenir la jeune femme.
Elle lui souleva d'abord la nuque et la fit boire à la bouteille, Aria déglutit avec peine amis Isabelle la contraint à avaler. Elle cligna vivement des paupières pour retenir ses larmes, elle doutait maintenant plus que jamais malgré les encouragements du nouveau noble. Avec hésitation, elle souleva la bouteille au dessus du ventre de sa soeur, puis en serrant les dents elle retourna la bouteille faisant se déverser le liquide sur la plaie. L'alcool et le sang se marièrent parfaitement... Pendant que Aria se redressa brutalement, et que Maximilian la rabattait avec peine sur la table. L'esclave hurlait, et Isabelle fut bien contente que la maison soit éloignée des autres.
Elle but, ensuite, elle-même à la bouteille. Une longue gorgée, puis une seconde... Sous le regard compatissant du jeune homme. Elle se désinfecta également les mains avec. Puis s'enroulant les mains dans un torchon, elle saisit la lame dans les braises. Et avec maintes précautions s'approcha de sa soeur. A nouveau, elle échangea un regard avec son hôte. Un instant de calme, avant la tempête. Repérant une petite veine, elle la fit coaguler en la brûlant avec la lame. Les hurlements de sa soeur redoublèrent, mais ne parvenaient qu'à ses oreilles les battements affolés de son coeur.
Elle clôtura d'autres veines, puis avec quelques vertiges palpa l'artère. Elle recula, et se retourna, plaquant une main contre la bouche elle retint un haut de coeur.
Elle sentit une main appuyée contre elle, Maximilian la soutenait "Tu peux le faire, elle a confiance en toi... Tu vas la sauver ! "
En elle-même, elle hurla. Ne voyait-il pas qu'Aria agonisait ? Elle ne faisait que la charcuter en vain, jamais elle ne la sauverait ! C'était impossible, au delà de ses capacités... Comment pourrait-elle rivaliser avec la mort ?
Elle s'orienta vers l'ami d'Arianna.

-Je suis désolée mais je ne pourrai jamais, suturer cette artère... Il faut se rendre à l'évidence ! Elle va mourir !

Elle ne parvint à retenir le dernier sanglot.

La douleur était partout, puis nulle part. Elle ressentait un picotement, voire une sensation de brûlure lancinante au niveau de sa plaie mais le reste ne lui était plus l'immense douleur d'antan. Elle venait à peine de reprendre conscience, ou du moins un semblant de conscience, qu'elle se sentait déjà sur le point de s'évanouir à nouveau. Elle était très fatiguée, et ce n'était pas seulement de la fatigue physique quoique que son corps pouvait difficilement encaisser plus ce soir là. Sa poitrine se soulevait et s'abaissait dans une lente frénésie à la recherche d'air. Lorsqu'elle revint lentement à elle la première chose qu'elle sentit fut le liquide coulant dans sa gorge, et elle mit un temps infini pour reconnaître le goût de l'alcool, quelqu'un l'a forcé à avaler de longues gorgées, non elle ne voulait pas, chaque gorgée avaler lui déclenchait une nouvelle douleur qui s'enflammait tout le long de sa gorge, ce geste si simple lui semblait si difficile tant elle était faible. Puis la contrainte s'arrêta, elle ne percevait que des formes floues et ignorait donc qui se trouvez à ses côtés, cela aurait pu être l'un de ses proches comme un ombrageux, peut importe, elle n'était plus contrainte à avaler une énième gorgée de douleur. Alors qu'elle se pensait enfin paisible on continua de la tourmenter, meurtrissant son corps et réveillant la douleur enfoui dans les vapeurs d'alcool. Malgré sa faiblesse face à une telle douleur elle se redressa instinctivement en hurlant de douleur mais fut rabattu par deux mains puissantes sur la table où elle était allongée, pourquoi ranimer la douleur ?

Le feu, une sensation de brûlure l'envahit, s'étendant à une vitesse affolante dans tout son corps, c'est comme si on la brûlait de l'intérieur. La brûlure lui arracha un nouveau cri de douleur, et cela l'épuisait encore plus. Perdue dans les vapeurs de l'alcool elle se sentait soudainement plus légère, en sécurité, mais la douleur brûlante revint la ramener à la réalité et elle hurla à nouveau. Sa respiration haletante et les battements affolés de son cœur semblaient amplifier et elle n'entendait que ça, le rythme régulier mais bien trop rapide de son coeur mit à rude épreuve dans cet étau de douleur. Bam, bam.  Son coeur battait la chamade, mais d'un côté la douleur semblait se perdre dans les méandres de l'alcool qui l'assommait petit à petit, tentant de rivaliser en vain contre la douleur infligée qu'elle subissait.

Elle ne savait plus si elle était perdue dans les vapeurs de l'alcool qu'elle avait du ingurgitée ou bien si ces hallucinations étaient de retour mais elle perçut des voix familières. La première, une voix féminine aux intonations troublées par l'affolement semblait être celle de sa demi-soeur. La deuxième bien masculine n'était autre que son complice et ami du village. Elle hallucinait, ça devait être ça, sinon pourquoi ils seraient tout deux réunis dans la même pièce à lui faire subir cette torture physique. Sa soeur disait qu'elle allait mourir, elle ne parvenait à entendre la phrase en entier, d'abord des mots plutôt rassurant de la part de Maximilian : confiance, sauver. Puis quelques bribes d'une réponse beaucoup plus pessimiste : désolée, je ne pourrai jamais, elle va mourir. Hallucination ou pas personne n'avait droit de dire si elle allait mourir ou non, et pourquoi ne s'affairaient-ils pas à la sauver au lieu de parlementer. Elle se sentait prise dans les méandres délicieux de l'alcool mais sa douleur à l'estomac la gardait à semi-consciente.

- Faîtes que la douleur s'arrête...

Parvint-elle à murmurer dans un gémissement, ces quelques mots furent le prix d'un effort surhumain pour elle. Elle voulait juste que la douleur s'arrête.

Non ! Non non et non ! Le cas de figure ou Aria meurt n'existe tout simplement pas. C'est impossible, pas après tout ce qu'elle a fait pour moi ! Je serre les poings et regarde Isabelle bien en face, l'air plus déterminé que jamais. Je n'abandonnerais pas, et elle non plus. Tant qu'Aria respire, il y a espoir.

- Non..je ne tolère pas, je refuse un tel comportement ! Elle compte sur nous ! On ne va pas la laisser mourir !

Au même moment, Aria marmonne péniblement quelques mots. Je sens la souffrance dans sa voix...Il faut agir ! Je me retourne vers Isabelle. Ce n'est pas le moment de flancher. Moi vivant, Aria le sera aussi.

- Dis-moi ce que je dois faire, je te remplace s'il le faut, mais sans ton aide je n'y arriverais pas !

C'est vrai. La plaie béante me révulse un peu, et je ne sais même pas quelle artère je dois ressouder. Toute la table est rouge de sang et l'air empeste l'alcool. Mais même sous ses conditions, nous devons essayer. Je prends la lame encore brûlante et attends les instructions d'Isabelle.

Plusieurs émotions se jouent dans ma tête. Des réalisations aussi. Que vais-je dire en venant à la Guilde ? Will leur aura certainement tout raconté. Je suis peut-être même plus le bienvenue là-bas...Honnêtement, je m'en fiche. D'après moi, j'ai bien agi, et s'ils ne veulent plus de moi, tant mieux. Un frisson me coule dans le dos. Ce n'est pas vraiment une bonne solution en fait. Je suis sûr que les déserteurs ne courent pas en liberté. Jamais la Guilde ne laisserait partir des dangers potentiels, même en jurant de ne rien révéler. Je déglutis. La n'est pas le moment. Première préoccupation : Aria.  

Isabelle se laisser aller, emportée par les ténèbres. Elle se répète mentalement, "Ceci ne peut être qu'un rêve... Juste un rêve ! Allez, vas-y réveille-toi, Aria... Réveille-toi !". Mais rien. Maximilian ne perd pas espoir, jamais, et sa voix résonne comme le Soleil dans le Noir entourant la jeune femme. Elle arrive peu à peu à émerger, les larmes coulent en silence sur ses joues. et pour se reprendre, elle se gifle elle-même.
Elle inspire profondément jusqu'à se retrouver. Elle se retourne et trouve le jeune homme, auprès de sa soeur, le couteau à vif en main. Elle se dirige vers lui, et lui retire la lame brûlante.
La voix plus posée cette fois, elle lui explique.

-J'ai déjà coaguler les veines, il faut suture l'artère... Enfin coudre les deux morceaux, les rattacher.

Je passe le fil dans l'aiguille. Mes mains sont maintenant stables, plus tremblantes.

-Tu peux le faire si tu t'en sens capable, ou bien je peux reprendre la main, je pense me sentir mieux.

Je regarde Aria, j'aimerai que son visage soit à nouveau paisible sans qu'elle ne soit pour autant morte. Je passe une main dans ses cheveux avant d'embrasser son front. Je murmure à son oreille, "Tiens le coup." Puis j’ôte le pendentif auquel j'avais rattaché la chevalière de mon père, de notre père. Et la passe à l'indexe de ma soeur.
Maximilian reste muet quelques secondes, il semble hésiter et j'attends sa réponse. Autant lui laisser sa chance, j'avale une nouvelle longue gorgée à la bouteille avant de la lui tendre.

-Bois, tu en auras besoin vu comment tu es stressé.

Il n'avait vu qu'une partie d'elle, celle de la fille faible et incapable, mais elle n'était pas celle là habituellement. Tout comme Aria, elle était brave, forte, et très peu émotive. Mais cette nuit il y avait eu trop de choses, et contrairement à Arianna elle n'avait su tout gérer encore une fois.
Elle se plaça derrière la table, et appuya ses mains contre ses omoplates, pour la maintenir immobile.

-Maintenant, vas-y...

Je hoche la tête, content de voir qu'Isabelle ne baisse pas les bras. En regardant la plaie, je déglutis. Ce n'est vraiment pas beau à voir, mais au moins, le sang ne coule plus à flot. Ma main droite tient l'aiguille, tremblante. Je resserre mon emprise. Pas de tremblements admit, pas d'erreurs, pas d'hésitations. Je prends la bouteille de bourbon que me tend Isabelle et en bois quelques gorgées. Le liquide brun me brûle la gorge, et je sens mon intérieur se réchauffer. Je suis prêt.

J'attrape le fil avec l'autre main et commence l'opération délicate. Je n'ai pas vraiment d'expérience en la matière, mais j'ai l'impression de savoir ce que je dois faire. Je fronce le nez à plusieurs reprises mais continue. Bientôt, l'artère est ressoudée, et il ne me reste plus qu'à recoudre la peau. Je lâche un soupir fatigué. Ma chemise me colle au dos, trempée de sueur. Le plus dur est fait. Ce qui m'inquiète, c'est qu'Aria n'a plus donné un quelconque signe qu'elle soit consciente. Son coeur bat encore, un rythme assez régulier. Pourquoi ne se réveille-t-elle pas ?

J'entreprends de recoudre la peau et coupe le reste de fil avec la lame désormais refroidie. Je sens la présence d'Isabelle près de moi mais je n'ose pas la regarder. Elle n'est pas venue m'interrompre une seule fois, et je ne sais pas si c'est une bonne ou mauvaise chose. Est-ce que j'ai raté quelque chose ? Mal recousu ?

- Je..j'espère que ça suffira.

La douleur était indescriptible, de sa courte vie jamais elle n'avait connu telle douleur. Elle se sentait coincée dans un étau brûlant, comme si les flammes elles-même pénétraient son corps et la brûler sans retenue. C'était atroce, elle avait beau hurler à s'en déchirer les poumons sa douleur ils continuaient à s'afférer sur sa blessure, ravisant la flamme de douleur à chacun de leur geste. Le feu ne semblait pas s'éteindre, il continuait à la torturer. Elle était toujours aussi faible physiquement, à deux doigts de reperdre connaissance, à présent les sons étaient plus audibles et sa vue commençait à revenir plus précise, plus claire. Elle avait vu juste, son ami était là, Max, et c'était bien sa soeur à côté Isabelle. Les deux ensemble, ensemble. Elle buta sur ce dernier mot, ensemble, alors que la dernière chose dont elle se souvenait était Maximilian tenant un couteau sous la gorge de sa soeur. Et à présent ils étaient dans une même pièce, s'unissant dans le seul but de lui venir en aide. Son coeur battait la chamade et sa poitrine se soulevait avec frénésie comme si elle venait de fuir un groupement de gardiens dans les rues du village. Mais ils continuaient à la meurtrir pour tenter de l'aider, certes ils faisaient en sorte de refermer cette blessure mais de l'intérieur ce n'était qu'un étau de douleur qu'ils ravivaient  de plus en plus. Elle n'en pouvait plus, du répit, par pitié.

Face à toutes les épreuves que la vie lui avait donné jamais elle n'avait implorait la merci, jamais. Et ça n'arrivera pas aujourd'hui. Elle préférerait être couverte de honte, dépouiller de toutes libertés que de devoir se soumettre à implorer quelqu'un, car la fidélité était une chose que jamais il n'arriverait à lui escorter, elle ne le donnerait contre rien au monde, même sa propre vie. Elle se sentait comme saignée à sec, vidée de toute énergie mais elle luttait encore, luttait pour ne pas refermer ses paupières et retomber dans l'inconscience. Non l'inconscience était une libération trop lâche, elle ne faiblirait pas, elle allait faire face. Elle n'avait pas besoin d'une raison de vivre pour savoir qu'elle ne voulait pas mourir, elle allait survivre, ne pas être oubliée, et elle savait à présent qu'elle n'était plus seule. Continuer de lutter contre cette lumière mourante et faiblarde qu'incarnait sa vie.

Le feu s'éteignit, et vint le froid. L’hémorragie était arrêtée, sa plaie recousue, et malgré toutes les peines et la douleur engendrées le feu s'était éteint. La sensation de brûlure avait disparu, mais soudainement la pièce lui parut glaciale, frissonnant. A force d'avoir perdu du sang elle était proche de l'évanouissement et la température plutôt basse la rendait encore plus faible. Elle serra ses poings lentement, commençant à retrouver conscience malgré sa faiblesse physique. Elle clignait des yeux, sa vue se brouillait de temps à autre mais à présent elle les voyaient, les mines inquiètes de ses deux seuls proches, ils la regardent avec une ferveur quasi effrayante, qu'attendaient-ils d'elle, qu'elle intervienne pour prouver qu'elle était à moitié-là avec eux.

Durant toute la manœuvre, Isabelle resta silencieuse. Il n'y avait rien à dire, peux ne valait pas parler... Pourtant quand Maximilian eut effectué la dernière suture, il sembla attendre que des mots sortent de sa bouche. Elle n'en fit rien, peut-être aurait-elle dû. Maintenant, c'était trop tard, il s'était détourné. De toute manière, qu'aurait-elle pu dire ? Bravo tu l'as suturé à la perfection, tu es génial. C'était le plus important et tant pis si elle ne se réveille pas !
D'accord, elle était extrême... Et le jeune homme ne voulait que le bien d'Arianna tout comme elle. Cependant, en cet instant elle était trop tendue, apeurée et fragile, pour se plier à la moindre politesse qu'elle jugerait inutile.

Après cela, le temps ralentit. Jusqu'à devenir pesant même ; elle percevait les secondes comme des décennies et à en juger par Maximilian qui ne cessait d'effectuer les cent pas, il le pressentait comme elle. Comment Aria ressentait-elle le temps, elle ? S'écoulait-il aussi lentement qu'eux ou au contraire à folle allure ? Tout ça pour dire, qu'une première s'écoula dans que la jeune femme ne reprenne connaissance, mais des joues se colorèrent à nouveau et ça c'était plutôt bon signe.
Au demeurant, une seconde heure s'écoula. Elle n'avait pendant tout ce temps esquisser un mouvement guettant le réveil de la jeune femme. Et c'est enfin qu'elle de réveilla, elle frissonnait. Isabelle, folle de joie, renversa la chaise et se précipita sur elle. Elle passa une main sur la joue de sa sœur, et retint avec peine dans sa gorge un "Tu es brûlante...". Non. Cela ne pouvait être les premiers mots qu'elle dirait à sa sœur revenue d'entre les morts.
Mais rien ne venait, vraiment rien.

-Arianna.

Pour seule réponse un battement de cils.

-C'est pitoyable je sais, mais je ne sais quoi te dire... Tu es la et je suis là, tu es revenue d'entre les morts ! Et... Tu as pris un poignard dans le ventre pour moi. Que pourrais-je dire à cela ? Merci, me semble bien faible pour pareil situation...

Elle sourit, Aria était réveillée et de nouveau là. La bonne vieille Arianna. Maintenant, elle ne craignait plus qu'elle ne revienne pas. Isabelle ne la laisserait pas repartir.

Elle ne sait combien de temps elle fut inconsciente mais à présent elle était revenue à elle, lentement certes mais elle était revenue. Elle reviendrait toujours. Elle avait survécu au meurtre de son père, à la famine du village qui avait emporté sa soeur, aux chercheurs qui lui avait pris son ami, aux gardiens qui l'ont amenés à se mettre à genoux devant eux pour mordre la poussière et enfin elle avait survécu à la mort en personne. Elle était une survivante. Le temps sembla filait dans une lenteur record pendant qu'elle reprenait conscience, mais à présent elle avait reprit pleinement sa conscience, elle était réveillée. Elle était là. Et en frôlant la mort elle avait réalisé que pour la première fois de sa vie elle n'avait pas fait preuve de son continuel égoïsme. Non quand il s'agissait de ses proches, de sang ou non, elle pouvait se révéler plutôt protectrice, et pour la première fois elle avait réussit à sauver l'un de ses proches que se soit de la mort ou de l'esclavage, au contraire de son père, sa soeur cadette et même son ami, tout trois partit sous le regard de la jeune esclave qui avaient tentés de faire quelque chose pour eux, en vain.

Elle crut d'abord que se serait une énième hallucination dû à la fièvre surement.  Elle entendit quelqu'un faire les cent pas dans la pièce, puis lorsque sous l'effet du froid elle frissonna une autre personne se précipita à son chevet, elle sentit alors une main sur sa joue. Ce geste protecteur lui était étranger et inconnu et elle eut un petit sursaut, clignant plusieurs fois des yeux elle ouvrit enfin ses paupières, la lumière agressa ses prunelles et il lui fallut quelques secondes pour s'acclimater. C'était comme un retour brusque à la vie, sa première réaction face à cette pensée fut de prendre une grande goulée d'air comme si quelqu'un l'avait privé d'oxygène juste avant. Ce n'était plus un quelconque rêve ou une hallucination, l'air emplissant ses poumons, la faiblesse de ses muscles et même la douleur au niveau de son estomac, tout était réel. Ce n'était plus un rêve, c'était la réalité, elle était revenue.

Pendant qu'elle découvrait avec joie que son réveil s'était fait dans le monde des vivants sa soeur s'était mit à lui parler, elle ne sait pas trop si celle-ci l'avait remercié, ou bien avait exprimé sa joie de la revoir en vie, ou bien les deux, ou ni l'un ni l'autre. A vrai dire elle n'arrivait pas à se concentrer sur le sens des phrases, trop euphorique d'être en vie et faible par l'accident de tout à l'heure qui avait bien faillit lui coûter la vie. En tout cas c'était de belles paroles, pleine d'affection. De l'affection c'était si étrange de penser ça alors que leur dernière discussion dans la Haute-Tour fut loin d'être amicale, se rejetant l'une à l'autre la faute. Elle jeta un regard vers Maximilian puis sourit. Les deux dernières personnes qui lui restait actuellement étaient là, avec elle alors qu'elle s'était révélée des plus égoïstes avec eux parfois.

- « Bon retour dans le monde des vivants » aurait surement suffit.

Nauséeuse elle plaqua une main contre son estomac douloureux, sentant sur sa peau le fil des sutures, ce contact lui arracha un rictus.

- Allons, maintenant on est quittes et t'arrêtes de geindre....

Rajouta-t-elle avec un demi-sourire malicieux mais il avait perdu l'éclat de ces mines espiègles d'antan, elle était trop fatiguée et cela se dépeignait à des kilomètres à la ronde autour d'elle.

- ...après tout c'est moi qui ai failli mourir, ce qui n'est pas le cas, alors maintenant si l'on pouvait oublier ce fâcheux moment où cette charogne me poignarde comme si j'étais une vulgaire proie de chasse

Elle marqua une pause, reprenant son souffle qui se faisait court et rauque, elle glissa un regard vers Maximilian. Elle eut une rapide quinte de toux, lui arrachant un autre rictus. Elle attrapa la bouteille de bourbon, avalant une longue gorgée et sentant avec satisfaction la douleur à son estomac paraître un cran moins forte sous l'effet du liquide, même si elle se sentait de plus en plus flotter dans une léthargie avoisinant les débuts de l'ivresse.

- Ça craint, je suis faible et lente. Mhm il va vraiment falloir m'arrêter avec ça car avec tout ce sang perdu ma tolérance n'est qu'une large blague.

Dit-elle en désignant la bouteille qu'elle reposa, puis un sourire vint se dessiner sur ses lèvres, un large sourire de joie. Elle était si heureuse d'être là, d'avoir survécu, d'être en vie.

- Et si je pouvais me mettre debout sans appréhender de m'effondrer je vous aurais bien pris dans mes bras, mais au moins l'intention est là.

Un large sourire aux lèvres, je remercie silencieusement la personne qui veille sur Arianna, car c'est un sacré ange gardien ! Plus sérieusement, j'admire la force de la jeune fille. Survivre une telle blessure...je ne sais pas si j'en aurais été capable. Mais l'essentiel est qu'elle soit vivante, avec nous et en sécurité. Pour le moment. William n'a pas apprécié la conversation de tout à l'heure, et s'il apprend qu'Aria est toujours parmi nous, il pourrait avoir des envies de revanche..Même si je doute fort qu'un guerrier comme lui se comporte comme ça.

Je ris à la réponse franche d'Aria. Même blessée, elle ne perd pas son sens de l'humour particulier. Je laisse Isabelle parler avec elle. Je ne sais pas si je suis vraiment le bienvenu. Evidemment, c'est ma maison, mais est-ce qu'Aria voudra encore me parler alors qu'un membre de la Guilde, dont je fais parti, a essayé de la tuer ? Pourquoi est-ce que tout doit être si compliqué ? Pourquoi avoir commandité une soirée " meurtres " ? Il doit sûrement y avoir d'autres moyens pour faire changer les avis des autres. Tous les nobles ne savent peut-être pas ce qui se passent derrière le Mur..j'en suis même certain. Ils ne font que croire sur parole les mensonges du Haut-Gouvernement. Il suffirait de leur ouvrir les yeux, montrer la triste vérité. Je soupire. Même cela ne suffirait pas. Ils y aura toujours des extrémistes, prêts à faire souffrir des innocents pour garantir leur propre bien-être. Des égoïstes, avides de pouvoir et d'argent. Néanmoins, qui ne tente rien n'a rien, et abandonner n'est en aucun cas un scénario plausible.

- Et c'est ça qui compte ! Bienvenue dans mon humble demeure en passant. Je ferais mieux d'aller chercher de quoi nettoyer, je vous laisse parler.

Après un bref signe de tête, je pars farfouiller dans une armoire, à l'autre bout de la chambre.

Voilà, ça y est, Arianna était revenue d'entre les morts. L'euphorie avait duré un temps mais maintenant c'était fini. C soudain rapprochement n'était dû qu'à l'accident, sinon pourquoi toutes les deux auraient-elles oublié leur commune méprise ?

Elles avaient d'abord bavardé. De tout et de rien. Comme si cela était habituel, et que si elle ne l'avait pas fait, elles en auraient toutes les deux étaient profondément malheureuses. Isabelle avait ri, Aria aussi, après quoi elle s'était retenue qu'à rire lui faisait mal à cause de sa blessure. Mais lorsque le voile se réinstalla, la jeune noble ne sut plus quoi dire. Ce n'était pas naturel, c'était faux.
L'esclave bien sûr ne se rendit compte de rien, et elle continua à parler comme si à nouveau elle risquait de sombrer. Parler, parler, encore et parler. Isabelle n'écoutait plus, elle avait juste envie de fuir. Elle força un sourire, en vain.
Maximilian la sortit de sa torpeur en intervenant.

-Je vous laisse parler, je suis fatiguée... Ça te dérange si je dors ?

Elle désigna le fauteuil, et il acquiesça en souriant. Elle saisit la bouteille au passage. Du fauteuil, elle les voyait sans qu'ils ne la voient, étant de dos. C'était presque parfait. Elle orienta le fauteuil vers la fenêtre, et avec frénésie se plongea dans la contempla des étoiles. Elle avala à nouveau une longue gorgée de bourbon.

Elle se sentait confuse, d'une part car elle peinait à se concentrer avec cette sensation de faiblesse du à la perte d'une grande quantité de sang, d'autre part car elle sentait une certaine gêne, un malaise, ou peut importe l'appellation. D'abord ce fut Maximilian qui après une courte phrase alla dans une autre pièce, chercher de quoi laver, en effet autour d'elle tout s'était teinté d'un rouge sang, une flaque s'étant formé au pied de la table. Elle grimaça, elle avait du être ramenée dans un sale état pour avoir perdu autant de sang. Elle n'eut pas le temps de dire quoique se soit qu'il avait déjà passé la porte, elle devrait attendre son retour. A présent seule face à sa demi-soeur elle était si heureuse d'être en vie qu'elle commença à parler, parler encore et encore. Et l'on sait combien elle peut être bavarde, pouvant dire tout et rien et ça pendant des heures. Elle ne se rendit pas compte sur le moment qu'Isabelle ne suivait plus, mais alors plus du tout. Elle devenait de plus en plus distante. Puis prétextant une fatigue elle alla s’asseoir dans un fauteuil, dans son dos, loin de son regard. Elle se sentit alors bizarrement gênée, comme si elle avait fait quelque chose de mal, pourtant c'était assez rare, même très rare qu'elle ressente ça. Elle d'habitude si fière, à encaisser et assumer quoiqu'il arrive sans jamais rechigner, enfin si en rechignant un peu quand même.

Elle enfoui son visage dans ses mains, cette soirée était catastrophique. Elle se souvint alors que juste avant le banquet de noblions elle s'était enfui juste après avoir balancé la nouvelle de la mort de leur père à sa soeur, peut être était-ce pour ça qu'elle était soudainement si distante. Elles étaient soeurs, c'était un choc, elles avaient d'ailleurs pas très bien réagit à la nouvelle. Mais là c'était différent, après une nuit à la belle étoile dans les bois et la soir suivant frôler la mort Arianna avait compris qu'une soeur de sang noble était franchement moins terrible qu'elle le pensait. Et Max, elle avait passé toute la lune de sang a insulté la guilde dont il faisait partit, elle avait même mal réagit contre lui alors qu'il l'avait sauvé. C'était bien la première fois qu'elle se remettait en cause. Mais elle s'était comporté comme une gamine égoïste, et aussi rare soit-il elle regrettait.

- Excusez-moi...

Elle se massa les tempes, fatiguée. Elle tourna un regard vers sa soeur, même si elle ne regardait pas cette dernière comprendrait que ces paroles lui étaient destinées.

-... j'ai été idiote, j'aurais jamais du te balancer que notre père était mort d'une telle manière, ni de m'enfuir juste après comme une voleuse.

Puis elle se tourna vers son ami, Maximilian, le forgeron Ainsworth, son sauveur. Son complice, une part d'elle, son lien avec son ancienne vie.

- Max, j'aurais pas du insulter la guilde comme ça, ni toi d'ailleurs, je me suis emportée bêtement, désolée. T'en fais tellement pour moi sans rien en échange, parfois je me demande comment tu peux me supporter.

Elle marqua une pause, à se remettre en cause et s'excuser comme ça elle trouve mille autre raisons de s'excuser encore. Avoir sauter de cette fenêtre alors que Derek Mikaelson lui parlait, avoir mit en colère cet ombrageux, William qui l'avait finalement poignardé en retour, avoir était une sale garce envers Seyrane qui l'avait dénoncé en retour. Soirée catastrophique.

Occupé à nettoyer le sol, j'entends Isabelle se retirer de la conversation. La fatigue doit se faire sentir maintenant, je la comprends. Moi aussi j'ai sommeil, mais je préfère rester éveillé au cas ou un Ombrageux revanchard ne se pointe. Un silence confortable s'installe, seul le bruit de ma brosse frottant le parquet se fait entendre. Arianna reprend soudainement la parole, s'adressant visiblement à nous deux. Des excuses...Toujours à genoux en train de frotter une tache, je secoue la tête. Comme si tout ce qui s'était passé était de sa faute ! Je sais que l'être humain cherche toujours quelqu'un à blâmer, mais là, ce n'est vraiment pas elle.

Je me relève, passant une main dans mes cheveux, les ébouriffant encore plus. Le parquet a une teinte légèrement rosé, il est impossible de tout enlever. Je n'ai plus qu'à acheter un tapis suffisamment grand pour couvrir le tout. Mais trêve de plaisanterie. Je dois faire comprendre à Aria qu'elle n'est pas fautive dans cette histoire. Même si elle est extrêmement têtue.

- Aria, crois-moi, celui qui doit s'excuser ici, c'est moi. C'est à cause de moi que tu te retrouves ici, prisonnière, même si cela t'a permit de retrouver ta demi-sœur. C'est à cause de moi que tu as failli mourir. Tout cela ne serait pas arrivé si je ne t'avais pas entrainé dans ce plan ridicule pour trouver la Guilde.  

Je me tais un instant.

- Et certes, ton caractère n'est pas des plus faciles, mais ça n'entache en rien ta personnalité. Tu es comme tu es, et ça me suffit. Ca nous suffit, je dirais.

Je lance un coup d'oeil vers le fauteuil où Isabelle est assise.

- Maintenant, je ne sais pas trop ce qu'on va faire. J'imagine que la Guilde est hors de question pour moi pendant quelques temps. Il faudra être prudent.

Elle secoua la tête en signe de désapprobation. Maximilian n'était pas le fautif, c'était aussi claire que de l'eau de roche. Certes s'était suite à leur rencontre que cette idée aussi folle qu'impensable de faire rejoindre la guilde au forgeron à germer, ce qui entraîna son état de servitude. Mais cette décision elle l'avait prise seule, d'ailleurs c'était elle qui lui avait parlé de la guilde, pas lui. Lors de cette soirée, lorsque autour du feu dans le silence gêné elle avait demandé pourquoi il l'aidé et qu'il avait répondu qu'il souhaitait se racheter, aider les autres, et au final elle avait évoqué la guilde. Le lendemain suivant leur stratagème sur pied ils mirent à éxecution leur dessein, ensemble. Ce n'était ni la faute de l'un, ni de l'autre. Et ce n'était pas sa faute si elle avait frôlé la mort, sur ce point elle était la seule fautive, si elle avait tenu sa langue trente seconde peut être que tous seraient sain et sauf, elle secoua la tête, enfin peut être pas. Mais elle avait grandement contribué à mettre cet ombrageux en colère, et elle avait récolté le prix à payer. Voilà tout. Elle n'allait pas le blâmer, celui qui l'avait poignardé était un des siens, un ombrageux comme lui, elle lui avait presque imposée de choisir entre eux.

- Ne te blâmes pas, tu n'es pas fautif. Le fait que tu es rejoins la guilde n'a pas influencé sur mon arrivée dans l'enclave, d'ailleurs cette idée m'avait déjà traversé plusieurs fois, seulement il me restait toujours une raison de rester au village, je n'en ai plus. Tout ceux à qui je tiens sont de ce côté du Mur, même s'il faut dire que ces personnes se compte sur le doigt d'une main. 

Lorsqu'il évoqua son caractère, disant qu'ils l'acceptaient comme elle était, que ça suffisait amplement, un sourire se dessina sur ses lèvres. Elle se mit sur ses pieds, debout, pour prendre son ami dans ses bras et murmura un merci. En Maximilian elle avait trouvé un ami et un allié de taille. Dès qu'elle se retira de son étreinte elle vacilla et se rassit aussitôt sur la table où elle était allongée tout à l'heure. Elle n'échangerait pas son ami contre tout l'or des quatre terres réunis, même si elle savait que dans ce monde c'était primordial, l'amitié aussi, non ça l'était encore plus selon elle.

- Alors là non, tu vas retourner là-bas, s'ils veulent te blâmer tu diras que tu as défendu une personne du peuple, une esclave, et la fille d'un ombrageux qui plus est. Ce sont vos principales causes: sauver le peuple et honorer les vôtres. Et si cette charogne qui m'a poignardé intervint tu peux lui dire que la prochaine fois qu'il tente quelque chose contre moi ce n'est pas mon sang qui coulera mais le sien, je m'en chargerais en personne.

La soudaine froideur et cette distance venant de sa soeur étaient de plus en plus ancrées entre elles. Comme si un nouveau conflit s'était immiscé dans cette relation déjà si compliqué. Pour une raison obscure qui lui échappait totalement elle vit sa demi-soeur changer du tout au tout, cette dernière s'adressa à la jeune esclave d'un ton froid après un regard parfaitement condescendant. Pour la première fois qu'elle n'avait pas agit comme une petite peste égoïste, voilà donc comment elle était récompensé, et ben ça promettait ! En plus de paroles aux intonations glaciales le sens des mots l'étaient encore plus encore, un jeu, si cette noble pensait qu'Arianna jouait à un jeu stupide elle se trompait, mais alors complètement. Certes elle n'était pas des plus prudente, discrète ou obéissante, mais malgré ses airs malicieux et joueurs elle savait quand maintenir un peu de sérieux, et depuis son entrée dans l'Enclave elle n'avait pas prit le temps de s'amuser, tout ce qu'elle l'avait fait c'était pour survivre ou conserver sa couverture, même si en apparence entrer dans un banquet de la noblesse paraissait être une tâche plutôt agréable. Non et si elle avait sa soeur ce n'était pas car elle semblait s'être attachée un peu à elle, c'était aussi pour ne pas rompre une promesse, aussi lointaine semble-t-elle. Lorsque sa soeur finit de prendre la parole et tenta de sortir de la pièce, elle s'interposa entre cette dernière et la porte, l'empêcha de faire un pas de plus. Elle la jaugea lentement, de bas en haut.

- Arrêtes un peu de geindre, tu ne parais pas le moins du monde désolée, à moins que la condescendance soit une manière de l'exprimer dans le monde si exclusif de la noblesse.

Elle marqua une pause, son ton devenait plus hargneux à chaque mot, si une chose la révulsait plus que toutes les autres c'était le comportement si hautain des nobles de l'Enclave.

- Contrairement à ce que tu penses ce n'est pas un jeu, c'est de la survie, la vrai. Celle où sa vie en dépend et non juste une poignée d'or ou une réputation aussi futile soit-elle. Et oui, c'était idiot d'entrer à la Lune de sang, et alors, au dernière nouvelle nous n'avons pas tous faillit périr, seulement toi, et sans moi à cette heure-ci tu n'aurais plus l'occasion de geindre sur ton pauvre sort de noblionne dérangée dans sa tranquillité.

Le ton d'Isabelle se fut plus dur lorsqu'elle lui lança un Lâche-moi d'un ton rude tout en ouvrant la porte laissant le froid d'engouffrer dans toute la pièce.

- Et j'ai tenté de te garder en vie, pas que tu apprécies l'effort, bien qu'il m'est coûté quelques bons litres de sang. Ça car j'ai fait la promesse à notre père de sauvegarder notre lignée en vie, aussi entremêlés soient nos sangs.

Elle relâcha brutalement le bras de sa demi-soeur et croisant les siens contre son torse elle observa une dernière fois sa dernière famille qui n'aspirait qu'à fuir.

- Acculée devant le premier obstacle tu fuis déjà, qu'est-ce le contraire de bravoure déjà, mhm oui, lâcheté.

Stupéfait, horrifié, confus, les adjectifs ne manquent pas pour me qualifier après avoir entendu les paroles d'Isabelle. Dire que je ne m'y attendais pas est un euphémisme. Moi qui pensais qu'après avoir sauver Aria des portes de la mort ensemble, qu'elles allaient retourner chez elles plus amies que jamais, je m'étais mis le doigt dans le l'oeil jusqu'au coccyx. Franchement, je ne voyais pas Isabelle aussi froide. Je finis par croiser les bras et me tiens un peu en recul. C'est une affaire de famille après tout.

Petit à petit, je réalise l'autre autre déclaration de la noble. Elle ne veut plus d'Aria, projetant la faute sur sa demi-soeur, alors que je venais juste d'établir le contraire, et maintenant, je suis son propriétaire ?! De quel droit..Je soupire. En venant ici, je m'étais promis de ne prendre aucun esclave. On peut dire que je n'ai plus vraiment le choix. Je ne pouvais pas avoir meilleure alliée maintenant. Il faudra juste faire semblant à l'extérieur. J'ai l'impression que les problèmes ne font qu'arriver. Le sort s'acharne sur nous, c'est pas possible ! Je voulais juste aider une cause qui me semblait juste. Pff...

- ...

Elle ne fit volte-face que pour toiser Arianna. Isabelle s'était montrée dure avec l'esclave, mais elle ne s'attendait pas à ce que cette dernière se montre agressive en retour. Pourtant, elle aurait dû s'en douter ; il s'agissait de la jeune femme... Cependant la colère la gagna face aux propos de la brune. Comment osait-elle ?

-Moi, geindre ? Je pense que je devrai faire quelque chose que je n'ai jamais fait : m'excuser. Oui, excuse-moi : Pendant trop de temps je t'ai donné plus de valeurs que tu en avais, ça a dû te perturber... C'est vrai que c'est moi qui n'ai cessé de me plaindre à cause de ma condition d'esclave, parce que j'avais décidé de me montrer tout autant stupide qu'intrépide ! Si tu n'étais pas tombée sur moi cela fait longtemps que tu serais morte. Combien de nobles, crois-tu, t'auraient épargné en apprenant que tu désirais servir la Guilde des Ombres ? Que tu voulais les aplatir eux et leurs semblables ?! Alors c'est à toi de cesser de te plaindre. Tu n'es là...

Elle regarda cette fois Maximilian, le jeune homme. Peut-être qu'avec lui Aria serait en sécurité, elle l'espérait. La jeune femme ne souhaitait pas leurs morts.

-... avec lui, que par votre faute ! Votre geste était irréfléchi.

Elle se tourna à nouveau vers la porte, et l'ouvrit plus en grand.

-Maudis moi si tu veux, mais reste loin de moi.

Elle sortit, et referma la porte derrière elle.