James naquit au village. Il fut élevé les premières années de sa vie par sa mère qui laissa vite la place à la figure paternelle. Morte lui a-t'on dit. Jamais son corps n’avait été retrouvé.
Selon les rumeurs, elle aurait été tuée par un gardien ou encore par la guilde. Certains disaient qu'elle avait fuit cette vie de misère, qu'elle avait trouvé un autre endroit où il faisait bon vivre. D'autres affirmaient qu'elle était devenue esclave pour un maître qui la battait et ne la laissait pas sortir. Enfin, des rumeurs de village …
Au début, jaser ainsi de sa mère et ne pas savoir la vérité, blessait le petit James. Il se posait maintes questions à n'en plus dormir.
Ses idées, son comportement changèrent du tout au tout par l’éducation de son père.
A la dure, dira-t-on.
En vérité son géniteur était un infiltré de la guilde, surnommé l’
enjôleur. Ce dernier lui expliqua ce qu'était la guilde, quel étaient leurs buts et les moyens d'y parvenir. Il lui fit comprendre que les nobles étaient ses ennemis naturels. Que lui aussi un jour, ferait partie de la guilde.
Mais jamais il ne l’emmena au camp. Pourquoi ? Parce qu'il devait trouver par lui-même le chemin, parce qu'il devait faire ses preuves auprès de la guilde, parce que son père le méprisait tout simplement.
« Tu as déjà l'honneur d'avoir mon nom, mes gènes et mon instinct. Tu ne veux pas en plus que je te dise où est le camp ? Que je te présente aux autres comme mon fils, mon héritier ? Et puis quoi encore, tu veux qu'on t’accueille avec des fleurs aussi ? » Il ricanait si fort que le petit James se bouchait les oreilles à chaque sursaut de moquerie ou de bonne humeur.
En grandissant James apprit à ne compter sur personne et surtout pas sur son père.
Pour lui apprendre à être "fort", son dernier parent lui fit l'immense cadeau de l’abandonner. A sept ans, James fut surnommé l’orphelin.
« -
Pitié, pitié Monseigneur.
- Bien que j’apprécie l’appellation, je ne peux me permettre de laisser vivre un lâche comme toi.
- Mais...
- Non non pas de mais, accepte ton sort misérable !
L’épée sous la gorge, le pauvre paysan tentait désespérément de sauver sa vie.
- Je ferais tout ce que vous voulez, mais pas pitié épargnez-moi !
James secoua la tête, un sourire faux sur les lèvres.
- Serez-tu prêt à rester avec tes enfants ? Ah ne pas t’enfuir comme un lâche ?
- Oui oui, je vous le jure.
- Menteur ! »
Le coup partit de lui-même, la lame fine tranchât la tête de l’homme. Il n'y eu aucun temps de réflexion. James soupira en essuyant sa lame tachée de rouge. Encore un tricheur, un malhonnête, un scélérat. Les adjectifs péjoratifs fusaient dans sa tête pour décrire le villageois sans vie à ses pieds.
Le visage laid du paysan affichait un rictus pétrifié qui laissait apercevoir ses dents pourries. Son nez ingrat était écrasé sur le sol et par ses narines s’échappait un filet de sang. Le corps sans tête était habillé d’un vêtement simple et rafistolé de toute part. Ce bonhomme avait donc une femme, une femme aimante qui lui rapiéçait ses modestes habits.
Avant que James n'intervienne, le fourbe allait quitter sa famille et s’en vantait autour d’une bonne bière :
« C’est décidé, disait-il, je quitte les enfants, ils ne me méritent pas, je suis trop intelligent pour m’enfoncer encore dans cette vie de malheur ! Je vais partir à la conquête de la richesse et de la royauté. Je pourrais peut-être prendre la place d’un vieux noble, lui prendre son identité et vivre chez lui. » Il avait rit, un rire qui avait ricochait aux oreilles de notre ami, un rire comme celui de l’enjôleur.
Pas besoin de savoir que ce paysan avait de suite déplu à James. Son instinct l'avait fait dégainer l'épée et défier le paysan en un duel sanguinolent. Le combat avait été rapide. De deux coups de lame, le fourbe avait perdu ses bretelles et son honneur. Humilié, il avait décidé de miser sur la pitié de son adversaire pour tenter de sauver sa vie. Il aurait préféré vivre comme la risée de tous, plutôt de que mourir humble. James n'avait pas à l'épargner. En aucun cas, il ne le méritait pas.
Maintenant l'assemblée qui s'était formée plus tôt autour des deux combattants, commençait à se disperser, terrifiée qu'il ne leur réserve le même sort.
James ne se qualifiait pas de justicier. Il avait juste sa revanche personnelle, qui n'avait rien à voir avec la guilde.
Il avait rejoint celle-ci sans trop d'effort en gagnant sa place tout naturellement, sans aide aucune, pas même celle de son scélérat de père. Ce dernier avait péri durant une mission. Peu importait pour James, il n'avait rien ressenti à cette nouvelle. De toute façon, si son père n'avait pas été supprimé, il l'aurait fait lui-même.
Bien qu'il aimait que les autres fassent le sale boulot à sa place, il restait un vide en lui comme si anéantir son père l'aurait soulagé d'un poids qu'il gardait en lui depuis ses 7 ans.