LINELLERAY - Les Trois

Un instant, sa vue se troubla. Talisa vacilla contre les barreaux de la cage, et sentit à peine les larmes de détresse qui coulèrent sur ses joues. La foule hurlait littéralement, une vague d'hystérie se propageait. Du chaos, s'éleva un chœur "Encore ! Encore ; tuez la vermine !". Cependant, elle ne pouvait détourner les yeux de la tête de Bridget. La lame la lui avait presque totalement tranchée et, déjà le sang chaud se répandait sur le sable. Quelqu'un ouvrit la barrière et des chiens se précipitèrent sur la pauvre victime. Derrière elle, un prisonnier fut pris d'un haut de cœur, avant de déverser le peu qu'il avait dans l'estomac sur le sol. La jeune femme recula. Elle ne pouvait arrêter de se le répéter. Non. Non, tout ceci ne pouvait être vrai ! Elle rêvait... Impossible, qu'il en fut autrement. Mais l'odeur de la mort était bien trop présente pour qu'il ne s'agisse que d'un songe. De nouveau la porte s'ouvrit, et un gardien à l'apparence bourru se saisit d'une nouvelle personne. Une victime âgée de tout juste huit ans. Mia. La fillette se débattit mais sa force était moindre comparée à celle du garde costaud. Le spectacle allait prendre une nouvelle tournure... L'enfant fut traînée jusque sur l'estrade et, même delà sa chevelure d'or continuait d'étinceler. Mia était belle, elle avait l'apparence d'un ange et ses cheveux semblaient être une auréole. La pauvreté et la crasse n'étaient pas parvenues à la dépouiller de cela, la vraie beauté.
C'est alors que parmi le brouhaha s'éleva la voix puissante et grinçante du Gouverneur, un homme grassouillet dont le crâne tellement démuni faisait penser à un œuf. Le silence se fit, tandis que les nobles attendaient avec impatience la suite des réjouissances. Parmi les villageois aucun ne prit la parole face au drame qui allait se dérouler, tous étaient médusés. Alors avec la plus simple indifférence, le Gouverneur demanda à la fillette comment elle souhaitait mourir. Même les nobles se figèrent. Mia supplia, mais bientôt son corps fut transpercé d'une lance. La folie gagna ceux qui s'étaient tus, plusieurs villageois furent abattus lorsqu'ils tentèrent de s'enfuir. L'appréhension les avaient tous gagnés. C'est alors qu'une noble se leva, et débattit avec vigueur la mort de l'enfant. Peut-être avait-elle convaincu certains mais elle n'était pas de face contre le Gouverneur. Il lui coupa la parole et ordonna la reprise de l'Expiation. Le public était maintenant mitigé, certains désiraient toujours venger les leurs et continuaient de huer les villageois, les autres voulaient en finir au plus vite.
Dix-neuf. Dix-neuf corps. Dix-neuf vies. Dix-neuf familles brisées. C'est le nombre exact de personnes qui subirent l'Expiation avant qu'elle même ne fut choisie. Hodor entra dans la cage ; ils n'étaient plus que deux, elle et un garçon dont le nom ne lui revenait pas. Le chef des gardiens s'arrêta devant elle, cette fois la mine atterrée, et l'air désolée. Hodor la sortit de la cage. C'était plutôt une sensation bizarre de se retrouver dehors... Elle était d'une certaine manière libre et pourtant elle courait droit vers la fin de toutes choses. Elle croisa alors le regard de Hodor, elle lut en lui. Tout ceci le révoltait mais il ne pouvait dire mot ou désobéir, cependant, il pouvait faire quelque chose : il pouvait l'aider à causer un maximum de pagaille. Alors, il relâcha la pression sur son bras. Talisa n'avait pas le choix, cela devait paraître crédible : elle frappa Hodor à l'estomac et l'envoya valser à terre. Elle courut aussi vite qu'elle put mais déjà les gardes fondaient sur elle. La rousse aurait été incapable de dire ce qu'il se passait autour d'elle, seule sa survie importait maintenant.  Elle frappa qui compte s'approcha d'elle, du sang ruisselait sur ses mains. Un garde la saisit par le poignet, et alors qu'elle se débattait un craquement retentit. Elle hurla lors son os se brisa, mais aussitôt décocha un poing à l'homme.  Et même lorsqu'elle fut saisie, elle ne s'arrêta pas. Talisa griffait, labourait, tout ce qui était à sa portée. Jusqu'à ce qu'un dernier coup l'atteigne, et qu'elle perdit connaissance.
A son réveil, elle se trouvait sur l'estrade les mains liées. Combien de temps avait-elle était inconsciente ? Quelques minutes tout au plus, probablement. Elle cracha du sang. Talisa était incapable de dire s'il s'agissait du sien, ou bien celui des assaillants qu'elle avait mordus. La foule cria lorsque le bourreau remonta sur l'estrade. Cette fois, elle n'avait plus la force de se battre, plus la force d'encaisser une humiliation, plus la force de subir la douleur. Elle était vulnérable, plus qu'elle ne l'avait jamais été. Tous les regards étaient rivés sur elle, mais elle ne parvenait à fixer que celui du bourreau. Froid et cruel. Il fit rouler son jouet dans ses mains, avant de le délasser : un fouet. Des éclats de rires lui parvinrent des tribunes. Le feu gagna ses joues, elle tira de toutes ses forces sur les liens autour de ses mains ; mais ne réussit qu'à s'entailler la chair. Enfin, le pied du bourreau s'abattit sur elle et l'écrasa au sol. Elle toussota jusqu'à parvenir à reprendre son souffle,puis lentement, elle se leva. Alors le châtiment commença. Le premier coup de fouet lui cingla le dos, déchirant le tissus mais également sa peau, et l'envoyant au sol. Le sang chaud coula le long de son échine. "Debout" ordonna son exécuteur. Avec une dernière fierté, elle se releva et lui fit face. Le second coup l'atteignit au visage, zébrant sa joue de rouge et noir. La rouquine ferma les yeux, ce troisième coup serait le dernier elle le savait... Elle ne pouvait plus résister.
Alors du haut des tribunes, là où siégeaient les membres du Haut Gouvernement, la voix d'une femme s'éleva. Une voix familière... Ce pouvait-il que ce soit elle ?