Après sa dispute avec William et Arianna, Maximilian est parti confus et coupable. Ayant besoin d'un petit remontant pour remettre ses idées en place, il fait une halte dans un bar pas très fréquenté. Les nobles sont amassés dans le Temple, attendant Katharina, bien évidemment. Ce que le jeune homme ne sait pas, c'est qu'un client peut en cacher un autre, et que la langue se délie vite après quelques verres.

Pour beaucoup ce n'était qu'un simple bar, un lieu de rencontres. Pour Alan, c'était bien plus que cela. L'endroit présentait une sorte d'échappatoire, personne ne le reconnaissait ici. Il était pour ainsi dire libre le temps d'une soirée... Ce qui aurait révulsé les plus puritains en ce lieu, lui l'appréciait. L'odeur de whisky, et de bourbon, cette chaleur et la sueur qui vous perlait jusquà la commissure des lèvre, les toasts, les éclats de voix, et les gloussements des femmes de plaisir. Vraiment, tout ici était pour le ravir. Les tabourets en bois, si durs, lui faisaient retrouver des sens oubliés lorsqu'il s'asseyait dans les fauteuils si matelassés de la Haute-Tour. L'endroit présentait d'autres avantages, ici tous finissaient par livrer leurs petites secrets, sans savoir qu'il se jetait dans la gueule du loup. Mais, l'homme n'était pas d'humeurs à tendre l'oreille ce soir. Pour la première fois depuis longtemps - très longtemps - il ressentait une violente anxiété. L'arrivée de Katharina ne le laissait pas de marbre, et les doutes commençaient à l'assaillir. Julianne et Jason avaient fait la sourde oreille, tant pis. Ils ne s'en prendraient qu'à eux-mêmes lorsque les ressources de Vivendale seraient épuisées. En attendant, il comptait boire toute la nuit, et s'accorder un répit bien mérité ; et pourquoi pas en compagnie de plusieurs demoiselles... Dans un tel lieu, les gens ne tiraient pas une tête d'enterrement - ils s'amusaient - ou alors on les remarquait tout de suite. Ainsi, la curiosité d'Alan fut piqué par le jeune homme, assis à quelques chaises de lui au bar. Il hésita. Et puis tant pis, les femmes de joie ne se volatiliseraient pas le temps d'une conversation !

Alan rejoignit le brun esseulé. Accoudé au bar, il semblait perdu dans ses pensées.

« Je peux ? » demanda le Haut-Gouverneur, et avant même d'obtenir une réponse, il prit place sur le tabouret voisin.

Il siffla le barman et commanda deux shoots de whisky. C'est à peine si le jeune homme releva la tête pour toiser Alan. Vraiment pas loquace celui-là ! L'homme mur retint un sourire, et bien soit, l'alcool le ferait parler ! Il attrapa son verre, et le leva.

« A mon jeune ami, qui semble bien accablé ce soir !»

Il vida son verre d'une traite, puis ferma les yeux savourant les flammes qui lui léchaient l’œsophage. Lorsqu'il les rouvrit, le garçon le regardait. Il empoigna la bouteille que le barman avait laissé sur le bar - c'est qu'il commençait à être un habitué du lieu et que le gars avait fini par comprendre qu'avec Alan il valait mieux laisser les bouteilles sorties - et se servit un deuxième verre.

« Mon nom est Alan. Et j'imagine que ce jeune ami a également un nom. »

© Fiche par Hailey J. Kingston pour Expiation exclusivement

A
ssis au comptoir du bar, je regarde le fond de mon verre, vide, comme je me sens en ce moment. Le liquide brun est passé en deux gorgées, et il serait certainement parti en une si je n'avais pas failli m'étouffer avec. C'est à dire que je ne bois que rarement, mais après ce qui s'est passé, j'en ai éprouvé le besoin. Juste oublier un moment ce qui est sans doute la dispute la plus inutile de ma courte vie.

Le bar est quand même peuplé, mais je n'y prête pas attention. Les conversations ne sont que des bruits de fond, vague bourdonnement dans mes oreilles. C'est donc avec surprise que je vois un homme s'installer sur le tabouret à côté de moi. Je ne l'avais même pas vu venir. Apparemment il avait demandé quelque chose. Je me contente de le fixer bêtement, me demandant ce qu'il me veut. Je ne connais personne dans l'Enclave qui en ce moment aurait envie de me parler. Mais soit. Après le fiasco de tout à l'heure, parler avec un inconnu me changera les idées.

Le visage de l'homme ne me dit rien du tout. Il semble être dans la force de l'âge, voir même un peu plus âgé. Ses vêtements  montrent qu'il est assez riche. Ce dernier appelle le serveur et commande deux shots de whisky. Les deux verres sont posés devant moi, et je regarde mes pieds pendant que le garçon verse la boisson alcoolisé. Le noble lève son verre à mon honneur et le boit d'une traite. Honnêtement, je ne sais pas quoi faire.

Alan. Je peux enfin mettre un nom sur son visage. Il a vraiment l'air de vouloir lancer la conversation, en demandant mon nom. Je prends d'abord mon verre et le vide rapidement, avant de le déposer en prenant mon temps.

- Enchanté. Le jeune homme s'appelle Maximilian.

Je tente un vague sourire, me sentant plus confortable après ces deux verres. Peut-être que cette journée ne sera pas aussi terrible.

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Alan répond par un sourire au jeune homme, et ressert leurs deux verres. Cette fois, il trinque avec Maximilian avant d'avaler - une fois encore - le liquide enflammé d'une traite. Le jeune noble semble intrigué, il en est de même pour lui. Machinalement, le Haut-Gouverneur remplit les verres au fur et à mesure qu'ils se vident. Bien sûr, l'alcool lui fait rapidement tourner la tête - c'est qu'il n'a plus sa ferveur passée - mais, plutôt habitué, à ses abus de boissons Alan se terre dans la neutralité. Il ne semble pas que ce soit le cas de Maximilian qui peine à enchainer les verres, mais pourtant continue. Tout laisse à penser que pour lui aussi, le bourbon est ce soir un réconfortant.

« Maximilian... » Alan prend plaisir à détacher chaque syllabe du nom, il pousse un rire roque. Vraiment le garçon semble mal à l'aise, la boisson ne l'a pas encore débridé, mais laissons agir le temps... Cela ne tardera pas. « Ce n'est pas un nom répandu ici, à moins que je ne me trompe - bien sûr Alan sait ne pas se tromper - Nouveau noble je présume ? »

Maximilian ne répond pas tout de suite. Alan est sur le point de laisser tomber et de repartir à la conquête de belle demoiselle lorsque enfin il répond. Pour une raison inconnue, le noble a la puce à l'oreille. Il y a ce timbre tremblotant dans la voix de l'autre, comme si quelque chose pesait sur lui et qu'il tentait de s'en débarasser.

« Trêve de bavardages, dites-moi donc ce qui importune le jeune homme - qui se devrait plein d’allégresse, d'enthousiasme et de joie - que vous êtes. »

Cette fois Alan le sait : il vient de mettre la main sur quelque chose. Et un court instant, il se sent comme un chat refermant ses griffes sur la queue d'une souris. Un nouveau shot, et Maximilian est à lui.

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L
es verres s'enchainent, je ne bronche pas et suis le geste d'Alan, même si ma gorge brûle et que je me retiens de tousser. Je me suis déjà assez ridiculisé aujourd'hui, alors ce n'est pas maintenant que vais faire mon douillet. Il prononce mon prénom avec une certaine lenteur. Ces yeux sont énigmatiques, comme si il sait quelque chose sur moi que j'ignore.

- Heu, oui. J'ai rejoins l'Enclave il y a quelques temps.

Cet homme m'inspire la confiance d'une façon ou d'une autre. Peut-être parce que c'est le premier à m'adresser la parole depuis que j'habite ici ? Néanmoins, je n'ai pas répondu tout de suite. La Guilde m'a assez répété de ne pas baisser sa garde, et ce, à tout moment. Finalement, j'ai décidé de lui dire la vérité. Qu'est-ce que ça pourrait lui faire, d'où je viens ? Des nouveaux nobles, il y en a certes pas tous les jours, mais ça arrive, je suppose. Ma voix n'est pas aussi stable que je voulais laisser paraitre. La culpabilité me pèse toujours, et j'ai du mal à croire que j'ai pu agir comme je l'ai fait.

La question d'Alan me surprend. Mes émotions se lisent-elles sur mon visage ? Beau travail Max, on te lis comme dans un livre ouvert. Ses paroles sont empreintes d'une certaine inquiétude. Est-il réellement préoccupé par ma mine déconfite ? Je décide de lui accorder le bénéfice du doute. Vu son âge, il a du en voir et en commettre des erreurs. Un petit conseil ne serait pas de trop.

- Il se pourrait que j'ai froissé plusieurs de mes amis et que je les ai peut-être perdus pour de bon...

La tête baissée, je regarde mon verre, qui s'est miraculeusement rempli tout seul. Je fini par avaler le breuvage, qui commence à passer sans difficulté.

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Alan maintient le silence quelques instants. Il s'en serait presque voulu de manipuler ainsi le jeune noblion. Il ne quitta pas une seule fois des yeux son verre lorsque Maximilian commença à se confesser, sa proie était bien trop précieuse pour qu'il ne se risque à la faire paniquer d'un seul regard. Nonchalamment, il faisait tournoyer son énième verre presque vide sur le bar poussiéreux. Depuis combien de temps était-il avec l'ancien villageois, il ne saurait le dire - la chose étant que le bar avait commencé à se vider. Tant mieux, l'intimité rendrait peut-être l'autre plus confiant. Le Haut-Gouverneur reprit enfin son petit jeu de chat qui attrape la souris.

« Ah - Les amis, ils sont les seuls que nous pouvons autant désirer que haïr... Mais ne te soucie pas de cela, ils nous pardonnent toujours c'est bel et bien leur rôle. Et si ce n'est pas le cas, s'ils ne reviennent pas c'est qu'ils n'en valaient pas la peine. »

Se penchant par dessus le bar, il saisit deux choppes, deux fois plus grandes que les verres dont ils s'étaient contenter ; et les resservit - en commençant par le grand brun.

« Dis-moi donc ce que tu te reproches tant mon jeune ami... »

La vision du chat plantant ses griffes dans la queue de la souris lui sembla si réelle  qu'il sentit presque des griffes lui transpercer l'extrémité de ses doigts dodus.

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P
ardonner...Un si joli mot que les personnes qui l'utilisent sont moins rares que les fois ou il est prononcé avec sincérité. Pardonner mais jamais oublier, oublier mais jamais pardonner. Les deux verbes se mélangent souvent, et au final, qu'est-ce qu'il reste ? De la rancoeur. Les yeux à demi clos, je commence à somnoler. La chaleur dans le bar agit comme une berceuse, ou peut est-ce la boisson. Rends-toi à l'évidence  Max, ça ne t'arrive pas souvent, mais tu sais le reconnaitre quand tu es soûl. J'en oublie presque Alan, qui, léger sourire aux lèvres, rempli deux grandes choppes comme si de rien n'était. Haussant les épaules, j'accepte le verre. Peut-être qu'il a eu une journée difficile, lui aussi ?

Un hoquet s'échappe de ma bouche, me faisant rougir de honte. Par les dieux, je dois passer pour un novice de première ! Tête baissée, j'attends une réplique, mais rien ne vient. Non, c'est un ton plutôt empathique qu'Alan utilise. Enfin je crois, je ne peux plus compter sur mes sens d'observation pour le moment.

Il me faut plusieurs minutes avant de bien comprendre sa question. Ce que je me reproche ? Ha ! La question à dix millions ! C'est pas ça qui manque... Sans m'en rendre compte, je commence à déballer mon histoire, sentant le besoin de compréhension de la part d'une oreille attentive.

- J'ai l'impression que tout ce que je fais se retourne contre moi ! A vouloir protéger mes amis, c'est moi qui me retrouve tout seul. Je vois des trucs la où il y en pas... Cette Guilde m'a rendu parano ! Je sais que je n'ai pas à me plaindre mais..

Extenué, je fixe la choppe, décidément encore bien remplie alors que je l'avais presque vidée. Je ne vois pas le sourire triomphant d'Alan. L'esprit complètement enivré, je revois les visages de Will et d'Aria.

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Cette Guilde ? Non, vraiment le petit Maximilian un infiltré ? Alan savait qu'avec le garçon il tenait des informations, mais il n'avait pas imaginé qu'elles seraient de cette ampleur. Sa prise l'amplissait de joie, enfin quelque chose qui détournait ses idées de cette put*in d'Eliaryen - un instant du moins, car bientôt le vieil homme devrait retrouver les siens et faire face à la menace grandissante. Qui c'est d'ailleurs, si la blondinette n'avait pas profité de la nuit pour de rapprocher de plus en plus dangereusement de Vivendale... Le Haut-Gouverneur se reconcentra, deux possibilités majeures - en ce qui concernait le tout jeune anobli - s'offraient à lui. Alan énuméra mentalement : Petit un, faire capturé le garçon sur le champ, et laisser ses bourreaux se livrer à des heures d'amusement jusqu'à ce qu'il révèle tout ce qu'il sait. Petit deux, faire du garçon son ami et veiller à ce qu'il lui confie tout ce qu'il sait - le politique pouvait en plus compter sur un allié de taille (la boisson) - il pourrait par la suite en apprendre davantage si Maximilian retournait en informateur dans les bois. Cela permettrait de connaître le point de vue des Ombrageux au sujet de Katharina. Et voilà que ses pensées se tournaient encore vers cette écervelée !

Une fois encore l'homme en revient à ses plans initiaux. Le grand brun n'a pas bronché depuis sa dernière confession. Alan sait que s'il ne veut pas échouer aussi près du but il doit peser ses mots.

« Voyons mon cher ami, si ceux à qui tu tiens ne te sont pas reconnaissants de ce que tu fais pour eux, alors ils ne se doutent pas de ta valeur. » Lui, il avait jauger le gain, et tout portait à croire que l'infiltré lui serait d'une grande utilité. « De plus, tu me sembles tout sauf paranoïaque. Un peu perdu oui, mais pas parano Ah très cher Maximilian, dire qu'il se croyait paranoïaque ! Un de ces dégénérés, qui voient le danger partout, ne se serait jamais confier à Alan, il aurait même perçu depuis longtemps le poison dans l'esprit du vieil homme - tu es bien plus censé que ça. Ne sois pas si dur avec toi... »

Comment une telle langue de vipère peut arriver à susurrer d'aussi doux mots, ce restera pour moi un long mystère. Le fait est que le stratagème d'Alan marcha et que le jeune homme poursuivit sa confidence. Mais il n'avait pas achevé qu'un autre usager du bar les rejoignit. Il ne s'était d'abord pas inquiété ne soupçonnant pas que quelqu'un puisse le reconnaître. Il avait visiblement tord : le visiteur était un de ses anciens gardes, l'homme était salement amoché et en perte de tous ses moyens. Autant dire qu'il gâcha tout... Son "Oh Monsieur le Haut-Gouverneur, si je m'attendais à vous voir là, c'que..." . Le désigné n'écoutait pas plus longtemps ; déjà Maximilian s'était levé et prenait la fuite.

Alan ne cria qu'un seul mot : Gardes.

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« T
u es bien plus censé que ça. Ne sois pas si dur avec toi... » Si seulement c'était si facile ! Je ne peux m'empêcher de rapporter la faute sur moi. Après tout, c'est moi qui ai encore tout exagéré et vu des liens la où il n'y en avait pas. Alan prononce ses paroles avec une tel assurance que j'ai envie de le croire. C'est un peu honteux à avouer, mais bon, au point où j'en suis..Avoir quelqu'un qui m'écoute et me réconforte me fait vraiment du bien. Je ne sais pas d'où il sort ce Alan, mais c'est une perle rare !

Sourire timide aux lèvres, je continue sur ma lancée. « Je dois avouer que la où ils sont dans la forêt, ce n'est pas toujours facile de se faire une place. Tout le monde se connait, je me sens un peu comme la brebis égarée. Mon seul ami qui me soutient vraiment, ben, je ne sais pas si il peut encore porter ce titre..Et puis, y a toutes ces conversations maintenant, avec l'arrivée de Katharina ! Certains veulent la rejoindre, d'autres non, c'est source de discussion tous les jours, alors je me sens complètement à la ramasse quand je passe... »

Je soupire. C'est bien la première fois que je me laisse aller, déversant toutes mes inquiétudes au premier inconnu. Enfin, Alan semble réellement touché. Je m'apprête à continuer quand un homme ayant quelques difficultés à tenir debout se dirige vers le comptoir, un sourire presque jusqu'à ses oreilles. Alan se détourne un instant, puis reporte son attention vers moi, visiblement irrité. Haussant les sourcils, j'inspecte le nouveau venu. Ce dernier pointe Alan du doigt, comme s'il venait de le voir. « Oh Monsieur le Haut-Gouverneur, si je m'attendais à vous voir là, c'que... » Mon sang ne fait qu'un tour. Manquant de peu de tomber de mon tabouret, je file vers la sortie sans attendre la suite. Comment je peux encore courir avec un telle quantité d'alcool dans mon organisme me dépasse, mais ce n'est pas le moment. Le Haut-Gouverneur ! Enchainant rues sur rues, je maudis ma propre stupidité. Mais quelle idée ! Comment ais-je pu tomber aussi bas ? L'alcool, le truc de base...Sentant les larmes venir, je les essuie, rageant. La n'est pas le moment. Je viens de fournir de précieuses informations au type le plus puissant de Vivendale. Voila. La seule chose qui pouvait arriver de pire. Et c'est, encore une fois, de ma faute.

© Fiche par Hailey J. Kingston pour Expiation exclusivement