Les deux femmes sont des plus rebelles. Après l'incident au temple et depuis l'Expiation, leur tendance à sortir des rangs nobles est de plus en plus fréquente. Elles ont défié le HG en arrêtant le massacre au village et puisqu'il ne veut rien entendre, Caitlin et Seyrane ont décidé de s'enfuir et de former une résistance.
Comment s'y prendre, par où commencer ? Même si Caitlin a déjà fugué, cela ne ressemble en rien à ses petites escapades de jeune fille. Cette fois, c'est du sérieux. Après avoir emballé quelques affaires des plus utiles chez Caitlin, les deux jeunes femmes sont désormais chez Seyrane. Elles ont pris tout ce dont elles pourraient avoir besoin mais voilà qu'il faut organiser la suite des événements.

Le temps s'était déjà rafraîchi, l'air était plus léger et beaucoup plus agréable que l'atmosphère qui régnait dans le temple. Néanmoins Caitlin avait toujours un poids dans sa poitrine. Bien qu'elle ne regrettait en rien sa décision le souvenir de Roy, si compréhensif la tourmentait. Seyrane et elle étaient passées à la demeure des Perkins et avaient pris quelques vieilles affaires que Caitlin s'était procurée quelques années auparavant. La parfait kit de survie. Couvertures, vivres facilement conservables, quelques outils pour la "vie sauvage" etc. Elles avaient revêtu des tenues qui n'entravaient en rien leurs mouvements. Le fait d'enfiler ces vêtements les avaient rendues plus lucides. Elles étaient sur le point de faire quelque chose d'irréparable. Un pas de plus et il n'y avait plus de retour en arrière. Mais toutes deux paraissaient certaines de leur choix. Elles en avaient assez du Haut Gouvernement et c'était tout ce sur quoi il fallait se focaliser.

Caitlin avait été impressionnée par la demeure des De Larant. Bien qu'elle ait déjà pénétré dans l'enceinte pour boire le thé, pour un dîner ou une simple visite, elle n'avait jamais visité la maison. Seyrane avait fouillé partout pour trouver des objets utiles. Bien qu'elles avaient visité de nombreuses pièces toutes plus belles les unes que les autres, Caitlin ne s'était pas attardée sur de telles futilités.
Elles avaient rassemblé certains derniers détails pour leur fuite, avait discuté de ce qu'il leur faudrait et après plusieurs discours de motivation, leurs paquetages étaient finalement prêts.

Ensuite, les deux jeunes femmes avaient tant bien que mal transporté leurs paquets jusque dans les écuries. Elles avaient tiré leurs affaires d'un entrain certain jusqu'au milieu de la grange. Essoufflées, elles s'étaient laissées tomber sur des balles de foin.
Caitlin reprenait des forces, les mains sur les genoux, tentant de retrouver un rythme cardiaque à la normale. Après quelques minutes de récupération, celle-ci lança: « Nous allons changer de chevaux, ceux que l'on a emprunté au temple sont déjà fatigués. Il nous faut des montures plus fiables. » Seyrane releva la tête vers elle. « Lesquels sont les plus endurants? »

© Fiche par Hailey J. Kingston pour Expiation exclusivement

Cela faisait maintenant un long moment que les deux jeunes femmes avaient quitté le centre de l'Enclave, les alentours du Temple et toutes les émotions qui allaient de pair avec ces lieux. Pourtant, les images d'un homme ensanglanté, malmené par des gardiens puis jeté sur les pavés persistaient dans l'esprit de Seyrane. Elles étaient d'abord allées à la demeure de Caitlin pour se munir des quelques affaires utiles dans les circonstances de leur départ, puis avaient enchaîné avec la maison des de Larant. La jolie blonde avait revêtu un ensemble d'équitation composé de bas moulants et d'une veste confortable, qui serait bien plus pratique qu'une lourde robe enrubannée. Elle avait également rassemblé quelques vêtements et divers objets qui pourraient leur servir, avant de se diriger vers les cuisines pour prendre des aliments non périssables. Aujourd'hui étant jour de congé, elles n'avaient pas eu à se soucier des domestiques.

Durant tous ces préparatifs, Seyrane ne s'était pas autorisée à penser à ce qu'elle quittait et laissait derrière elle avec le risque de ne plus revoir ou en tout cas, pas comme maintenant. Mais alors qu'elle descendait le grand escalier, promenant ses doigts fins sur la rampe en bois sculpté, une vague de regrets et d'indécision la prit. Faisait-elle le bon choix ? Loin d'elle l'idée de douter de Caitlin et du bien-fondé de leur départ, mais la perspective d'abandonner des choses qu'elle ne reverrait sûrement pas dans le même état la ralentissait considérablement. Il lui suffit cependant de jeter un regard au visage déterminé de son amie pour se rappeler qu'elle ne pourrait supporter la situation actuelle de l'Enclave plus longtemps, du moins sans réagir. Elle acheva de descendre l'escalier en courant et avait rejoint la brune dans les écuries. Les chevaux avec lesquels elles étaient venues se reposaient dans leurs box, mais leurs flancs étaient encore agités d'une respiration rapide. Il était impossible de remonter dessus pour un long périple. Lady Larisson l'avait bien remarqué :

« Nous allons changer de chevaux, ceux que l'on a emprunté au temple sont déjà fatigués. Il nous faut des montures plus fiables. Lesquels sont les plus endurants ? »

La jeune femme fit quelques pas dans l'allée en englobant du regard l'ensemble des chevaux de l'écurie. Son choix fut vite fait ; Menzel et Oslo, les deux hongres que son père et elle-même aimaient prendre pour de longues randonnées ou pour la chasse seraient parfaits. Le premier était couleur caramel, d'un caractère docile et le second gris souris, plus impétueux.
« Ces deux là seront parfaits » déclara-t-elle en les désignant de la main, « Ils sont entraînés et peuvent tenir une journée entière sans faiblir ».

Elle s'empressa d'aller chercher leur harnachement et de les seller avec l'aide de Caitlin. En quelques minutes, elles étaient prêtes et avaient chargé leurs paquetages. Restait maintenant à savoir où aller, et pourquoi faire.

« Je pense qu'on devrait essayer d'aller voir la Guilde. Certes, ils sont dangereux et sans scrupules, mais ils pourront peut-être nous aider. » commença-t-elle d'un ton qui se voulait aussi neutre que possible.

Au fond d'elle, la jeune noble savait pertinemment que les Ombrageux n'accepteraient jamais d'aider deux femmes de leur caste, qui seraient un poids et une source de mépris pour eux, mais la simple idée de revoir Dante et de lui plaquer une gifle cinglante sur la joue la faisait frémir de plaisir. Oh, s'il pouvait perdre en même temps ce petit air prétentieux et supérieur, ce serait parfait. Elle redescendit sur Terre en se rappelant qu'elle ne pouvait pas faire part de ceci à Caitlin.

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Seyrane ne réfléchit pas longtemps et comme mue par une certitude, elle s'avança vers deux des box. « Ces deux là seront parfaits » Elle fit un geste de la main qui engloba les deux animaux. Sur leurs plaques étaient inscrits les noms de Menzel et Oslo. Elle pensa que c'était parfaitement adapté à une vie sauvage et elle eut un sourire en coin. Seyrane poursuivit: « Ils sont entraînés et peuvent tenir une journée entière sans faiblir. » Caitlin hocha pour montrer son consentement. Elle prit appui sur le rebord d'une des stalles et jeta un coup d’œil à l'intérieur. L'animal était particulièrement bien soigné, brossé, en bonne santé. L'endurance que louait Seyrane apparaissait nettement à travers la musculature développée de la bête et son air posé. C'était exactement ce qu'il leur fallait, des chevaux fiables, endurants et calmes.« Très bien, ils m'ont l'air impeccables. » Elle se retourna vers son alliée avec un sourire. L'idée d'avoir ces deux chevaux la rassurait. Il y avait au moins une chose de prévue, une chose de réglée. Elles n'avaient plus qu'à organiser le reste de l'expédition.

Alors qu'elle célébrait intérieurement cette première victoire, ce premier pas, son amie aborda un sujet sensible. « Je pense qu'on devrait essayer d'aller voir la Guilde. Certes, ils sont dangereux et sans scrupules, mais ils pourront peut-être nous aider. » Son sourire s'effaça dans la seconde. Elle n'était pas particulièrement admiratrice des ombrageux. Premièrement, elle n'y avait jamais vraiment cru. On lui avait bourré le crâne toute jeune avec l'étiquette et le respect des règles, on avait évincé tout sujet sensible et qui remettait en cause le gouvernement. Elle avait découvert leur existence que depuis deux ans tout au plus. Elle les savait cruels et sans pitié, se battant pour une équité méritée. Mais à quel prix ? Ils tuaient les nobles sans aucun regret, ils combattaient le feu par le feu. Pourquoi Seyrane avait ne serait-ce que supposé ce ralliement? Qu'est ce qu'il lui prenait ? La Guilde ? Caitlin prit un air surpris. « La Guilde Seyrane? Pour quoi faire? En effet ils sont dangereux et sans scrupules, sur ce point tu as bien raison... alors qu'est ce qui t'est passé par la tête? » Elle se redressa. « Pourquoi irait-on les voir? En quoi nous aideront-ils? Ils sont avides de sang. Même si leurs revendications prônent la justice, ils sont loin d'espérer la même paix que nous. » Elle s'approcha d'elle et posa une main amicale sur son bras. Elle ne souhaitait pas critiqué son idée, juste de lui faire entendre raison. C'était de la pure folie et Caitlin ignorait ses motivations et elles étaient de toutes évidences assez fortes pour lui brouillaient les idées. Elle prit un air plus doux. « Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Ils nous étriperaient à l'instant où ils nous verraient. Et même s'il nous accordaient une .. audience ou que sais-je, qui te dis qu'ils seront enclins à nous aider? Ils ne voient que leurs propres intérêts, ils ne gagneraient rien à désirer ce que nous désirons. » Elle se rassit sur la balle de foin, espérant que Seyrane ne s'attarderait pas sur cette idée insensée. Evidemment, à elles seules, elles ne pouvaient rien faire contre le Haut Gouvernement. Pour l'instant... Elles étaient peut-être sans ressources, sans pouvoir, sans force connue mais elles trouveraient bien un moyen de faire percer leurs idées, d'étendre leurs opinions à un groupe. D'autant plus que l'instabilité du moment à cause de Katharina, lui permettrait de trouver plus facilement une brèche.

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Les chevaux étaient prêts, sellés et bâtés, leurs affaires soigneusement rangées dans les sacoches de cuir accrochées aux selles, elles-mêmes étaient habillées pour leur départ, mais encore restait-il à savoir où aller. Comme Seyrane l'avait prévu, son amie parut surprise de la proposition qu'elle avait faite et n'eut besoin que deux quelques phrases pour lui démontrer qu'il était dangereux et inutile de rejoindre les Ombrageux.

« La Guilde Seyrane? Pour quoi faire? En effet ils sont dangereux et sans scrupules, sur ce point tu as bien raison... alors qu'est ce qui t'est passé par la tête? » Elle se redressa. « Pourquoi irait-on les voir? En quoi nous aideront-ils? Ils sont avides de sang. Même si leurs revendications prônent la justice, ils sont loin d'espérer la même paix que nous. »

La jolie brune marqua une pause et pressa le bras de Seyrane d'une main amicale. Elle prit un air plus doux et son ton était très calme lorsqu'elle reprit :

« Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Ils nous étriperaient à l'instant où ils nous verraient. Et même s'il nous accordaient une .. audience ou que sais-je, qui te dis qu'ils seront enclins à nous aider? Ils ne voient que leurs propres intérêts, ils ne gagneraient rien à désirer ce que nous désirons. »


Elle le savait déjà, avant même d'avoir avancé cette idée, mais avait tout de même tenté sa chance. A cet instant elle s'interrogeait mentalement sur les raisons de cette obstination idiote, mais connaissait déjà le nom de la plus importante et refusait de se l'avouer. D'un mouvement de tête agacé, elle dissipa l'image d'un jeune homme brun aux yeux pétillants et à la démarche féline et fit quelques pas dans l'allée. Caitlin tentait clairement de ramener la blonde à la raison sans la blesser et elle lui en fut reconnaissante. La jolie noble avait des comportements généreux et amicaux envers elle tandis que son propre esprit était attiré par d'autres réflexions et qu'elle ne réfléchissait pas vraiment à la suite de leur aventure. Il était temps de cesser de s'inventer des excuses pour partir à la recherche de Dante et de garder leur objectif à toutes les deux en ligne de mire.

« Oui, tu as raison. » murmura lady de Larant en approuvant d'un mouvement de tête. « Je ne sais pas pourquoi cette idée m'est venue, je pensais que ce serait un soutien utile mais les risques sont trop grands. » poursuivit-elle d'un ton ferme.

La jeune femme fit de nouveau quelques pas dans l'allée, revint, la tête baissée, les sourcils froncés. Son cerveau tournait à plein régime, c'était bien beau d'avoir de la volonté et du courage mais Seyrane et Caitlin ne pourraient rien faire seules, sans armes, sans soutien. Mais où trouver cette aide alors qu'elles étaient rebelles et ne partageaient les idées d'aucune caste ? Il leur fallait convaincre des gens. C'était inutile d'essayer sur leurs proches, combien de fois n'avait-elle pas déjà tenté de rallier ses parents, sa sœur à ses idées ? Quant à la Guilde, ce n'était même pas envisageable. Il restait donc... Les Villageois. Aussi démunis et impuissants qu'elles, mais il fallait prendre toutes les possibilités.

« Nous n'agirons pas seules. Il faut rallier des gens à notre cause. » déclara-t-elle d'un ton mesuré, « et les Villageois sont peut-être les seuls qui nous écouteront. »


La tâche s'annonçait d’envergure, et il fallait de toute façon voir encore plus loin, savoir que faire ensuite, comment agir et imposer leurs idées.

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Seyrane prit quelques temps pour réfléchir à ce qu'elle venait de lui dire et sa tentative de persuasion fut soldée par un succès. La jeune femme leva la tête vers elle avec une moue dépité et hocha. « Oui, tu as raison. » Elle avait soufflé dans un murmure comme pour se convaincre elle-même que Caitlin était dans le juste. « Je ne sais pas pourquoi cette idée m'est venue, je pensais que ce serait un soutien utile mais les risques sont trop grands. » Caitlin approuva à son tour. Elle comprenait son empressement et le croyait lié à l’excitation et l'appréhension des changements futurs dans leur vie. Elle était perdue, ne savait pas par où commencer ni comment, ou même avec qui. Elles étaient deux nobles impuissantes qui tentaient de lutter contre des valeurs bien ancrées.

Leur objectif était devenu pour Caitlin plus qu'une juste cause à laquelle elle adhérait. C'était devenu sa cause, celle pour laquelle elle était prête à tout. Et même à partir de chez elle, à abandonner son mari, ses richesses. Au fond rien de tout cela ne comptait vraiment mais il lui avait tout de même fallut une pointe de courage et une volonté assez forte pour laisser derrière elle tous ces privilèges. Désormais Seyrane et elle étaient dans le même bateau. Elle l'avait entraînée dans tout cela et il était de son devoir de faire naître un semblant de résistance. Alors qu'elle mettait en place un plan "d'attaque" Seyrane la devança. « Nous n'agirons pas seules. Il faut rallier des gens à notre cause. Et les Villageois sont peut-être les seuls qui nous écouteront. »

Caitlin médita un instant cette idée. Les villageois ? Peut-être, s'ils étaient enclins à les écouter. Mais seraient-ils prêts à abandonner leur vie à Vivendale ? Même si celle-ci n'était que misère et dur labeur ? Ils avaient tout de même une protection de la part de Haut Gouvernement, un toit, des provisions, un travail et la plupart d'entre eux avait une famille. Pourquoi risqueraient-ils tout cela ? Même si cela paraissait peu pour les nobles, chacun aurait une raison de rester. Et peu une raison de partir. Néanmoins Caitlin trouva à cette idée une certaine attractivité. Des villageois pourraient se rallier à leur cause, après tout elles avaient décidé de se battre pour eux. La justice qu'elles réclamaient n'était qu'en faveur des pauvres. Qu'y gagnaient-elles, elles ? Voir leurs richesses s'amenuise et leurs privilèges s'amoindrir ? Seyrane avait été frappée d'un éclair du génie. Le concept de cette révolution enivrait ses sens. Était-ce cela qui manquait à sa vie ? Le frisson du danger et de l’incertitude ? Cette instabilité de vie qu'elle n'avait jamais connu ? Caitlin commençait à se croire atteinte de démence. Seul un fou ferait une chose pareille: abandonner une vie de luxe pour vivre reclus dans les bois à espérer une révolte. En jetant un regard à sa partenaire de "mission suicide" elle eut un sourire. Elle était certainement démente mais elle n'était pas seule. C'était un bon début.


Un frisson d'euphorie lui parcourut l'échine. « Excellente idée ! Merveilleuse idée !» Elle leva son séant d'un geste vif et quitta sa botte de foin. Elle se rendit soudainement compte qu'elle n'était plus dans l'obligation de respecter quelque règle que ce soit. Plus besoin de contenir ses émotions elle était libre désormais. Plus de restriction, elle pouvait exprimer son bonheur. « Oh Seyrane, je suis si heureuse que tu m'accompagnes. Je me rends compte de notre déraison mais je n'y vois pas un égarement, j'y vois une délivrance !» Dans ses yeux brillait une lueur de malice et de liberté. Elle porta une main à son front puis sur son cœur. Caitlin n'était pas une personne qui exprimait facilement ses sentiments, c'était certain. Et ce encore moins en présence d'une autre personne. Mais elle était envahie par des émotions trop fortes et se sentait libérée de toutes responsabilités. Plus de bonnes manières obligées, de dialogues ennuyeux, de personnes détestées à qui parler, de tenues appropriées pour chaque événement: dîner, souper, déjeuner, sortie en ville, soirées en famille, soirées avec invités, invités étrangers, amis, voisins, voyage de deux jours, d'une semaine, d'un mois, heure du thé, tenue du dimanche ou du lundi. Plus aucune corvée. Elle eut un éclat de rire.

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Seyrane attendait l'avis de Caitlin avec un peu d'appréhension, sa première idée ayant été énoncée sur un coup de tête, elle espérait que la seconde récolterait un peu plus de succès. D'autre part, un drôle de dilemme la tiraillait, car elle avait autant envie d'être aux côtés de son amie, de partir à l'aventure et de tenter de mener leur révolution que de revoir Dante. Et ce choix difficile lui jouait déjà des tours alors que leur périple n'avait pas encore commencé. Évidemment, elle n'allait pas abandonner lady Larisson là, cela ne lui venait même pas à l'idée. Mais devait-elle essayer de concilier à tout prix ses deux volontés ? Secouant la tête, elle reporta cette question à plus tard et regarda Caitlin. Après quelques instants de réflexion, une sorte d'euphorie s'était emparée de ses traits, son visage s'était illuminé et ses yeux brillaient. Elle semblait convaincue, et les mots qui le confirmèrent ne tardèrent pas :

« Excellente idée ! Merveilleuse idée ! » s'exclama-t-elle tandis que la surprise se lisait clairement dans les yeux de la blonde, qui ne s'attendait pas à un tel enthousiasme, « Oh Seyrane, je suis si heureuse que tu m'accompagnes. Je me rends compte de notre déraison mais je n'y vois pas un égarement, j'y vois une délivrance ! »

La jeune noble resta d'abord hébétée, puis au bout de quelques secondes un sourire tendre étira ses lèvres. Cela faisait peu de temps qu'elle connaissait la jolie brune mais elle ne l'avait jamais vu aussi heureuse et aussi rayonnante. Sa culpabilité des instants précédents à propos de ce désir de revoir le sir Knightley s'était envolée, et la joie de son amie l'envahit à son tour. En quelques jours à peine elle s'était prise d'une profonde affection pour Caitlin et elle prenait conscience de l'atout d'être deux et de pouvoir se motiver l'une l'autre.

« Je suis contente que ça te plaise » répondit-elle en souriant encore.

Après toutes ces réflexions difficiles sur les choix qu'elle devait faire, ses volontés, ses objectifs, Seyrane ne ressentait maintenant qu'une grande sérénité. Elles avaient pris une décision et étaient prêtes à en assumer les conséquences. L'avenir se déroulait devant elles tel un tapis sur lequel elles s'apprêtaient à poser le pied. C'était le moment de partir, de se lancer, de faire le pas, le grand plongeon, de prendre son courage à deux mains et d'y aller. La jeune femme décrocha les chaînes des box de leurs montures et prit Oslo par la bride. Maintenant qu'elles avaient une destination, il ne restait qu'à s'y rendre.

« C'est parti ! » s'exclama-t-elle.

Amenant son cheval à l'extérieur des écuries, elle vérifia les paquetages et, d'un souple mouvement de la jambe, se propulsa sur sa selle.

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Le profond enthousiasme qui l'avait prise s'atténua. Elle était d'autant plus heureuse de leur choix de fuite puisque apparemment sa complice éprouvait le même entrain. Elles n'avaient pas fait une bêtise en fuyant, elles avaient montré leur point de vue. Elles ne voulaient pas seulement prouver au gouvernement que certains étaient en désaccord avec leurs méthodes, elles étaient sur le point de leur montrer beaucoup plus que cela, avec ce qui se mettait en place. De toutes manières, personne ne devait avoir remarqué leur départ. A part Roy, personne n'était au courant, il faudrait plusieurs jours pour qu'ils réalisent. Et avec toute l'agitation à cause de Katharina, puis les préoccupations quant à la sécurité des nobles, ils mettraient sûrement plus longtemps avant de se rendre compte qu'il en manquait deux.

Seyrane était son amie, même si au début l'idée était impensable. Elle n'avait jamais imaginer avoir un même avis que Seyrane de Larant et encore moins lier une amitié ou s'enfuir avec elle. Mais Caitlin n'était pas peu fière de l'avoir à ses côtés. « Je suis contente que ça te plaise »
L'idée d'ameuter des villageois à la cause était parfaite. Il lui fallait désormais un plan d'attaque. Mais tout cela viendrait plus tard et peut être même subitement. Les deux jeunes femmes ne manquaient pas d'imagination ou d'audace, elles l'avaient prouvé maintes fois. Il ne leur serait pas si difficile de monter des stratégies pour atteindre le Haut Gouvernement. Comme d'un accord commun, les deux rebelles attrapèrent les brides des chevaux. Seyrane prit Oslo, le grand gris. Menzel était pour Caitlin. Cette couleur champagne était magnifique et elle passa une main sur la robe comme pour réaliser que c'était le moment, qu'elles devaient y aller. Elle vit le visage de son amie se détendre et elle prit une grande inspiration. « C'est parti ! » La brune hocha pour l'encourager. Elles sortirent des écuries, vérifièrent que tous leurs bagages étaient solidement accrochés et que rien n'entraveraient les mouvements des bêtes. Elles se hissèrent sur le dos de leurs destriers respectifs et un large sourire aux lèvres, furent prêtes pour leur grande aventure. Elles talonnèrent leurs étalons et quittèrent la demeure de Larant sans un regard en arrière.

Elles marchèrent paisiblement pendant plus d'une heure sur un sentier de terre. Le soleil déclinait peu à peu et la cime des arbres se dessinait de plus en plus nettement. « On pourrait se poser à la lisère de la forêt ou bien un peu plus profondément. Pas au point de se perdre mais assez pour qu'on ne nous trouve pas s'il vient l'idée à nos familles de nous faire chercher. »

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D'un même mouvement, les deux jeunes femmes avaient saisi la bride de leurs montures et les avaient conduites à l'extérieur, dans la petite cour de la demeure des de Larant. Une fois en selle, il ne leur avait fallu que quelques minutes pour s'éloigner nettement de la bâtisse, laissant derrière elles titres, familles, amis, possessions. A l'instant l'esprit de Seyrane n'était pas du tout tourné vers cet abandon mais plutôt vers ce qui les attendait, la liberté, le combat qu'elle avait toujours voulu mener, l'absence de contraintes éthiques qui faisaient loi dans l'Enclave. Tant mieux dans un sens, il fallait mieux voir le positif dès le début du périple, les regrets et la nostalgie auraient leur place plus tard.

Les chevaux allaient bon train et le bruit régulier de leurs sabots sur le sol semblait un hymne de liberté aux oreilles de la blonde. Combien de fois n'avait-elle pas échappé aux dîners, aux réceptions, aux thés en sortant juchée sur Oslo, partant de longues heures dans la forêt ? Mais le faire maintenant avec Caitlin était encore plus plaisant et plus rassurant, car si elle avait désormais une alliée leur objectif était bien plus important que la simple volonté d'éviter ses semblables.
Pendant plus d'une heure, elles avancèrent ainsi sans prononcer une parole, chacune plongée dans ses pensées ou occupée à admirer les environs et à profiter de ces sensations rarement éprouvées jusqu'à ce jour. Ce fut la jeune femme brune qui rompit le silence tandis que le soleil déclinait à l'horizon :

« On pourrait se poser à la lisère de la forêt ou bien un peu plus profondément. Pas au point de se perdre mais assez pour qu'on ne nous trouve pas s'il vient l'idée à nos familles de nous faire chercher. »

Lady de Larant réfléchit quelques instants puis répondit :

« Je pense que nous devrions nous installer juste après la lisière, pour surveiller l'avancement de l'armée étrangère ainsi que notre possible recherche. Il faut éviter de s'enfoncer trop profondément car nous risquerions de nous perdre, ceux qui connaissent le mieux la forêt sont les Ombrageux et je préférerais éviter de tomber sur eux. »

Bien sûr, elle préférait éviter la Guilde et ses membres pour leur sécurité mais aussi dans la crainte mêlée d'envie de croiser Dante. D'une part, elle tenait à régler ses comptes avec lui et d'autre part, faire une croix dessus serait peut-être le mieux. Il avait sûrement rejoint ses compagnons puisqu'elle l'avait vu dans les rues de Vivendale, descendant vers la porte Sud de la ville. Au vu de l'invasion qui se préparait, il fallait sûrement mieux ranger son costume de noble et revêtir celui d'Ombrageux. Quant à elles, le choix ne se posait même pas, elles étaient maintenant sans étiquette.

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L'idée fut méditée. Il leur fallait une stratégie de position: assez loin pour ne pas être repérées mais assez près pour pouvoir agir dans toutes circonstance et voir venir le "danger". Si on les trouvait, on les ramènerait directement à l'Enclave et elles seraient plus surveillées. Mais qu'on cherche après elles relevait de l'improbable désormais. Le Haut Gouvernement était plus occupé à trouver une solution pour résister aux Etrangers que te surveiller deux noblionnes écervelées. Et elle comptait aussi sur Roy pour brouiller les pistes. Les seules personnes qui s’inquiéteraient seraient leurs familles et il serait facile de les détourner assez longtemps de leur conviction de lancer des recherches. Roy était quelqu'un de convainquant, il saurait quoi faire.

« Je pense que nous devrions nous installer juste après la lisière, pour surveiller l'avancement de l'armée étrangère ainsi que notre possible recherche. Il faut éviter de s'enfoncer trop profondément car nous risquerions de nous perdre, ceux qui connaissent le mieux la forêt sont les Ombrageux et je préférerais éviter de tomber sur eux. » Alors que Seyrane avait proposé plus tôt de rejoindre la Guilde, voilà qu'elle s'abstenait de leur présence? Elle fut surprise que son amie change aussi vite d'opinion. Apparemment Caitlin l'avait convaincue même si elle doutait qu'elle avait été à ce point persuasive. « D'accord. » Elle tourna la tête vers son alliée et lui sourit. « Nous allons juste rester à cet endroit pour la nuit, il est trop tard pour chercher un lieu pour sûr. Demain matin nous pourrions explorer un peu plus les environs et trouver un bon emplacement. » Bien que leur fugue n'ait pas les mêmes motifs ni les mêmes motivations que celles de sa jeunesse, Caitlin pensait que ce n'était pas si différent. Ce qu'elles faisaient dans l'instant était assez similaire à ses "caprices" d'adolescence. Elles allaient monter un campement de fortune, faire du feu, dormir à la belle étoile. Elle devait avouer qu'elle était excitée de s'aventurer dans les bois et de "vivre une vie sauvage". Elle n'avait jamais été faite pour les salons, les grands discours et le respect du silence. Elle se prenait pour une aventurière de ses livres, si téméraires et débrouillardes. Caitlin ne doutait pas qu'elle y arriverait. Et avec Seyrane à ses côtés, tout semblait plus plausible.

Elle quittèrent le pâturage qu'elles venaient de traverser pour zigzaguer entre les premiers arbres. Au bout de quelques mètres elles décidèrent de s'arrêter et d'installer leur matériel.

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Alors que les deux jeunes femmes discutaient du lieu de leur campement, les premiers arbres marquant l'orée de la forêt commencèrent à apparaître ça et là. Le massif forestier de Vivendale était marqué par la prépondérance des pins et autres conifères, phénomène sûrement dû au climat de la région. Seyrane en aimait beaucoup l'odeur épicée, presque un peu fruitée, et l'idée de dormir à la belle étoile entre ces grands troncs élancés ne la dérangeait pas. Le sentier que leurs montures avaient emprunté depuis qu'elles avaient quitté les pâtures se rétrécit et les arbres se resserrèrent. C'était l'heure de monter le campement.

« Nous allons juste rester à cet endroit pour la nuit, il est trop tard pour chercher un lieu pour sûr. Demain matin nous pourrions explorer un peu plus les environs et trouver un bon emplacement. »

Lady de Larant acquiesça d'un signe de tête et mit pied à terre aussi gracieusement que lors de sa mise à cheval. Elle ôta la selle d'Oslo, sa bride et le laissa paître à quelques mètres de l'emplacement choisi. En quelques instants, provisions, piquets, toile de tente, vêtements et divers objets furent sortis des sacoches. Les deux nobles se mirent au travail et leur abri nocturne ne tarda pas à tenir debout. L'excitation, l'euphorie même des premières minutes de leur fuite s'étaient dissipées et laissaient place à une sérénité et un sentiment de grande liberté. La blonde ne se faisait pas d'illusions : cette aventure ne serait pas de tout repos mais la joie d'être aux côtés de Caitlin lui donnait une assurance inhabituelle. Elle se félicita d'avoir trouvé une alliée aussi admirable et pour laquelle elle ressentait une telle amitié.

« Nous devrions peut-être faire un feu pour ce soir, non ? Même si nous ne sommes qu'à l'orée du bois, les animaux ne doivent pas manquer par ici et la compagnie de certains ne m'enchante pas spécialement... » murmura-t-elle avec un petit sourire inquiet.

Les premières difficultés montraient le bout de leur nez. La brune, fugueuse dans sa tendre jeunesse, ne devait pas être effrayée de ce genre de détails, mais dormir à la belle étoile était une première pour Seyrane. Son lit douillet, la cheminée de sa chambre et toutes ses petites habitudes confortables lui manquaient soudain. Mais il ne lui fallut que quelques instants pour éloigner ces prémices de regrets et retrouver sa détermination. Attendant une réponse de lady Larisson, elle s'empressa d'ouvrir les emballages des aliments qu'elles avaient emportés, et sortit du pain, des fruits et de la viande crue qu'elle déposa sur une nappe. Repas frugal comparé aux somptueux dîners des nobles, mais elle connaissait déjà cet aspect au vu des longues randonnées solitaires qu'elle avait coutume de faire l'été.  

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Elles mirent pied à terre et s'empressèrent de libérer les bêtes de leur chargement et de leur ôter leur pesant harnachement. Elles les attachèrent en leur laissant un large espace pour savourer cette liberté. Bien sûr il y avait de nombreux pâturages dans les près mais les chevaux paraissaient enjoué par cette nature environnante. Elles défirent ensuite les bagages en prenant soin d'établir un certain ordre des choses. Premièrement elles s'attaquèrent à la tâche de monter la tente. Chose plus difficile à faire qu'à dire. Piquets, cordes, la tente fut sur pied un peu plus tard et même si bancale, elle ferait largement l'affaire.
« Nous devrions peut-être faire un feu pour ce soir, non ? Même si nous ne sommes qu'à l'orée du bois, les animaux ne doivent pas manquer par ici et la compagnie de certains ne m'enchante pas spécialement... » Absolument, elles en auraient besoin. « D'accord, je vais chercher un peu de bois pendant que tu choisis le dîner. » Les deux fugitives s'occupèrent donc des provisions. Elles avaient amené beaucoup de nourriture, c'était en plus le plus important. Comment survivre sinon? Elles ne se voyaient pas vraiment chasser. Caitlin avait prévu que lorsqu'elles seraient à cours de provisions, elles iraient chercher plus de vivres à Vivendale. Elles devaient retourner convaincre les villageois, elles feraient d'une pierre deux coups. La brune ramassait donc des brindilles autour de leur campement pour commencer un feu. Il faudrait cuire leurs aliments. Si elles avaient emporté des provisions basiques, elles avaient aussi pensé à prendre quelques viandes. Caitlin, même si elle avait expérimenté la vie dans la forêt, n'y était jamais restée bien longtemps et quand son estomac grondait, ne tardait pas à retrouver le chemin de l'Enclave. C'était une première pour elle également et elles avaient toutes deux peu d'expérience, voire pas du tout. Cuire sa viande sur un feu de camp n'était plus question de s'amuser, c'était du sérieux.

Caitlin revint quelques minutes plus tard les bras chargé de rameaux. Elle les déposa à deux mètres de la tente et observa le choix de sa complice. Pain, fruits et viandes. Parfait même s'il leur fallait économiser les vivres, ce soir était repas de fête. Elles l'avaient bien mérité après tout. Elles s'attelèrent ensuite à la tâche de faire un feu. Dans les livres, les personnages frottaient deux pierres l'une contre l'autre et comme par magie, s'allumait un foyer digne de ce nom. La réalité était tout autre. Alors que la brune tentait désespérément de chauffer les cailloux entre eux, son acolyte essayait la "méthode bois".  Elle était très patiente d'ordinaire mais la noble craqua et envoya balader ses pierres. « Raaah, ça ne marche pas! »

© Fiche par Hailey J. Kingston pour Expiation exclusivement

Caitlin accepta la proposition de la blonde et s'éloigna à la recherche de bois tandis qu'elle-même sortait leur repas du soir. Tout en remballant les autres aliments, elle prit conscience que la quantité de vivres qui lui paraissait énorme à leur départ n'était plus si importante lorsqu'on la regardait avec les yeux de quelqu'un qui allait passer plusieurs jours et nuits dehors. Heureusement que l'expérience de son amie lui avait dicté de se munir correctement car sinon elles auraient été à jeun dès le lendemain. Assise sur la nappe qu'elles avaient emportée afin de dîner, la jeune femme observait les alentours et réfléchissait à leur fuite. Serait-elle remarquée ? Oui, c'était quasiment sûr car même si Roy ne donnait pas l'alerte, la famille de Larant s'empresserait de faire et le pauvre homme devrait bien justifier l'absence de sa femme. Mais quant à partir à leur recherche, c'était une autre affaire... Bien sûr, il y aurait quelques patrouilles qui fouilleraient vaguement les alentours mais tout le monde était si préoccupé par l'arrivée imminente de Katharina que personne excepté leurs familles ne se soucierait de leur disparition. Dans d'autres circonstances, Seyrane en aurait été vexée mais ici c'était pour le mieux. Il ne suffisait pas de fuir, encore fallait-il être discrètes et ne pas être poursuivies par une troupe de gardes. De toute façon, même si c'était désagréable à avouer, ni elle ni la brune ne constituaient des pertes importantes pour le fonctionnement de la société. Juste deux graines révolutionnaires en moins.

Lady Larisson revint après quelques minutes, les bras chargés de brindilles, de petites branches, qu'elle déposa lourdement à deux mètres de la tente. Elles commencèrent ensuite à faire du feu, chose plus aisée à dire qu'à faire. Chacun savait que frotter deux pierres l'une contre l'autre ou utiliser la technique du bois étaient deux manières d'obtenir un feu sans allumettes ; mais pour la réalisation, il faudrait repasser plus tard. Au bout de plusieurs minutes d'essais acharnés, en vain, la brune lâcha ses pierres, agacée et découragée :

« Raaah, ça ne marche pas! »

« Effectivement, je n'y arrive pas non plus. » soupira Seyrane, atterrée. La persévérance était au nombre de ses qualités mais la vie dans les bois s'annonçait plus compliquée que prévu.
« Attends, je vais regarder s'il n'y a pas des allumettes dans les sacoches, mon père en laisse souvent au cas où. »

Elle se leva et fit quelques pas jusqu'au tronc sur lequel elles avaient posé les lourdes poches de cuir. Commençant par celles de Menzel, monté d'ordinaire par son père, elle fouilla soigneusement, sans résultat et attrapa celles d'Oslo en priant silencieusement pour que personne ne les ait vidées. Ô miracle ! Dans la seconde subsistait une petite boîte d'allumettes, à moitié vide mais qui leur suffirait largement pour ce soir.

« Victoire ! » s'exclama-t-elle en brandissant la minuscule boîte en bois, les yeux brillants.

La jeune femme retourna s'asseoir et tendit les allumettes à Caitlin avec un sourire satisfait. Le problème était écarté pour aujourd'hui, mais il reviendrait demain, car les allumettes étaient peu économiques et il faudrait bien trouver une solution quand la boîte serait vide. Mais, depuis le début de ce périple, elle avait décidé d'arrêter de réfléchir sans cesse aux évènements de demain et de se concentrer sur le présent, de le vivre du mieux qu'elle pouvait et de reporter les interrogations sur le futur. Son amie ne tarda pas à allumer les quelques branches, et bientôt un petit feu jaillissait du foyer qu'elles avaient préparé. Elles commencèrent à manger en conversant joyeusement, et Seyrane se répéta encore une fois qu'elle ne regretterait pas son choix.

Sa complainte fut suivit de l'abandon de Seyrane. « Effectivement, je n'y arrive pas non plus. » Caitlin s'assit en tailleur. Position agréable dans laquelle elle se retrouvait peu souvent à cause de ses grands jupons. Vêtue d'un pantalon saillant et pratique, cette tenue était beaucoup plus agréable que les robes encombrantes dont elle avait l'habitude. Elle se sentait plus légère et plus libre, moins entravée dans ses mouvements. Les nobles suivaient l'étiquette et les vêtements tenaient une place importante dans la société. La brune n'appréciait pas vraiment de choisir les tissus et les rubans, elle l'avait toujours fait de façon mécanique. Elle avait longtemps envié les jeunes filles qui s'émoustillaient quand on parlait de magasins. Lorsqu'elle était plus jeune elle avait désiré leur ressembler, elle avait toujours essayé de se fondre dans la masse pour plaire à ses parents. Son côté rebelle s'était développé avec les tentatives échouées. D'aussi loin qu'elle s'en souvienne elle n'avait jamais convenu à sa famille. Trop différente, trop étrange, trop indisciplinée. Elle avait essayé pourtant.

Son amie soupira et laissa de côté ses bouts de bois. « Attends, je vais regarder s'il n'y a pas des allumettes dans les sacoches, mon père en laisse souvent au cas où. » Caitlin lâcha des yeux ses deux cailloux parfaitement inutiles pour regarder sa complice. « Oh ce serait bien venu ! » Seyrane se leva et se dirigea vers les sacoches. Au bout de quelques secondes elle revint victorieuse, la boîte précieuse dans les mains. Elle la lui tendit avec un air triomphant. Comme si ces allumettes étaient des objets rares et inestimables, avec la plus grande délicatesse et prudence, Caitlin se mit à l'oeuvre de faire un feu. Elle rassembla les brindilles et croisa les doigts pour réussir du premier coup à les allumer. Une étincelle jaillit de la bûchette et de petites flammes ne tardèrent pas à se lécher les branches. Caitlin prit soin d'entretenir le feu et de créer des braises. Elle purent ainsi cuire leur viande et déguster un repas de fête. Oh bien entendu cela n'égalait pas les dîners à l'Enclave mais pour deux fugitives en pleine nature c'était plus que parfait.

Le soleil déclinait un peu plus à chaque minute et le ciel se teintait d'orange et de rouge. Bientôt seul le haut des sapins massifs fut éclairé par les rayons rougeoyants. Caitlin et Seyrane décidèrent de laisser le feu crépiter selon son envie, il s'éteindrait de lui même. Il n'y avait aucun risque qu'on les retrouve, personne ne s'en inquiétait pour le moment. La fatigue de cette journée peu commune se fit ressentir et la noble lutta pour éviter un bâillement. « Allons nous coucher, demain nous avons beaucoup de choses à préparer. » Elle sourit à sa complice et elles rentrèrent dans la tente. Elles avaient installé des couvertures à même le sol pour rendre le sommeil plus confortable. « Bonne nuit Seyrane » La réponse fut un soupir ensommeillé et la brune sourit. Elles avaient beaucoup à faire dans les jours suivants. Il leur fallait monter une révolte tout de même. Petit à petit ses yeux se fermèrent. La dernière vision qu'elles eurent fut les faibles ombres crées par les flammes et les arbres des bois qui dansaient sur la toile de leur tente et qui accompagnèrent leurs rêves.

FIN

© Fiche par Hailey J. Kingston pour Expiation exclusivement