So I guess you're back? - Juliet & Romane

Le Gouvernement perdant peu à peu le contrôle sur la population, les habitants de l'Enclave tente d'oublier les actuels événements en se promenant. Par malheur pour certains, les Villageois fréquentent également les mêmes lieux et les deux classes se croisent. Romane est sortie du Temple en usant de ses charmes auprès d'un garde. Les Nobles angoissés la stressaient elle-même et cela la rendait sur les nerfs. Elle prétendit le besoin de faire quelques courses et sortit flâner en ville. Juliet de son côté, traîne également en ville entre deux missions, le temps de respirer un peu et d'acheter deux trois bricoles.

Et par on ne sait quel hasard expiéen, les deux jeunes femmes se tombent dessus et se croisent pour la première fois depuis le retour de Romane. Bien des choses ont changées, à elles de se l'expliquer.

La jeune femme avait réussit à sortir du Temple après sa discussion avec Lord Larisson. Elle avait besoin de faire quelques courses et surtout, de prendre l'air. Ce n'était qu'un prétexte ses emplettes. Elle poussa un soupir et chassa ses cheveux en arrière avant de refermer ses bras autour d'elle. Elle enfila ses gants bordés de fourrure et rabattit sa capuche sur son visage. Elle détestait les Villageois et même si elle n'avait pas de raison, être en leur compagnie la révulsait. Il y avait des rangs et des classes sociales, autant les respecter. C'était peut être idiot comme réflexion mais elle avait été élevée ainsi. La blonde arriva donc très rapidement dans le centre presque déserté. Elle fronça le nez ; mince. Elle allait devoir s'occuper autrement. Soudain, une famille de Villageois apparut et elle baissa la tête, adoptant une démarche incertaine et douteuse. Ils passèrent près d'elle sans lui adresser ne serait-ce qu'un regard et continuèrent. Elle se remercia de ne pas avoir remis du parfum qui aurait trahit son appartenance aux Nobles. Se redressant elle reprit sa marche, le menton haut mais le visage toujours couvert. Elle devenait vraiment pathétique.

Tournant sur une rue pavée, elle s'approchait des quartiers plus riches de l'Enclave et elle se sentit soulagée. Retirant sa capuche, elle chercha son café favori des yeux et y rentra machinalement. L'odeur du café moulu vint chatouiller ses narines et elle se détendit immédiatement. C'était son environnement. Sauf qu'il était pratiquement désert, à l'exception d'une vieille dame qui buvait son thé sans vraisemblablement se soucier du risque qu'elle encourrait. Elle braillait au serveur :

« Je vis ici depuis des années, ce n'est pas une troupe de sauvages qui m'enlèveront mon pays natal! »

Romane réprima un sourire et s'installa sur une banquette où elle avait l'habitude de boire avec Juliet et Seyrane. Une pointe de nostalgie lui pinça le coeur et elle chassa les larmes qui embuaient ses yeux. Elle regrettait tellement ce temps où elles étaient inséparables... Malheureusement, elle n'avait pas d'autres choix. Reniflant avec dédain, elle se redressa une nouvelle fois, dégageant son visage de ses épaules et détacha sa cape, dévoilant son cou gracile et ses épaules dénudées. Elle commanda un thé puis leva distraitement les yeux sur la personne qui venait de rentrer et qui la fixait.

Juliet se tenait devant elle.

© Fiche par Hailey J. Kingston pour Expiation exclusivement

Le menton relevé, la démarche assurée et sensuelle, Juliet se pavanait dans les rues de Vivendale. Elle revenait de la tour et avait abandonné son capuchon d'espionne. Maintenant, elle était Juliet Madelyn Perkins, noblionne adorable et caractérielle. Elle lançait, à chaque villageois qu'elle croisait, un grand sourire, ouvertement et totalement hypocrite. Il n'était pas encore temps de rejoindre le Temple... la décision du Haut-Gouvernement était prise, c'était plutôt le moment d'en profiter! Elle ajusta ses mèches de cheveux en les amenant par devant ses épaules et en plaçant stratégiquement les pointes sur son décolleté. Elle se sentait jeune, belle et avait toute la journée devant elle. Katharina n'allait pas attaquer dans l'instant. Que pouvait-elle bien faire en cette belle matinée?

Elle se souvint alors d'un petit café où elle allait avec Seyrane et Romane, ses deux amies d'enfance. Ah quelle belle époque! C'était le temps où elle n'avait rien à voir avec aucune Julianne, aucun Alan ou Jason. C'était le temps de la facilité et la simplicité, son temps d'innocente noble qui ne savait rien. Elle sourit pour elle même en baissant le regard sur les pavés. Elles avaient souvent couru dans cette rue, riant aux éclats ou se chamaillant pour savoir qui arriverait la première à la boutique.

Juliet prit une avenue sur sa gauche en se remémorant les courses folles avec ses amies. Elle toucha les pierres des maisons avec une certaine nostalgie. Puis elle fourra les mains dans ses poches pour se protéger de l'air frais. Elle enfonça la tête dans les épaules et, un sourire sur les lèvres, décidée, elle marcha jusqu'au café.

Elle poussa la porte dans un mouvement familier et la cloche d'entrée émit un doux son qui raviva de lointains souvenirs. Cette amitié lui manquaient, bien que tout cela appartienne désormais à son passé. Elle se dirigea au comptoir et il lui sembla que le vieil homme la reconnut. Comme si.. elle n'avait pas remis les pieds dans cet endroit depuis des années. Elle attrapa son café et se dirigea vers la banquette sur laquelle les trois gamines avaient passé le plus clair de leur temps. Mais elle se figea.

Elle aurait reconnu cette chevelure blonde n'importe où. Bientôt elle vit son profil. Un nez légèrement retroussé, une bouche rose, un menton fin et ce regard fier. C'était impossible, elle était à mille lieux. Elle fronça les sourcils, se traita d'idiote. Ses souvenirs lui jouaient des tours, tout simplement. Pourtant lorsque le présumé mirage se retourna et lui renvoya cette expression étonnée, Juliet ne put retenir sa surprise:
« Romane? »

© Fiche par Hailey J. Kingston pour Expiation exclusivement

Ses doigts avaient instantanément arrêté de pianoter le bois vernis de la table. Juliet, sa Juliet de l'enfance était là en chair et en os. La blonde cligna plusieurs fois des yeux, figée par la surprise. S'il y a bien une chose à laquelle elle ne s'attendait pas, c'était bien cela. La brune l'interpella, une expression tout aussi confuse, et la tira de son immobilité. Elle se leva avec maladresse tout en gardant ses yeux rivés sur la jeune femme. Elle paraissait si irréelle. Combien de fois avait-elle imaginé leurs retrouvailles? Tous les scénarios possibles étaient passés dans son esprit ; une rencontre brève et froide, à l'image de leurs disputes auparavant, ou bien une effusion de colère, de rage et de larmes. Mais jamais quelque chose de bien joyeux. Or, c'est exactement ce qu'elle ressentait actuellement. De la joie, une joie immense, incommensurable qui irradiait dans chaque cellule de son être. Romane parcourut les derniers pas qui les séparaient et emprisonna fermement les fines épaules de son amie. Elle cligna encore plusieurs fois des yeux qui brillaient de joie. Elle était partagée entre l'incompréhension et le bonheur. Enfonçant son nez dans les cheveux foncés de Juliet, elle souffla :

« Comment c'est possible? »

Elle se recula vivement et saisit les épaules entre ses mains, pressant ses doigts contre sa peau comme pour s'assurer de sa vraie présence. Oui, oui, elle était bien là, devant elle, avec elle. Cela faisait des années qu'elles ne s'étaient pas vues mais la brune n'avait pratiquement pas changé. Certes un peu plus de maturité dans ses traits et une assurance beaucoup plus marquée, une aura qui vous enveloppait avec douceur mais qui ne manquait pas de poigne. C'était bien sa Juliet, la Juliet de son enfance.

La porte tinta et une dame entra et lâcha un râle quand elle dût contourner les deux jeunes femmes. Romane glissa ses mains le long de ses bras et l'attira à la table à laquelle elle était assise tout en fusillant du regard la vieille dame. Elle s'assirent face à face, reformant une partie du triangle que Seyrane compléterait. Un serveur apporta le thé et la blonde recula à peine pour lui laisser la place de le poser tant elle était subjugée par la présence de son amie. La joie précédente redescendit et laissa place à une familiarité mêlée d'un manque d'aisance qui ne lui ressemblait pas. Probablement les années qui lui avait fait perdre une certaine habitude. Elle s'empara d'une tasse et l'entoura de ses mains, réchauffant ainsi sa peau. « Je n'aurais pas pensé te revoir ici. Comment vas-tu? »

© Fiche par Hailey J. Kingston pour Expiation exclusivement

Droite, immobile, tous ses muscles étaient figés et ses sens en alerte. Romane ici ? Le coeur de la brunette fit un bond dans sa poitrine et ses sourcils se froncèrent péniblement. C'était mauvais, très mauvais. Son retour en ville n'était pas si terrible en soi, mais sa présente changeait la donne... Qu'en penserait Julianne si elle l'apprenait ?

Juliet n'était influencée par personne, pas depuis qu'elle était entrée au service des Trois. Son entraînement lui avait appris à ignorer les sentiments, et les amitiés... Elle avait coupé les ponts avec ses relations, fait une croix sur les amourettes. Son coeur se taisait pour laisser faire l'esprit. Il en était ainsi. Sa famille n'avait plus aucune emprise, passer du temps avec ses anciens amis de l'Enclave ne lui faisait plus aucun effet, et même si elle gloussait devant les Noblions de son âge qui lui faisaient lourdement la Cour, elle ne ressentait que du mépris pour ceux-ci. Elle n'était plus sujette à l'aléatoire, et n'était plus soumises aux pulsions sensibles des Hommes faibles. Elle s'était forgé une carapace, ou plutôt on la lui avait forgée. Elle n'était plus retenue par aucune émotion, celles qui entravaient la logique et qui les rendaient tous fous.

Le café dans une main, l'autre pendait le long de sa hanche, inerte. Le temps était suspendu, pendant que Juliet réfléchissait à la suite. Jason lui avait appris à anticiper les réactions des autres. Elle imagina la belle Romane se lever et venir la saluer. Elles parleraient du bon vieux temps, des aventures de la blonde et des projets qui l'attendaient à l'Enclave. Juliet serait attentive aux récits, pendant quelques heures. Ensuite leurs chemins se sépareraient. Et puis si Romane était de retour pour un moment, elles se reverraient, c'était certain.

Romane était rayonnante, absolument radieuse et Juliet eut un pincement au coeur en voyant ce large sourire, ces fossettes, ces prunelles pétillantes. Morceau de soleil. Ca lui avait manqué, cette joie de vivre, cette passion constante, cette fraîcheur... Autrefois, elles étaient alliées mais aujourd'hui, Romane ignorait tout d'elle, de sa vie, de ses choix. Elle avait trop changé, avait pris une voie différente et les deux ne pouvaient pas être plus contraires. Elle voulut reculer quand la belle approcha. Ses pensées lui hurlaient de faire demi-tour, de quitter l'endroit, de courir s'enfermer dans la Tour. Mais Romane approcha malgré les mises en garde, guillerette, et entoura ses bras autour d'elle. La chaleur d'une étreinte sincère lui était si peu familière à présent ... La blonde la serra, comme avant. « Comment c'est possible? » Elle ne devait pas céder à ces retrouvailles.

Ses plans étaient chamboulés. S'il y avait bien une personne qui pouvait encore la faire douter, la faire changer de camp, c'était bien Romane. Celle-ci avait toujours était une acrobate des sentiments, une manipulatrice hors pair, capable d'insuffler des idées et de faire croire aux autres qu'elles venaient d'eux. Juliet en avait souvent été la victime, de ces petits jeux dirigés par la plus maligne du trio. Elle déglutit, et se concentra sur l'image de la Lionne pour ne pas s'abandonner à cette rencontre dangereuse.

Les deux s'installèrent à leur table, rien n'avait changé dans le café. « Je n'aurais pas pensé te revoir ici. Comment vas-tu? » Elle semblait sincère. Juliet pianota sur son verre, s'obligeant à porter ce masque qu'elle revêtait en dehors de la Tour. Il lui collait à la peau, fondait parfaitement sur ses traits, obligeait un sourire naturel. Mais peut-être que le masque n'était que partiel cette fois. « Très bien. Je vais très bien même. » Elle pencha la tête sur le côté, le regard bienveillant, le timbre doux. « Oui c'est étrange.. » Elle pouffa. « Quelle drôle de coïncidence. Te revoir le même jour où je m'aventure par ici.. ? » Elle caressa le bois de la table d'un air nostalgique, sans quitter le regard clair de son amie. Puis, faussement enjouée, elle ajouta : « Qu'est-ce que tu fais à Vivendale ? Tu es de retour ? Pour de bon ? »