Sourire aux lèvres, Kaage serre les mains derrière la tête, sentant l'odeur du petit-déjeuner dans l'air. Redressant un peu le coussin, le jeune homme repense à la soirée d'hier. Hier était parfait. Et aujourd'hui le sera aussi. Réveillé pour de bon, Kaage écarte les draps et se dirige vers le bac d'eau. Une fois débarbouillé, il enfile ses vêtements et entreprend de rejoindre son ami dans la grande pièce de séjour. Ce dernier vient juste de mettre la table en sifflotant. Sentant son coeur faire un bond, Kaage se retient de sauter sur son ami. Ils sont encore des adolescents, certes, mais il y a des limites. Sentant ses joues rougir, le jeune homme s'empresse de s'assoir à la grande table, louchant sur les crêpes encore fumantes trônant au milieu.
« Je me demande ce que je ferais sans toi » Kaage félicite son ami avant d'enfourner une demi crêpe dans sa bouche. L'autre jeune homme se contente de le regarder, fierté et reconnaissance brillant dans ses yeux. Finalement, il se met à manger aussi.
Les assiettes et couverts lavés et rangés, les deux amis se retrouvent sur le canapé, rassasiés.
Aucun des deux ne pipe mot, mais les paroles sont inutiles. Comme une pièce de théâtre répétée et répétée en boucle, leurs bras se trouvent tout seul, et Kaage ferme les yeux pour une petite sieste, la tête contre le torse de son ami. Le seul endroit où il se sent vraiment en sécurité. Il sait qu'il peut baisser la garde, que personne ne le jugera. Enfin, c'est ce qu'il croyait.
La clé tournant dans la serrure aurait du les alerter, tout comme les grognements de la part de son père qui venait de salir le bas de son manteau. Même les premiers pas dans le hall d'entrée aurait suffit pour les prévenir, mais ils n'ont rien entendu. Et c'est enlacé, le visage serein, que les parents de Kaage le découvre. La mère en fait tomber son sac sur le sol, déversant son contenu. Le bruit finit par réveiller les deux jeunes hommes, qui se retrouvent sous les regards horrifiés des parents de Kaage. Le pire est le silence. Son père en est le maitre, cela Kaage le sait. Il n'arrive pas à déchiffrer son expression, même si il doute que son père déborde de joie à l'intérieur. Se mordant la lèvre, il serre la main de son ami. Ils n'étaient pas sensé rentrer aujourd'hui. Sa mère lui avait bien dit demain !
«Dehors» L'index pointé vers la porte, le père s'adresse à son ami, le regardant dans les yeux avec tout le dégoût possible. Kaage hoche la tête en direction du brun, priant pour qu'il ne proteste pas. Les larmes aux yeux, il se lève et passe la porte, réalisant ce que sa vie vient de devenir. Une horreur.
Kaage n'a même pas le temps de s'expliquer que son père le coupe.
« Quant à toi, tu n'es plus le bienvenu dans cette maison ! Nous t'avions prévenu de te débarrasser de ces...tendances inhumaines - il accompagne son discours de grands mouvement de bras- mais tu n'en fais qu'à ta tête ! Tu es la honte de cette famille et je ne supporterais pas cet affront plus longtemps ! Disparais de notre vue ! » Sa mère se contente de sangloter, le visage enfoui dans un mouchoir de soie. Les yeux écarquillés, Kaage déglutit. Non ! Ce n'est pas possible, ils le foutent dehors ? Comme en autopilote, le jeune homme remonte dans sa chambre. C'est machinalement qu'il fait sa valise. Son regard tombe sur le lit défait. Très bien. S'ils ne l'acceptent pas comme il l'est, d'autres le feront.
Trainant ses affaires derrière lui, il franchit la porte à son tour. La voix de son père s'élève.
« Ne crois pas que ton ami va s'en sortir comme ça ! Je ferais tout pour qu'il se rende compte à quel point il t'a embobiné dans ces combines perverses ! Tu peux me croire la-dessus. » C'est en claquant la porte que Kaage commence sa nouvelle vie.