L'euphorie était totale ; Bash s'élançait de rue en rues. Cette journée n'était que gloire et heur, il remettait les pieds dans la cité d'Or bien des années après sa désertion. Il virevolta sur lui-même comme un enfant ivre de joie, cherchant à capturer chaque image entraperçue. L'ombre de la Haute-Tour assombrissait la place comme auparavant, ce n'était qu'or et noirceur - lumière et ténèbres. Les murs étincelaient de cet éclat cuivré qui réchauffe les cœurs. Le prince se laissait gagner par cette chaude journée hivernale, il lui semblait que tous les dieux maritimes s'étaient rassemblés pour célébrer cette unique journée : le renouveau. Katharina de l'Autre Terre avait vaincu l'infamie vivendalaise, laver les quartiers et les rues de leur perfidie, aucun blasphème n'était épargné. Pour la première fois depuis son arrivée sur le continent, il perçut une onde d'espoir : celle d'une détermination renouvelée. Sebastian avait tout laissé, tout abandonné, pour s'engager auprès de la Guilde et s'insurger à leur côté. Il en avait oublié jusqu'à son existence princière, reniant l'amour de son oncle et son devoir de seigneur. Il n'avait rien demandé en échange, un unique élan d'humanité l'avait allumé. Consumé. Et la reine Eliaryenne symbolisait à elle seule un jour nouveau, celui du changement et de la justice. A nouveau il s'émerveilla devant la riche architecture de la cité. Ce que la civilisation lui avait manqué ! Il s'approcha d'une mappemonde de marbre sur laquelle trônait le Trisäl, il laissa un rire sourd emplir sa gorge devant tant de magnificence. On l'oubliait parfois trop souvent mais le monde était beau, incroyablement beau. Et si les îles de Saphirs demeureraient dans son coeur son unique foyer, la richesse culturelle et la splendeur de la cité antique lui avait toujours coupé le souffle. Aujourd'hui les différentes cultures allaient pouvoir s'épanouir et s'étendre ; le monde continuerait de l'éblouir. Il se mélangea aux badauds, les apostropha. Sebastian aurait souhaité effacer la tristesse et l'appréhension de leurs traits. Il aurait voulu que toute la ville partage son enthousiasme et son espoir de cette fois faire les choses biens. Les derniers mots de son père resteraient inscrits dans sa mémoire  « Un jour tu seras un grand roi. » Il l'espérait sincèrement. Bash se dirigea vers le Temple Eliaryen, il rencontrerait Katharina d'ici peu, cette certitude l'animait. Il grimpa avec fierté et vigueur les hautes marches du jugement. Il n'avait en aucun cas renier la Guilde des Ombres et ses frères d'armes, si ces derniers étaient récalcitrants et avaient déclarer la guerre aux Témériens ; le prince oriental continuerait de défendre leur cause et d'assurer un semblant de diplomatie. Les Ombrageux l'avaient rejetés pour ses convictions sur la nouvelle régente mais il leur resterait fidèle jusqu'à son dernier souffle. Il gravit la dernière marche et s'élança dans les ténèbres : « A nous deux maintenant ! »