> Suite à l'effusion de sang lors du banquet de la blood's moon dans l'Enclave, et pour cacher l'existence des ombrageux aux nobles traumatisés par ce bain de sang, le Haut-gouvernement accuse lâchement le coup au petit peuple, les villageois. Réclamant le sang pour le sang. Pour punir de cet acte jugé comme " crime contre sa terre " tous les villageois sont réunis sur la place centrale, attendant la sentence. L'expiation de leur soi-disant crime, évidemment certains villageois connaissant l'existence de la guilde savent qu'il n'est pas impossible de franchir le Mur et donc que le coup est été fait par des villageois aussi, quoique peu probable. Mais quelque soit les vrais coupables le petit peuple sera la victime, que se soit en justice ou injustice.

> Lorsque tous furent réunis et que les gardiens s'assurèrent que personne ne traînait encore dans les rues ou se terrant dans leurs maisons l'expiation commença. Pour chaque morts le village devra donner un des siens pour être exécuté ici-même sur la grande place. Pour chaque blessés et/ou veuf(ve)(s)/orphelin(e)(s) fait par le meurtre de ces nobles le village donnera un des siens en tribus pour l'esclavage : en hasard ou choisi.

> Pour l'occasion la noblesse est conviée, plutôt contrainte, à se rendre au village et assister à l'expiation. Autour de la place a été aménagée des centaines de gradins et l'estrade est dors et déjà prête à être la scène du macabre spectacle. Les paris sont ouverts et la noblesse voit ces exécutions comme le jeu du destin, la vengeance attendue. Rappelons que la noblesse est éduquée dans le principe que les villageois sont des sous-hommes, il est donc normal pour eux de parier sur le vie et la servitude de ces gens, et les voir mourir n'est qu'un spectacle à leurs yeux. Pas les mêmes valeurs. Hormis les infiltrés du village ou de l'Enclave aucun ombrageux n'est présent. Et ces infiltrés resteront gentiment sur leurs sièges à attendre que ça passe.

> A vous de voir le destin de vos villageois, les paris de vos nobles et l'indignation de vos esclaves. Mais dans cette journée ensoleillée le seul sang qui coulera sera désignée dans l'expiation. Que le spectacle commence.

> L'expiation se déroulera ainsi :
 ↳ Les villageois sont rassemblés sur la grande place après avoir été raflés
 ↳ Les portes sud s'ouvrent sur toute la noblesse venu assister à leur vengeance
 ↳ Les paris sont ouverts, les nobles assis où bon leur semble et les esclaves gardés debout au pied des gradins, au première loge de voir les leurs souffrir
 ↳ L'expiation a lieu -> exécution + asservissement
   

Parfois, des jours comme ça, dès le réveil on sent que ça va mal se passer. On le ressent au fond de nos tripes, mais on ne peut pas l'expliquer, sans même s'en rendre compte une petite part de nous s'attendait à que le malheur débarque. Pratiquement tous les jours de l'année ce sentiment est pris pour une pure paranoïa, puis le jour où ça nous tombe dessus on se dit qu'on le savait. Et au final ça ne change rien, car qu'on l'attendait ou pas le malheur nous est déjà tombé dessus. Pour une matinée d'hiver il faisait plutôt doux, certes le printemps approchait à pas de géant et bientôt l’accalmie tant attendue serait là dans quelques semaines. L'hiver au village était une période de morts, déjà que la faim prenait chaque jours plus de vies, le froid était encore plus meurtrier. Bridget n'avait rien à faire, elle s'ennuyait presque. Elle ne prendrait son service que le soir et cette matinée imprévue de congé lui semblait d'un ennui profond. Elle travaillait tous les jours, matin et soir, elle ne vivait que pour le bar et ses clients. Ils étaient comme la famille qu'elle n'avait jamais eu et n'aurais jamais. Son frère, sa seule famille était mort comme une fou meurtrier et ses parents les avaient tout deux lâchement abandonnés dès lors naissance devant l'un des miteux orphelinat des quartiers pauvres.

Soudain on frappa à la porte, ou plutôt on tambourina avec une telle énergie que la porte menaçait de sortir de ces gonds. Avant même qu'elle n'ouvre la porte les personnes derrière l'avait déjà enfoncée avec une simplicité déconcertante. Elle reconnu l'uniforme sombre des gardiens, certains dans les bas-quartiers les surnommer les manteaux noirs, mais depuis les chercheurs cette appellation servait à désigné d'autres personnes. Elle était tellement surprise que sa mâchoire béatement ouverte lui aurait laissé l'occasion de gober les mouches. Elle se ressaisit, sur ses gardes. Que lui voulaient-elle ? Elle était une citoyenne des plus honnêtes, jamais un pas hors du rang. Elle reconnut alors l'un des gardiens, un client régulier du bar, c'était une personne très agréable et ils leur arriver de parler de temps en temps quand il finissait son verre et qu'elle s'apprêtait à fermer le soir. Il se saisit d'une liste.

- Bridget Catherine Marshall. Aucun autre résident. dit-il à son confrère
- Qu'est-ce que vous me voulez ? demanda-t-elle
- Le Haut-gouvernement requiert la présence de tous les villageois sur la grande place, donc si vous vouliez bien me suivre sans résister.

Elle haussa un sourcil, résister, contre ces deux colosses ? Elle n'était pas idiote, elle ne valait rien contre eux, et ne comptait pas subir une expiation pour tenter quelque chose d'aussi stupide que de tenter de s'échapper face à deux gardiens. Elle hocha la tête, mais il ne la prirent pas avec des pincettes même si elle ne résister pas. Le deuxième gardien qu'elle ne connaissait pas la saisit, lui retenant les bras et l'obligeant à sortir de force. Une fois sortie ils l'escortèrent plus gentiment, bientôt elle croisa beaucoup d'autres groupes, elle fut alors sous la tutelle d'un seul gardien, armé par contre, qui suivait une dizaine de villageois jusqu'à la grande place. Aucun d'eux ne broncher, mais dans les autres coins de rues c'était différent. Certains courraient mais se faisaient vite rattraper. Une fillette fuyait, larmes aux yeux, quand soudain un gardien lui tomba dessus, plaquée sur le sol elle pleurait toutes les larmes de son corps en implorant son pardon. Bridget ne put en voir plus car le gardien la poussait à avancer, sans s'en rendre compte elle s'était arrêtée. Ils furent vite à la grande place, où déjà pas mal de monde était amassé. Là d'autres gardiens garder les alentours, au cas une révolte surviendrait. C'est alors qu'un détail la frappa, des gradins, et dedans ce n'était pas des villageois, non les robes trop somptueuses, les airs trop hautains. Des nobles ! Elle a resta interdite, béate de surprise. Les histoires s'annonçaient mal.

Assis sur les tribunes, je regarde le spectacle se dérouler. Mon visage ne trahit aucune émotion, pourtant, c'est une vraie tempête dans mon esprit. Comment les gens peuvent-ils gober ce que le Haut-Gouvernement leur annonce ? Comment peuvent-ils croire des affirmations, sans avoir vu eux-mêmes les preuves, s'il y en a ? Accuser les Villageois est décidément trop facile. Tout ça pour que le mythe de la Guilde des Ombres reste un mythe, alors que plusieurs témoins ont bien vu qu'ils s'agissaient de ses membres. Je secoue la tête. Jusque maintenant, je n'approuvais pas leurs méthodes. Aujourd'hui, je les classe en même position que le Haut-Gouvernement. Qu'est-ce qu'ils pensaient accomplir ce soir-la ? Honnêtement ? Par leur bêtise, le Village entier en paye. Des familles, des couples seront brisés. Au nom de quoi, je me le demande.

J'essaye de ne pas regarder la foule de Villageois qui commencent à s'amasser, poussée par les Gardiens. Les quelques uns que j'ai croisés et aidés près du Mur doivent s'y trouvés. Quel massacre inutile. Hélas, je ne peux rien faire pour l'arrêter. Je crois bien que je suis l'un des seuls à se soucier de leurs sort. Les autres nobles se fichent bien de ce qui puisse se passer, tant qu'ils en tirent de l'argent et des images intéressantes à raconter au diner de famille. Et que fait la Guilde en ce moment ? Rien. Vive la liberté, mon oeil. Cette guerre silencieuse met la vie de centaines de personnes en danger, et pourtant...

Assis tout en haut, je mets mes mains dans les poches de mon trench coat. Espérons que ça se passera vite.

Impossible de négocier avec une femme comme elle. Un instant Talisa, se tourna vers Lorenzo espérant obtenir un soutien de sa part. Mais face à sa mère, il était sans voix. La jeune femme leva les yeux au ciel.

-Graa, s'il te plaît tu ne peux pas me mettre dehors maintenant...

Elle n'acheva pas le reste de sa phrase. "Si tu le fais, les gardes m'attraperont". Rien à faire, la villageoise ne cilla pas, et à nouveau ses lèvres articulèrent un "quitte ma maison". Elle réagissait ainsi depuis qu'elle avait aperçu les gardes entrant dans toutes les maisons, à la recherche... De quoi, justement ? Graa l'ignorait, mais s'il s'agissait de la rouquine, elle ne voulait pas qu'elle soit découverte sous son toit.
Talisa, s'exaspéra, elle n'avait pas le choix. Après, avoir été mise à la porte de l'orphelinat, Lorenzo avait été le seul à lui ouvrir sa porte, dans le dos de sa mère. Visiblement, ce temps là était fini. Elle inspecta la pièce comme pour vérifier qu'elle ne laissait rien, sauf qu'elle n'avait rien à elle. L'orpheline était condamnée à l'errance la plus totale. Alors qu'elle se dirigeait vers l’entrebâillement de la fenêtre, prête à escalader le lierre, elle stoppa net. Il était trop tard, des coups venaient d'être frappés à la porte, et une voix puissante s'éleva. "Ouvrez. C'est un ordre militaire, si vous ne le faites pas, ..." Aucun d'eux, n'écouta le suite de ses paroles. Graa s'était déconfite, elle s'avança sur Talisa.

-Tout ça c'est ta faute...

La jeune femme pinça les lèvres. Bien sûr, tout était toujours de sa faute, elle était l'incarnation du mal même... La dernière fois qu'elle avait volé remontait à deux jours, un moignon de pain. Alors pourquoi, tous les gardiens se lanceraient-ils à sa poursuite pour ça, et pourquoi maintenant ? A nouveau, des coups frappèrent le bois.
Talisa avait peur, mais elle ne pouvait se le permettre, personne ne devait savoir qu'elle était emprunte à de telles émotions. Elle afficha une moue provocatrice.

-Peut-être devrais-tu ouvrir. Je crains que Hodor n'apprécie d'attendre.

Un instant la main de l'ancienne se dressa, tel un serpent prêt à mordre. Mais, elle retomba aussitôt quand résonna le bruit de verre brisé. Elle recula décontenancée prête à fondre en larmes. L'escalier craqua sous le poid d'une personne. Taisa entra dans la pièce, les yeux rivés sur un parchemin.

-Graa Generer, et Lorenzo Generer. Le haut-gouvernement requiert la présence des villageois sur la grande place, veuillez me suivre sans...

Elle leva les yeux du papier, balayant la pièce, jusqu'à poser son regard sur moi. La blonde se figea, vide de toute expression.

-Talisa...

La jeune femme inclina la tête. Elle connaissait bien la gardienne, elle l'avait souvent sortie du pétrin quand elle s'était faite prendre à voler. Son visage regagna en vie, et elle saisit celle qu'elle considérait à peine comme une femme sortie de l'enfance. Elle se fit grave

-Talisa, bon sang, que fais-tu là... ? Peu importe... Graa, Lorenzo vous devez rejoindre la place du village. John est devant la maison d'en face, il vous escortera. Dites-lui que j'ai dû pourchasser un fugitif.

Elle comprit face à la moue de Graa, que cette dernière ne comptait absolument pas lui obéir. Cette fois se fut elle qui soupira.

-Dois-je te rappeler que je viens de trouver sous ton toit, une jeune fille recherchée ?

Les pupilles de la vieille femme brulèrent de haine. "Soit. Je lui dirai." Elle, et Lorenzo sortirent. Talisa gagna l'extrémité de la pièce, observant par la fenêtre ouverte, les déambules de la foule. La panique était palpable, les cris d'enfants audibles. Seuls les anciens étaient calmes, comme résignés à leur sort. Taisa s'approcha et posa une main sur son épaule.

-Tu dois fuir Talisa. Ce qui va se passer est...

Elle n'acheva pas sa phrase. Peut-être était-elle sujette à trop d'émotions contraires.

-S'ils t'attrapent, tu feras partie du spectacle.

Elle imposa à la jeune fille de se retourner et de la regarder dans les yeux avant de la relâcher. Talisa prit la fuite, et dévala les escaliers. Elle fonça sur la porte mais celle-ci s'ouvrit sur Hodor. Il était visiblement surpris de la trouver ici. Mais avant qu'elle ne puisse lui échapper, il referma les bras sur elle.

-Il est temps que tu affrontes la justice.

Elle tenta de se débattre mais il la maîtrisa facilement. Un coup atteignit sa joue. Elle cria. Taisa dévala les escaliers, mais s'arrêta face à Hodor, elle n'avait pas d'autres possibilités que de mentir.

-Merci. Elle m'avait échappé...

La rouquine était impuissante, mais elle ne devait céder à la panique. Elle trouverait un moyen de fuir, comme toujours. Les gardiens ne la conduisirent  pas à la prison comme elle le pensait. Mais, comme les autres, sur la grande place.

La vision qui s'offrit à elle, la laissa sans voix. Une arène était dressée, et ses spectateurs n'étaient autres que des... nobles ! "Quoi ?" Pour seule réponse, Hodor la poussa au coeur de l'arène avant de refermer la barricade. Ils étaient déjà une vingtaine enfermés, et quelques uns cherchèrent du soutien dans son regard. Elle les esquiva. Talisa n'était pas comme eux, elle était faite pour survivre. Peu importe ce qui allait advenir, elle, en ressortirait.

Lorsqu'elle avait franchi les portes sud la première fois, partant du village pour devenir une esclave dans l'Enclave, elle l'avait fait la tête haute, fière, et ça devant la foule de villageois amassés pour voir le spectacle d'une brigande recherchée provoquant les gardiens sur la place principale. A présent qu'elle repassait ces portes en sens inverse, qu'elle retournait sur ces terres le temps d'une journée,elle ne ressentait plus aucune fierté, elle n'était qu'une esclave devant assister de force aux massacres de ces vieux amis, voisins ou mêmes ennemis. Le pire pour elle était de savoir que ces gens allaient être expiés injustement, si lorsqu'elle était dans l'illégalité elle avait souvent été sans pitié et sans aucune justice à présent l'idée que les siens, son peuple, son clan, soient punis à la place des membres de la guilde, ça la révoltait. Certains allaient mourir, d'autres être asservis, et tout ça pourquoi ? Pour une vingtaine de cadavres nobles, des noblions qui respiraient plus l'odeur de leur argent qu'ils n'aspiraient d'oxygène.

Ça grouillait de gardes de tous les côtés, et elle en reconnut quelques uns qui lui répondirent des regards peu amènes, sa réputation la précédait, peut importe. Elle continuait d'avancer, seule. Suite aux récents événements et à sa blessure elle n'avait passé la nuit ni chez sa demi-soeur et asservisseuse, ni chez son complice et nouveau maître. A vrai dire elle avait de nouveau frôler la mort la veille, ou deux jours plus tôt, sa blessure s'étant rouverte alors qu'elle était seule dans la rue, heureusement que Seyrane l'avait secourue, mais depuis elle n'avait pas revu son ami Max, le pauvre devait se faire un sang d'encre, ou la croire morte. Elle tenta de le chercher du regard, parmi les nobles amassés sur les gradins. Elle distingua une face familière, Caitlin Larisson, son alliée d'un soir pour sauver Isabelle. Isabelle, tiens où était-elle ? Elle secoua la tête, non elle ne se soucierait plus de sa demi-soeur, elle n'allait pas choisir les morts contre les vivants, son père était mort, la promesse ne tenait plus, il était mort, elle non. Elle avait beau chercher elle n'arrivait à voir où était Maximilian. Elle s'arrêta, détaillant les gradins siège par siège, mais l'un des gardiens la poussa à avancer. Elle se retourna vers le gardien en question, soudain elle reconnut son visage. Le garde qu'elle avait frappée lors de l’émeute qui lui avait valut sa liberté.

- Votre mâchoire est presque droite à présent, j'ai fait du bon travail.

Le gratifia-t-elle avec arrogance et pour seule réponse il la plaqua au sol avec une aisance déconcertante, soit il avait décuplé ses entraînements soit elle était plus faiblarde qu'avant, la douleur à son estomac la fit pencher pour la seconde solution, frôler la mort les jours précédant n'aidait pas. Ces temps-ci elle était faible et lente. Il ne pu aller plus loin car ces collègues l'appelèrent, un villageois récalcitrant tentait de percer la foule dans le sens inverse et s'enfuir. Le pauvre ne fit pas dix mètres de plus qu'on lui tomba dessus. Elle dû se rendre dans l'espace juste au pied des gardiens, devant la barrière séparant villageois des habitants de l'Enclave. A peut près tous les vingt mètres étaient postés un gardien. Elle se faufila parmi les autres esclaves jusqu'au plus près de la place, se pressant contre la barrière. Au début elle cherchait du regard Edwin, et après deux minutes elle se souvint qu'il était esclave, et cela depuis plus tôt qu'elle. Alors qu'elle s'apprêtait à retourner toute la masse d'esclave pour retrouver son ami qu'elle cherchait depuis sa disparition elle remarqua que plusieurs villageois s'étaient retournés vers une nouvelle arrivante sur la place, une jeune femme à la chevelure rousse qu'Arianna reconnaîtrait entre mille. Talisa M. Médicis, les deux jeunes femmes décalées avaient fait les deux cents coups ensemble, s'alliant pour mieux voler, deux brigandes ensemble, un duo de choc qui n'avait pas duré puisque Arianna s'était faites avoir, et elle n'avait jamais pu prévenir Talisa, quoique cette dernière avait du entendre l'émeute sur la place qu'elle avait provoqué à son départ. Arianna demeura interdite quelques instants, elle ne pouvait se résoudre à imaginer son amie mourir dans l'expiation. Elle se pressa contre la barrière et l'appela.

- Talisa ! Talisa !

Deux jours que je ronge mes ongles, deux jours que je frôle la crise cardiaque dès qu'on annonce les morts du jour, deux jours qui n'en terminent pas, me faisant un sang d'encre pour Aria. Depuis qu'elle est partie après Isabelle, je ne l'ai plus revue du tout. Je ne sais pas où elle est, avec qui, si elle est vivante, rien. Elle pourrait très bien se trouver dans un caniveau, rongée par les rats à ce que je sache. Je secoue la tête et ferme les yeux. Je les rouvre, espérant cette fois tomber sur mon amie, sauf que la foule massée sur et en bas des gradins me donne un mal de tête tellement il y a de gens. Si elle se trouve ici, seul le hasard pourra m'aider.

Je décide de me lever et d'aller chercher le hasard par moi-même, je ne veux quand même pas voir le "spectacle". Quand je pense que c'est à cause de nous...Ce n'était pas le but, loin de la. Le Haut-Gouvernement est vraiment sans-pitié, prêt à sacrifier des personnes innocentes, et les voila, payant de leur vie les bourdes des autres. Dire que je connaisse la plupart des victimes potentielles..Des clients de la forge, des amis de mon père, mes voisins...

Les yeux plissés, je scanne toujours la foule, et un visage familier m'arrête net. La noble qui s'était amenée dans le jardin à la Lune de Sang, et m'avait assommé ! Caitlin je pense. Pourvu qu'elle ne me voie pas ! Il faisait peut-être noir à ce moment-la, mais je suis sûr qu'elle me reconnaitrait si elle me voyait...Que de problèmes.

Je rabats ma capuche sur la tête, priant que cela suffira pour ne pas me reconnaitre, et continue ma recherche. Trouver une jeune femme ne doit pas être si compliqué quand même. Une voix familière se fait soudain entendre tout près. Serait-ce ? Enfin, Aria, bien vivante, se tient près des barrières et semble héler une autre personne. Soulagé de l'avoir retrouvée, je sens mes épaules plus légères, comme si un poids venait d'être soulever. Fini les visions d'horreur qui mettaient le cadavre d'Aria en scène. Elle est bien la. Je soupire un bon coup, sourire aux lèvres. Je reste néanmoins un peu en arrière, attendant qu'elle finisse sa conversation.

La voiture familiale stationnait depuis une dizaine de minutes devant les portes sud. Le père s'impatientait, la mère glapissait, la sœur s'ennuyait, et Seyrane rêvassait.
Comment une telle horreur allait-elle pouvoir se dérouler ainsi, sans aucune réaction ?
Chacun, villageois, noble, ombrageux, savait pertinemment que c'était les Ombrageux qui avaient semé la zizanie à la Lune de Sang. Pourquoi étaient-ils donc tous à attendre de voir le sang d’innocents couler ? Seyrane savait parfaitement qu'elle était impuissante, qu'elle ne pouvait rien faire.
Pour la première fois de sa vie, ses parents l'avaient forcée à venir. Comment ses propres géniteurs pouvaient-ils être aussi cruels ? La jeune femme connaissait la réponse : le temps habitue à tout.

Le brouhaha de l'extérieur les informa qu'il fallait entrer. lls sortirent dignement de leur voiture et suivirent leurs semblables à l'intérieur même du village. Ils arrivèrent rapidement à la place principale sur laquelle étaient installés des gradins, dans lesquels ils prirent place. Les villageois arrivaient petit à petit, l'air hagard, bien sûr, ils ne comprenaient pas ce qui leur arrivaient. Soudain, dans la foule qui se pressait, la jeune femme repéra un visage connu : Arianna.
En tant qu'esclave la jeune femme était présente, et Seyrane constata avec satisfaction qu'elle sembla bien remise de sa blessure. Elle chercha des yeux son asservisseuse, Isabelle, mais ne la trouva pas et reporta son attention sur le débat entre sa mère et sa sœur sur la couleur de la future robe de mariée de cette dernière.

Les mots lui brûlaient la langue. " Mais que faites-vous ?! Vous êtes là à parler de jupons, tandis que dans quelques dizaines de minutes tout au plus des gens vont mourir sous vos yeux ? Êtes vous donc aveugles ? " Elles les retint. Son père, parti prendre les paris, revenait. Un soupir lui échappa, et elle détourna le regard pour essayer de repérer des gens dans la foule toujours plus nombreuse qui se pressait.

Vous est-il déjà arrivé d'entendre cette voix à travers les ténèbres ? Comme la seule chose bienveillante au milieu de ce chaos, une attention privilégiée.
Talisa fit volte-face à la recherche de celle qui la hélait. Elle avait sans nul doute reconnu la voix. Comment pouvait-on oublier une telle voix, pleine de désinvolture ? Arianna... Elle était bien là. Derrière les barricades à une cinquantaine de mètres. Un instant cette apparition provoqua en elle, comme une sorte de sérénité. Et l'idée que ses arrières étaient assurées la traversa ; avant d'à nouveau l'abandonner. A quoi pensait-elle... Ce temps là était passé, Arianna et Talisa n'était plus un duo, ni une famille. Elle était séparée par un Mur, c'était pile le mot. Un Mur... Ici par cette barricade, et ailleurs par les remparts. Tout semblait si ironique. Mais c'était pourtant la réalité. Arianna était maintenant une esclave.

Depuis que Talisa l'avait appris une seule question brûlait ses lèvres. Pourquoi ? Son amie avait orchestrée sa propre arrestation, sa propre descente aux Enfers. Mais quel en était le but ? Arianna répéta à nouveau son nom. Autour de Talisa, l'agitation augmentait, comme si tous ceux présents avaient idée de ce qui allait se passer. Peu importe, seul comptait qu'elle venait de retrouver sa coéquipière. Elle courut à l'autre voir de l'arène en direction de l'esclave.

-Arianna ! Je ne peux pas croire que tu sois là... Mais comment ? Pourquoi ?

Elle la contempla un instant puis s'illumina d'un sourire, bien trop rare ces derniers mois. C'était bien Arianna. Son port de tête, sa manière de pincer les lèvres et d'arquer les sourcils... Ce masque de mépris cachant la vraie nature de la jeune femme.
Cependant, il y avait quelque chose de différents en elle. La peur animait son regard, la consumait même peut-être. Mais que craignait-elle ?

Au fur et à mesure que les nobles venaient s’asseoir après avoir pris les paris sur les prochains esclaves qui rejoindraient l'enclave, et les villageois qui perdraient la vie lors de cet événement. Son épouse prenait la mission-justice du Haut-gouvernement très à coeur, le massacre de la Lune de sang était une embuscade des villageois voulant réitérer le Soulèvement. Et maintenant ils allaient payer pour ça. L'heure tant attendu de la vengeance avait enfin sonné. Tous ces meurtres commis, vengés, tous ces veufs et orphelins devenus, vengés ! La justice était là, enfin.  Ils étaient tout deux assis sur les gradins, observant les villageois se rassemblant avec un air hagard sur la place. Peu à peu tout les villageois furent amassés devant l'estrade avec une organisation affolante, ces derniers comprenaient lentement que ce rassemblement express était une très mauvaise nouvelle, enfin une mauvaise nouvelle pour eux.

Lorsque Caitlin lui demanda pourquoi les enfants étaient eux aussi rassemblés avec les autres villageois, il se contenta d'un haussement d'épaules tout en cherchant du regard à quel villageois correspondait le ticket de pari qu'il avait prit au hasard juste avant de rejoindre les gradins. Il était vrai que les enfants étaient un peu jeune pour être responsable de tels acte, normalement, la rumeur disait que certains d'eux y avaient participé.

- Et bien, on dit que certains enfants avaient été vus dans l'Enclave, et donc participé au massacre en chaîne...

Lui répondit-il, perplexe.

Les quelques mètres qui la séparait de son amie semblait des kilomètres avec la masse d'autres villageois amassés les uns contre les autres. Bientôt l'esclave n'aperçut même plus la chevelure flamboyant de son ex-coéquipière et continuait ses appels malgré le fait qu'elle ne pensait pas que Talisa les entende. Mais alors qu'elle faisait demi-tour, cherchant une barrière plus proche ou s'il le fallait carrément grimper par dessus l'une d'elle pour retrouver son amie, même si à présent elles étaient séparés Arianna ressentait l’irrépressible besoin de la revoir, mais aussi de lui dire aurevoir cette fois-ci, la dernière fois tout s'était passé si vite. L'après-midi elle avait échappé de peu aux traqueurs et le soir même son stratagème fou avec Maximilian était monté, prêt à être mis en action dès le lendemain matin. C'est alors qu'en se retournant une dernière fois elle aperçut Talisa fendant la foule pour la rejoindre, elle revint aussitôt contre la barrière, partagée entre joie et tristesse : joie de la revoir et tristesse de la savoir condamnée, et ça injustement.

Elle savait que les actes commis à la blood's moon étaient signés de la main des ombrageux, elle avait bien faillit y coûté la vie à s'être interposée entre l'un d'eux et sa victime, sa demi-soeur. Il s'en était passé des choses depuis la dernière fois qu'elle avait vu Talisa, à l'époque où les deux jeunes femmes étaient complices dans l'illégalité et avaient commis les plus grands vols de ces dernières années, elles s'en étaient fait des festins, mangeant à leur faim de temps en temps, enfin. Et maintenant les siens, les villageois, et ses amis, Talisa en payaient tout le prix, et ça injustement.

Talisa l'avait rejointe, plus heureuse que jamais de revoir son amie, mais aussi d'une curiosité débordante concernant les raisons. L'esclave eut un pincement de lèvres, ne sachant où commencer : son complot avec le forgeron Ainsworth qui l'avait sauvé des traqueurs, son arrestation orchestrée ou directement à ses problèmes survenant depuis qu'elle était dans l'Enclave. Talisa était très maline, elle trouverait le moyen d'arranger les choses mieux qu'Arianna arrivait à les empirer chaque fois qu'elle faisait le moindre geste. Ou peut être son amie l'interrogeait-elle sur le retour journalier de l'esclave, là les nouvelles seraient bien plus mauvaises.

- Talisa, je suis vraiment désolée, tout c'est passé si vite que je n'ai même pas pu t'expliquer pourquoi j'ai planifié l'arrestation, et une fois dans l'Enclave tout n'a fait qu'empirer. Mais vu les circonstances actuelles...

Elle plaça une main au niveau de son estomac, sentant les points fraichement remis sur sa blessure, que de mauvais souvenirs. Elle baissa d'un ton, de peur qu'on l'entendre.

...Ecoutes, tout ce rassemblement, tout ça, c'est un deal merdique annoncé par les autorités pour vous faire porter le chapeau sur une série de mort lors de la lune de sang dans l'Enclave, c'était les ombrageux, d'ailleurs l'un d'eux a bien faillit me tuer là-bas, mais le haut-gouvernement berce d'illusions tous ces puritains cent pour cent pur jus et il fallait un bouc-émissaire. Ils font même des paris sur qui sera asservis et qui sera exécuté ! Ho Talisa vraiment je suis désolée que l'on se revoit dans de telles circonstances !

Les enfants n'ont pas à être d'accord, ils ont grandis avec cette éducation, ils font avec, ils vivent avec, non ils vivent pour, ils sont forcement d'accord car pour eux c'est leur réalité, leur vérité, et la noblesse est le côté obscur. L'Enclave est le mal du village et vice-versa. Et puis c'était eux le mal, les sous-hommes, ces citoyens de seconde zone. Un ramassis de futurs esclave à peine bon à gérer une maisonnée correctement. Ils n'étaient rien à côté de la noblesse. La noblesse au coeur pure qui savait gérer le monde. Devant les villageois, ces sauvages, ces hérétiques la noblesse ne s'imposait que d'une façon : le mal par le mal. Si les villageois tuaient, alors ils seraient tués, asservis, torturés s'il le fallait mais une vermine comme eux ne pouvaient rester impunis alors qu'ils avaient commandité le meurtre d'une vingtaine de nobles innocents.

- Ils sont comme dans un autre monde, un monde sauvage et barbare

Caitlin la questionna sur son pari. Il regarda de plus près le ticket.

- Bridget C. Marshall, mais avec un nom on ne va aller bien loin, on sera vite fixé s'ils l'appelle ou non cette dénommée Bridget.

La réaction d'Arianna était loin d'être celle qu'elle imaginait. Talisa en l'apercevant c'était illuminé, et un sourire rare avait éclairé ses traits féminins. Mais l'esclave, elle avait le visage fermé comme marqué par d'atroces événements. Puis la jeune femme avait dégluti, avant de prendre la parole.

-Tu es désolée... ? Mais de quoi parles-tu ?

Arianna avait repris la parole, cette fois on lisait en elle de la compassion. Ses yeux étaient humidifiés. Et alors, elle annonça à Talisa que nombre de villageois allaient probablement mourir aujourd'hui. Une Expiation due à une attaque d'Ombrageux. Alors comme ça la Guilde des Ombres existait vraiment... Elle et Aria n'en avait jamais vraiment parlé car elle pensait que cette organisation tenait plus du mythe que de la réalité. Mais visiblement non... Qui plus est pour qu'elle soit au courant qu'ils étaient les agresseurs, la brune avait dû échanger avec eux.
Vraiment ce n'était plus l' Arianna qu'elle avait connu, se dégageait d'elle une aura de puissance. Elle était semblable à celle qu'elle avait été mais également différente. Elles ne partageaient plus la même réalité.

-Mais comment est-ce possible ? Personne n'a jamais pu franchir le Mur ! Et comment as-tu pu être au courant de tout cela ? ... De nous deux, celle qui me semble être en plus mauvaise posture c'est toi. Mais alors...

Elle n'acheva pas sa phrase, ce qu'elle allait prononcer même Arianna l'ignorait. Cela concernait sa mère, et l'Enclave. Le pouls de Talisa s'accéléra et un instant elle vit trouble. Quand elle releva la tête, elle sentit l'inquiétude d'Arianna peser sur elle.

Mais alors qu'elle s'apprêtait à reprendre la parole, afin d'assurer que tout allait bien. Une voix s'éleva dans son dos, il s'agissait d'Hodor. A nouveau ses bras se refermèrent sur elle, et elle fut tirée vers l'arrière. Arianna proliféra de nombreuses injures, la détresse était palpable dans sa voix. Pas un instant Talisa ne la quitta des yeux. Se débattre était inutile, son assaillant était bien trop fort, elle étouffait presque sous l'étreinte de garde. Il la traina jusqu'au centre de l'arène, elle fut violemment projetée au sol. À l'instant où elle se redressait sur ses paumes égratignée une porte claqua. Quoi ? Ce n'est qu'alors qu'elle remarqua. Dès l'instant où elle était rentrée dans l'arène elle s'était évertuée à ignorer les autres, préférant observer la réaction des noblions dans les gradins. Elle ne l'avait par conséquent pas vue... La cage.
Un piège en bois, composé de vulgaires troncs, haut de cinq mètres et long d'une vingtaine de mètres. Elle se précipita contre les barreaux, se retenant de cracher sur la figure du garde.

Contre toute attente Hodor eut un sourire navré.

-Comme tous ceux présent dans cette cage, tu vas être appelée... Ton sang et les leurs vont coulés...

Elle remarqua alors les autres villageois présents dans la cellule improvisée. Un instant elle croisa le regard familier d'une blonde. Bridget. Elles échangèrent un regard solennel puis Talisa détourna le regard. Elle voulait crier, résister mais sa voix ne se fit qu'un murmure.

-Que va-t-il arriver ?

Hodor n'osa la fixer dans les yeux.

-Je l'ignore... Je pense que tout ceci est un jeu, peut-être allez-vous être appelés individuellement dans l'arène ou devoir ensemble affronter un danger, mais j'en doute... Je suis désolé...

Elle n'avait jamais vu le gardien s'excuser. Depuis plusieurs années déjà, ils se livraient tous les deux une guerre sans relâche. Ce qui allait arriver n'était vraiment pas bon...
Elle orienta son regard là, où s'était tenue Arianna, mais elle avait disparu. Avait-elle pris la fuite ?

Les yeux rivés vers les nuages gris qui défilent dans le ciel, j'attends qu'Arianna finisse sa conversation avec une autre Villageoise, que je reconnais vaguement en tant que voisine d'un voisin. J'entends du bruit venant de cette direction et je tourne la tête, voyant que la Villageoise en question a soudainement disparue. Ma gorge se serre. A en voir la discussion, Aria et la jeune fille devaient bien se connaitre. J'espère qu'elle ne sera pas tirée au sort. Cela veut aussi dire qu'Aria est enfin seule. Honnêtement, je ne sais toujours pas comment réagir. D'une part, je suis furieux, furieux qu'elle soit partie sans me prévenir, furieux parce que je me suis inquiété jour et nuit. D'un autre côté, je l'a comprends. Je soupire. Une engueulade en plein milieu d'une exécution ne me semble pas approprié, surtout qu'Aria n'est plus une enfant qu'on réprimande parce qu'elle a volé des bonbons.
Finalement, je m'approche de ma complice et pose une main sur son épaule. Je la sens se raidir, prête à s'enfuir s'il le faut.

- Ce n'est que moi.

Je tente un sourire, même si elle ne me voit pas encore. En tout cas, je ne m'attendais pas à sa réaction.

J'entends à peine ce qu'elle dit, mais je comprends l'essentiel. Ce massacre..personne ne l'a voulu. Je doute d'ailleurs qu'ils soient au courant à la Guilde, enfin, il le seront tôt ou tard. Malheureusement trop tard. Je penche légèrement la tête pour regarder Aria dans les yeux. Son expression trahit beaucoup d'émotions, comme la haine, la rage, mais aussi l'impuissance et la culpabilité. J'imagine que ses traits se retrouvent aussi sur mon visage. Je soupire.

- Je doute que qui que se soit allait savoir ce qui allait se passer. Le Haut-Gouvernement cache bien son jeu. Ils ont peur que les nobles paniquent et finissent par se retourner contre eux. Accuser les Villageois est tellement plus simple, plus facile à contrôler. Les nobles gobent tout ce qu'ils disent. J'ai l'impression qu'ils ne réfléchissent même pas par eux-mêmes. Pour eux, exécuter des êtres humains n'est que normal.

Je baisse le ton, soucieux.

- Parfois, je me mets à penser que les actions de la Guilde sont irréfléchies et dangereuses. Ils auraient du penser aux conséquences !

Je secoue la tête.

- J'aurais du y penser moi-même...En tant que nouveau noble, j'aurais du savoir que le Haut-Gouvernement n'allait pas rester à rien faire. Maintenant, des centaines de gens vont souffrir pour rien.

La frustration mêlé au stress de ces derniers jours me font presque craquer. Une larme coule sur ma joue, je la sèche aussitôt. La n'est pas le moment pour les pleurs.  J'en oublie presque qu'Aria est la.

- Je suis désolé.

Je hoche la tête. Evidemment qu'elle a raison. Ni les Ombrageux, ni les Villageois, ni moi n'auraient pu faire quelque chose. Ce qui se passe dans les têtes des membres du HG, ils sont bien les seuls à le savoir. Cela ne m'empêche pas de culpabiliser. J'ai l'impression de faire ça souvent ces derniers temps.

L'agitation semble s'être calmée. Les Villageois amassés dans la cage se font silencieux, attendant. Mais quoi exactement ? Une triste fin, un traumatisme ? Un sentiment de rage se mêle avec les autres émotions. Si ça ne tenait qu'à moi, et si j'étais suicidaire, j'irais affronter les gardes et défier le HG. Malheureusement, et heureusement quelque part, je ne suis qu'un pauvre rêveur qui n'a pas même pas assez de courage pour défendre ses voisins. Un mort en plus ne changera rien. Je soupire.

- Je sais, je sais. De vrais monstres...Je me demande comment ils font pour se lever le matin, sans penser aux horreurs qu'ils déclenchent.

Je secoue la tête.

- Je ne veux pas assister à cette exécution. Mais je n'ai pas le choix pas vrai ? Il faut..garder cette façade, ce masque de noble.

Levant les yeux, je trouve une place à l'ombre dans les gradins. Avec un peu de chance, on ne me verra pas détourner le regard.

- Je vais aller m'installer. Et toi, que vas-tu faire ?

Je ne le dis pas, mais je me demande ce qu'elle va faire après ce massacre. Techniquement, elle " appartient " toujours à Isabelle, parce que je n'ai pas encore reçu les papiers, mais Isabelle a bien démontré qu'elle ne voulait plus rien avoir avec elle.

Peut être était-ce écrit à l'avance, peut être que le Haut-Gouvernement mené par ce tyran et oppresseur de gouverneur n'avait attendu qu'un petit faux pas pour se délecter du spectacle à l'idée de massacrer la vermine de ces bas quartiers. Mais un point ne pouvait n'être que le théâtre du hasard, ou peut être du destin lui-même, les noms tirés. Eux n'étaient que chanceux pour ceux qui voyaient leur têtes sauves ou leurs poignets encore dénudés de chaînes d'esclaves, mais malchanceux pour ceux qui finiraient asservis ou tout bonnement mort. D'ailleurs pourquoi ? Pourquoi étaient-ils aligné en rang d'oignons prêt à finir massacrés pour un oui ou pour un non, pour le simple bon vouloir et la clémence plus que discutable du gouverneur de ces terres ? Bridget n'avait aucune idée de la raison de ce massacre. Les esclaves, ex-villageois, se pressaient contre les barrières pour prévenir leurs familles et par bouche à oreille la rumeur se répandit parmi tout les futurs condamnés, et la poignée de chanceux qui survivrait. Bridget ne s'était pas du tout attendu à ça, certes les nobles qui brandissaient leurs ticket de paris et l'air de pitié sur le visage des gardiens du village aurait pu lui mettre la puce à l'oreille mais la naïveté de la villageois l'avait emporté et elle n'y avait guère pensé avant qu'on lui dise ce qui allait se passer. Mais lorsqu'elle l'apprit, elle était partagée entre l'envie de crier à l'injustice ou de croiser les doigts pour être chanceuse.

La scène sembla se dérouler au ralenti, lorsqu'un politicien inconnu à la villageois grimpa sur l’estrade et se lança dans un rapide discours pour résumer, le tout accompagné de plusieurs adjectifs peu sympathique envers le village et son peuple. Puis il commença à sortir une boîte rempli des noms des villageois, des sortes de double aux tickets de paris pris par les nobles. Bridget se demanda alors ce que pouvait penser d'elle celui ou celle qui tenait entre ses doigts une somme d'argent contre une simple vie humaine qu'était la sienne. L'homme sur l'estrade tira plusieurs papiers, trois pour être exact, trois villageois qu'elle ne connaissait que de loin, il en tira trois avant que tout bascule pour elle. Elle avait refusé de regarder, c'était trop dur, elle détournait le regard à chaque fois que la lame fendait vers la nuque de sa victime.

- Mais c'est inadmissible, comment peut-on faire ça alors que la majorité d'entre nous sommes innocent !

Commença-t-elle à s'emporter lorsqu'un villageois habitué du bar fut le quatrième nom tiré, elle le connaissait bien, il n'aurait pas fait de mal à une mouche, et maintenant il allait mourir. Bridget ferma les yeux afin de ne rien en voir. Elle était lasse de cette masquerade et ce défilement de noms, quand soudain ses mots retentirent. Jamais son nom n'avait semblé avoir une telle sonorité lorsqu'on le prononçait. Ceux qui ont vus la réaction de Bridget C. Marshall lorsque son nom fut tiré devrait s'en souvenir, elle ouvrit grand les yeux, il lui fallut quelques instants pour assimiler qu'à présent ses minutes vivantes se comptaient sur les doigts d'une seule main. Certains la poussèrent un peu pour la presser vers l'estrade, elle était trop choquée et bouleversée pour leur prêter la moindre attention. Les gardes l'a sortirent de l'espèce de cage improvisée, et l'amenèrent jusqu'à l'estrade. Ses joues étaient sillonnées de larmes, elle était une simple innocente de l'histoire, une innocente victime. On la fit agenouiller sur l'estrade, la tête posée sur une pierre déjà tâchée du sang des précédents. Les gardiens hélèrent à la foule que la mort de Bridget payerait celle d'un noble dont le nom lui échappa sur l'instant, elle était trop concentrée sur sa mort prochaine pour penser au stupide idiot qui était mort et qui l'entraînait avec lui dans sa tombe. Elle vit alors le visage des nobles sur leurs gradins, heureux, ils se délectaient du spectacle. Ils étaient des monstres. Elle entendit les bruits métalliques de l'épée à deux mains utilisée par le bourreau. Sa respiration se coupa sous le stress, c'était tel un de ces moments où le temps semble s'arrêter. Elle ferma les yeux et attendit son triste sort. Et la dernière sensation qu'elle eut fut un léger souffle dans sa nuque, puis une page noire s'était refermée sur elle.

L'ambiance s'est définitivement installée. Les nobles ne tiennent plus en place, jouant des coudes pour avoir le meilleur point de vue, ne pas rater de détails qui feront fureur au diner de famille. Je ne comprends vraiment pas comment des êtres humains puissent se délecter d'un tel spectacle. On dirait plus une bande d'animaux, et encore, même des chiens seraient plus civilisés. Je secoue la tête une fois de plus. Qu'est-ce que je fais ici ?

Soudainement, le vacarme diminue. Un homme bien habillé monte les quelques marches en bois et déclame son discours, digne des plus grands meneurs. Le Haut-Gouvernement doit être si fier. Je hausse les sourcils. De toute façon, rien ne peut plus me surprendre de leur part. Les nobles gobent tout ce que le fanfaron dicte, et expriment leur contentement. Et maintenant, le moment fatidique. Les noms sortent un à un du chapeau, les victimes s'ensuivent. Je garde mes yeux fixés sur le public, essayant de trouver ne serait-ce qu'une seule grimace de dégout ou d'effroi. Rien. Que des visages souriant, certains même ruisselants de larmes de joie. Cette ville me donne froid dans le dos.

Je m'apprête à partir, et tant pis si les gardiens m'ordonne de rester assis, quand je remarque lady Caitlin dans les gradins, accompagnée certainement de son mari. Son expression passe de détermination à panique, puis de nouveau à détermination, mais une tout autre. Aurait-elle compris ?