Dévalant les escaliers de la Haute-Tour, Arianna descend du foyer de sa maîtresse pour faire une course en ville. Elle s'en doutait depuis le début son nouveau statut ne lui accordait aucune liberté, appart celle de sortir jouer les larbins pour son acheteuse. Une bourgeoise connu sous le nom d'Isabelle Hart. Arianna nourrissait un grand mépris pour ce personnage qui malgré ses tentatives pour être agréable ne paraissait jamais sous un bon oeil du point de vue de la jeune esclave. En effet le soir précédent lors d'une vive discussion son acheteuse avait comparé l'Enceinte du Mur et le Village. Sujet à ne pas aborder avec Arianna qui avait vécu une vie misérable au décès de ses parents. La laissant seule avec sa plus jeune soeur qui n'avait pas survécu à la faim constante et la pauvreté. Les rues de l'Enceinte lui semblaient plus grandes que hier encore. Hier encore elle avait fait son entrée dans cette partie du Mur. Les bourgeois déambulaient tout sourire dans les rues, et parmi ces gens il y-avait leurs esclaves. Courant presque pour ne pas retarder leur très chers maîtres qui les attend avec impatience. N'importe quoi. Arianna ne peut s'empêcher de maîtriser tous ces êtres, même les plus gentils, ils sont pleins aux as et traitent leurs esclaves comme s'ils n'étaient qu'une possession.

Pourtant ce matin là elle n'avait pas eu d'autres choix qu'obéir à la consigne de son acheteuse et aller faire une course à sa place. A cette idée elle eu un sentiment profond de dégoût et de mépris mélangé. Elle d'habitude si libre-d'esprit et impulsive voilà qu'elle devait être soumise à un personnage qu'elle méprisait en plus ! Voilà pourquoi Arianna était d'humeur bougonne, elle avait sacrifié sa liberté pour un simple inconnu. Au commencement elle trouvait son acte honorable, c'était comme une continuité de l'acte qu'avait courageusement fait son paternel avant d'y trouver la mort. Pour elle c'était comme une façon de se rebeller. Sauf qu'au moment où elle s'était retrouvée dans la Haute-Tour elle avait cédée à la panique et au doute. Pourquoi avait-elle fait un acte aussi stupide et courageux à la fois ? Elle n'en voulait pas au forgeron, c'était son idée qui l'avait menée là. Sauf qu'elle s'attendait à tomber sur la bonne personne et vivre sa vie comme elle l'entendait. Désillusions. Le seul sentiment qui lui venait était celui-ci. Elle avait été trop idéaliste, elle n'arriverait pas en classe bourgeoise, elle était une esclave, le bas de l'échelle.

Alors qu'elle avançait dans les rues de l'Enceinte, plan à la main, totalement perdue elle se heurta à un homme à la carrure imposante. Lorsqu'elle releva le regard elle découvrit que ce n'était autre que Maximilian Ainsworth, celui avec qui elle avait embarquée dans cette galère. Sauf qu'à présent il était un de ces puritains de nobles, et elle une pauvre esclave asservie contre son gré. Pourtant voir une mine familière la transporta de joie.

- Ainsworth ! En chair et en os, le nouveau noble des beaux quartiers. Alors comment tu vis ton nouveau statut, ne plus toucher à ta ferrailles te manques ?  

Couché sur le dos dans mon lit, les yeux levés vers le plafond, je soupire. Cela fait quelques temps maintenant que je suis ici, dans les beaux quartiers de l'Enceinte. Beaucoup donnerait n'importe quoi pour être à ma place, j'en ai conscience, et je la leur donnerais bien volontiers. Ce qui semblait être une bonne idée au départ ne s'est avéré qu'une longue période d'attente inutile. La Guilde des Ombrageux ne m'a toujours pas contacté, je n'ai aucune nouvelle de mon père et je ne sais plus quoi faire. Je pensais qu'en venant ici, j'allais garder mon statut de forgeron. Mais non, les nobles ne se salissent pas les mains ici. Toutes les armes sont importées d'autres parts, enfin, c'est qu'il me semble. Je passe donc mes journées à ne rien faire, à part me faire du souci pour mon père, pour  Aria, et les autres Villageois qui doivent me détester à présent.

Je me lève finalement et enfile mes bottes avant de descendre dans la salle beaucoup trop grande qui me sert de séjour. Je n'aime pas cette maison. Tout y est beaucoup trop extravagant et luxueux. L'ambiance est froide, silencieuse. Pas un bruit pour me distraire, pas un voisin trop bruyant ou trop collant, rien. Juste sur le mur, la seule touche qui me rappelle ma forge. L'épée incrustée d'émeraude que j'ai amenée avec moi. Je secoue la tête et sort de l'habitation, direction un endroit calme où peu de gens passent. Ne devant plus frapper l'enclume, mes muscles ont commencé à fondre petit à petit, je m'entraine donc tous les jours pour garder ma forme. Je marche sans vraiment faire attention quand une personne plus petite que moi me percute. La jeune fille en question ouvre de grands yeux avant de me parler avec enthousiasme. Je n'y crois pas ! Aria !

- Tu n'imagines pas à quel point ! Comment vas-tu ?

Je souris, mais intérieurement, je me sens mal. Et si tout ce qu'on avait pour en arriver la n'a servi à rien ?

Il n'en fallut pas moins pour l'ancien forgeron de reconnaître la jeune esclave. Arianna arborait un large sourire espiègle, elle était transportée de joie de revoir une mine familière. Depuis son arrivée elle n'avait croisé le chemin que d'acheteurs potentiels et d'autres esclaves sur le marché. Puis il y-a eu Isabelle, son acheteuse. En évoquant ce nom, même mentalement, la jeune fille fronça les sourcils. Elle n'arrivait pas à la voir, même en peinture, cette noble. Revenant au moment présent Arianna écouta les mots de Maximilian.

- Et bien comme prévu me voilà asservie à une noble plus qu'insupportable, vivant dans la Haute-Tour soit le pire endroit possible pour la traîtresse et brigande que je suis. Disons que je m'attendais à un scénario plus banal mais il faut dire que ma sortie du Village fut elle, du grand art à la hauteur des événements.

Sur ces mots son sourire s'élargit sur ses lèvres rosées. En effet elle était entrée dans l'Enceinte en tant qu'esclave après avoir été reconnue pour plusieurs vols et un événement, et pas des moindres, lorsqu'elle avait frappé un Gardien. La vermine dans son genre comme disait si bien les Gardiens, ne méritait même pas une simple amende, puisque sans le sous, et finissait directement sur le marché aux esclaves.

Récupérant son sérieux la jeune esclave voulait s'assurait de certaines choses en particulier si le stratagème mis en place avait porté ses fruits. Elle supposait que oui puisque Maximilian était ici à présent mais elle avait besoin de l'entendre de sa bouche.

- Et sinon à mon départ tout c'est passé comme prévu ?

Evidemment elle n'allait pas parlé de la Guile des Ombres en plein milieu d'une rue. Mais de son regard appuyé elle pensait que Maximilian comprendrait vite à quoi elle voulait en venir.

Je n'ai vraiment pas envie de lui gâcher tout, mais ne pas savoir me semble pire. J'ai peur de sa réaction. Elle qui a tout sacrifié pour pouvoir m'aider...Je soupire. Par quoi commencer ? Je l'entraine dans un endroit moins bruyant et plus à l'abri.

- Et bien, pendant que tu faisais diversion, j'ai abordé une personne qui me semblait louche. J'avais vu juste. Je lui a parlé de la Guilde et elle a tout de suite détaler. Evidemment, je connais le Village comme ma poche, donc je l'ai interceptée comme j'avais fait pour toi avant.

Je souris en y repensant.

- Je lui ai un peu expliqué, et elle a accepté mon plan. Je suis parti chercher mon père et ils sont partis tous les deux vers la Guilde. Plus tard, on m'a " gentiment " demandé de venir vivre ici, vu ma fortune. Ils n'ont même pas bronché en entendant la nouvelle que mon père avait été kidnappé. C'est comme si il était une nuisance pour eux..Bref, je suis arrivé ici, on m'a donné une maison et voila.

Reste le plus dur. Je la regarde dans les yeux, mais je baisse vite le regard.

- Et depuis, plus de nouvelles. J'espère chaque jour de voir un signe, n'importe quoi qui me dise ce que je dois faire, ou même si mon père va bien, mais rien. J'ai l'impression que..ce que nous avons fait n'a servi à rien. Et je suis désolé pour tout ce que tu a dû subir. Tout est de ma faute. 

La jeune esclave écoutait sagement le récit de son ami. Un sourire se dessina sur ses lèvres rosées lorsqu'il évoqua la manière dont il avait intercepté un des membres de la Guilde des Ombres. En effet le forgeron et l'esclave s'était rencontrée alors qu'elle fuyait une horde de Gardiens qui la poursuivait pour un simple vol à l'étalage. Il l'avait alors aidée à fuir ses poursuivants et le matin suivant elle avait aidé les Ainsworth en provoquant une émeute sur la place principale. Les quelques heures qu'ils avaient passés ensemble avait suffit à Arianna pour donner sa liberté en échange d'offrir à la Guilde un agent-double dans les beaux quartiers de l'Enceinte. Pour elle ce geste était un hommage pour son père disparu qui avait offert sa propre vie pour cette guilde dont il avait gardé farouchement le secret de son existence à tout son entourage, même sa propre fille, jusqu'à l'aube de son décès. Jusqu'ici Arianna pensait que cette guilde n'était qu'une légende urbaine inventée pour mettre du piment au banal récit de la vie au Village. Il s'avère pourtant que ce n'est pas qu'un mythe, mais une réalité. Des rebelles cachés un peu partout, vivant hors des Haute-Terres, cherchant à renverser l'autorité. Voilà où était la réalité. Arianna s'était juré que se sacrifice serait le dernier geste qu'un Dawson ferait envers la guilde, cette guilde qui ne leur été jamais venu en aide. Maximilian poursuivit son récit en racontant comment il avait quitté son foyer pour les beaux quartiers de l'Enceinte et sa nouvelle demeure luxueuse.


Soudain le jeune forgeron planta son regard dans celui d'Arianna avant de baisser son regard comme s'il avait l'inavouable à avouer. C'était le cas. Ces mots résonnèrent comme un requiem funèbre dans l'esprit d'Arianna. Son coeur se serra, voilà donc sa pire crainte réalisée. Elle avait donné sans rien en échange ! Tout ce qu'ils avaient fait avait été vain ! Elle avait envie de crier sa rage.

- C'est impossible ! Le fait que je sois devenu une esclave, qui en plus réside dans la Haute-Tour, entourée par mes pires ennemis donc, ne suffit pas pour qu'ils daignent se montrer tout ce qu'on a fait a été vain ! Rien, zéro.

Elle prit le pendentif de son collier et l'agita entre ses doigts, ce bijou signifiait qu'elle appartenait à cette Isabelle Hart. Appartenir, elle secoua la tête. La rage lui fit monter les larmes aux yeux.

- Tss s'ils pensent que je me contenterais d'attendre que l'on est une bonne nouvelle, ils se trompent ! Asservie, voilà ce que je suis à présent. Mort, voilà où en est mon père. Notre erreur commune a été d'essayer d'aide cette fichue secte. Les gens comme lui et moi sont les seuls à montrés de bravoure, et l'on en perd au change. Regarde toi le nouveau noble dans une magnifique demeure. A présent moi mon seul droit de sortie est pour aller chercher la robe en soie de mon acheteuse.



La jeune fille froissa un peu plus la carte de l'Enclave sous l'effet de la rage. Son échec et le souvenir ravivait de son acheteuse la prenant de haut mettait Arianna dans une certaine colère. Elle revoyait le moment où elle attendait au marché aux esclaves qu'un malheureux la prenne pour même pas un sous avant que son acheteuse arrive avec son trop-plein de confiance. Aux premiers abords Arianna l'aimait bien, elle ne l'a considérait pas comme un outil, puis leur relation s'est vite détériorée. En apprenant qu'elle allait résider dans la Haute-Tour la jeune esclave avait paniquée et avait dû fournir quelques informations sur sa présence ici qui n'avait pas été du goût d'Isabelle. Les deux s'étaient alors vivement emportée sur les conditions prochaines et Arianna s'était retirée telle une fillette boudeuse pour ne plus avoir à faire face à son acheteuse.

- Tu peux être désolé. La situation est juste....ironique, c'est tout ! Tout fonctionnait à merveille et puis plus rien. Rien. Aucune réponse, aucun signe. C'est fini, on a perdu.

" On a perdu " Les mots d'Aria résonnent dans ma tête. Je refuse d'y croire, mais pourtant, tout semble pointer vers cette triste vérité. Je serre les dents. S'apitoyer sur son sort ne sert à rien. La Guilde ne m'a pas contacté, soit, mais moi, je peux peut-être la contacter. Il me suffit de trouver un moyen. Je m'adresse de nouveau à Aria.

- Tout n'est pas perdu. Ils sont peut-être trop occupés à régler d'autres affaires. On peut toujours leur faire parvenir un message...

Je me mords la lèvre, réfléchissant. J'imagine que tout courrier partant en dehors de l'Enclave doit être fouiller minutieusement. Un réseau clandestin, peut-être...

- Je vais essayer de trouver quelque chose pour leur rappeler notre existence. Ils ne peuvent pas nous avoir oublié comme ça ! On s'efforce à les aider et c'est comme ça qu'ils nous remercient ? Non...Crois-moi, ils vont vite se souvenir de nous.

Plus déterminé que jamais, je souris. Il y a toujours une solution, et c'est pas demain la veille qu'il y aura une exception.

L'espoir communicatif de Maximilian laisse entrevoir à Arianna une chance que leur plan ne soit pas l'échec cuisant qu'il est actuellement. Son idée n'est pas mauvaise, mais tout à fait pausible, si l'on trouve le moyen d'aller à eux. Croisant les bras contre son torse la jeune fille eut un léger sourire quoique dépitée. La pimpante Arianna n'était plus vraiment là, elle attendait une bonne nouvelle pour revenir. Sauf quand ces temps les bonnes nouvelles se font rares.

- Ils vont vite se souvenir de nous c'est certain, mais quand c'est la question. Personnellement je suis lassée d'attendre en jouant la bonne petite esclave pour Hart. En plus cette noble me sort par les yeux, elle est si....irritante.

La jeune fille fixa un point dans la rue, le regard vide, puis ramené à la réalité elle reporta son attention sur Maximilian. Où était donc son entrain habituel et son répondant inimitable à elle ? En cet instant il n'était plus vraiment là. Pourtant son ami lui n'avait pas laissé la moindre noirceur ronger ses espoirs et sa détermination.

- Pour trouver une solution j'en reviens à toi, de mon côté avec la Haute-Tour comme toit, les complots ne sont plus vraiment possibles. Avec Hart constamment sur mon dos sa n'arrange rien. Mais je ne peux pas rester en dehors de tout ça, je veux dire si tu arrives à tes fins j'aimerais le savoir quand même et me dire que j'ai pas tout laissé pour rien. Tu as carte blanche pour nous sortir de l'échec mon vieux.

Un sourire étira ses lèvres et elle haussa négligemment les épaules faisant valser quelques boucles brunes dans son dos.  Elle porta sa main sur le pendentif mis en évidence par dessus ses vêtements. Signifiant son appartenance à son acheteuse, cela lui semblait si loin le contact familier de la chevalière de son père sur sa chaîne au lieu de cet ignoble pendentif d'appartenance. Peut être que la guilde des ombres la sortirait de son calvaire ? Peut être qu'ils l'aideront, peut être. Joignant les mains avec une farouche détermination elle releva le regard pour le planter dans celui de son ami.

- Il faut agir, dès que possible. Et faire ça bien.

[ Oulalala, temps que je finisse ce sujet moi XD ]

Aria me regarde fermement, mettant toute sa détermination dans ses paroles. J'aimerais tant être aussi sûre qu'elle, savoir que tout va bien se passer..tellement de choses sont encore incertaines, fragiles. Trop de choses dépendent de nos actes, des miennes aussi. Enfin, une raison de plus pour agir. Nous ne sommes pas arrivés si loin pour abandonner. Si la Guilde n'est pas venue me chercher, c'est moi qui irais la chercher.

- Dès que j'ai des infos je te contacterai. Et j'espère que bientôt tu n'auras plus à partager la maison de cette noble que tu ne sembles pas porter dans ton coeur.

Je hoche la tête et lui lance un petit sourire encourageant. Si elle peut survivre et garder la tête haute dans des circonstances plus difficiles que les miennes, alors je le peux aussi.

- Tout va s'arranger. Nous avons juste besoin de chance, car l'espoir, nous l'avons déjà.

Sur ce, je lui donne une tape amicale sur l'épaule et repars dans les méandres de l'Enclave, bien déterminé à dénicher ces infiltrés de la Guilde.