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Linelleray
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Dim 14 Aoû - 21:40


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Angry, fear, reproach

L'ombre de la paix se profile peu à peu sur Vivendale, la vie - massive, bruyante et fourmillante - a repris son droit dans les rues. Une ère de prospérité et d'unité semble être destinée à la nouvelle capitale témérienne, toutefois une mystérieuse prophétie menace cette perspective idyllique. Que signifie-t-elle réellement ? Qui menace-t-elle ? Et qui en sont les protagonistes ?

V4 IS HERE
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Linelleray
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Dim 14 Aoû - 23:57


Isabelle R. Hart
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Few weeks before the wedding...
https://www.youtube.com/watch?v=eFiTa7MA4zY

Isabelle faisait tournoyer l'olive au fond de son verre dans un geste hasardeux, elle attendait, patientait, espérait un je-ne-sais-quoi qui aurait contredit les évènements. La cruauté des évènements. Elle inclinait distraitement la tête de haut en bas, sa cascade brune - relâchée sur ses épaules - se balançait au rythme de l'air, un morceau de malfrat... Une musique sombre et désuète qui s'entêtait à s'élever malgré le brouhaha et l'écho des voix. La jeune femme avait cherché à se rappeler une antériorité, un avant tout ça, le souvenir d'une autre époque où tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes. Elle n'avait pas trouvé, et avec un sourire résigné, elle se saisit de la bouteille de bourbon et en arrosa le comptoir d'une nouvelle tournée. Les verres s'entrechoquèrent, et ses compagnons d'un soir louèrent sa générosité d'un ton enjoué et braillard. Elle ne broncha pas ; l'olive venait de sombrer sous le déluge d'alcool, elle embrassa le fond du verre avant de rejaillir à la surface farouche. Du bout des doigts, la Hart l'attrapa et la porta à sa bouche, mettant un terme à la survivance du fruit. Ils mentaient tous. Perpétuellement. Encore, et encore. Elle but d'une longue traite ; l'ivresse était devenue quotidienne dès lors qu'elle avait su. Dans les premiers jours, la noble avait saccagé ses appartements ; telle une furie, elle avait déchiré, brûlé les traces du passé, ses précieux livres n'y avaient pas échappé... Les mots aussi mentaient, et elle ne se sentait plus capable d'affronter la moindre tromperie. “Une demi-vérité est un mensonge complet” lui avait enseigné l'un de ses ouvrages favoris - il était probablement le seul à avoir échappé au carnage. Alors que sa mère venait tout juste d'être conduite à l'échafaud, l'être le plus chéri, le plus regretté, ressurgissait des ténèbres. « ... je savais que ce jour viendrait; le jour de la réunification de notre famille. » Le verre éclata en morceaux dans sa paume contractée, elle relâcha la pression de sa main laissant les éclats tombés au sol. Arianna avait pleuré à chaudes larmes « Papa ? » Elle s'était précipitée dans ses bras, bouleversée mais transportée par l'amour et la reconnaissance. Il avait suffit à Isabelle de croiser son regard, une seule fois, rien qu'une fois... La culpabilité se lisait sur le visage paternel, elle ne s'y trompait pas : il était bel et bien vivant, après être passé pour mort durant des années. Le dégoût et la colère avaient jailli en son sein, s'étaient répandus dans ses membres, l'enflammant toute entière. Elle avait pris la fuite, avait couru aussi vite et aussi loin de ce monstre que ses jambes le lui avaient permis. L'enfant abandonnée avait mis le plus de distance possible entre elle-même et ce monstre : elle avait gagné le sommet de la Haute-Tour. Elle s'était réfugiée parmi les poutres de bois et la poussière, quelque chose l'avait attiré en ce lieu. Peut-être un espoir de protection, la quête d'une véritable affection. Et pourtant l'inventeur avait mis les voiles. Elle avait erré seule durant plusieurs heures dans son antre, jusqu'à ce qu'épuisée le sommeil l'emporte sur ses émotions. A présent, elle se morfondait dans ce bar miteux, comme chaque soir depuis plusieurs semaines, recherchant l'étreinte consolatrice de l'alcool, et quelque fois de l'homme. Elle se souvenait vaguement d'avoir été plusieurs fois raccompagnée, escortée par un bras viril et assuré, lui avait-elle ouvert la porte ? La jeune femme n'en gardait aucun souvenir, peu lui importait d'ailleurs. Son corps et son esprit s'étaient disloqués, désormais désunis l'un continuait d'agir comme bon lui semblait tandis que l'autre réfléchissait sans relâche aux origines du malheur humain. La tête légèrement embrumée, elle éclata d'un rire rauque et sombre, attirant sur sa personne le regard affamé de la gente masculine. Elle soupira bruyamment et se laissa tomber au sol, avec autant de grâce que de sobriété, c'est-à-dire maladroitement ce qui eut le don de raviver son hilarité. Mais déjà elle était lassée et n'aspirait qu'à quitter les lieux. Isabelle surprit un regard haineux sur sa droite, elle cligna des yeux mais l'inconnu s'était effacé dans la pénombre de la pièce. N'y accordant que peu d'importance, elle oscilla d'un pied à l'autre jusqu'à l'extrémité de la salle. Elle s'appuya contre la porte de chêne et se retournant une dernière fois, elle accorda un sourire ravageur à son auditoire. Puis la jeune femme se fondit dans l'obscurité, laissant la porte de l'auberge grande ouverte. La fraîcheur de la nuit vint la cueillir et ses poils se hérissèrent. Frissonnante elle se concentra sur les pavés de la ruelle, la lune à peine à son quart n'offrait que peu de luminosité. Isabelle avançait lentement, elle pensait à sa dernière rencontre avec sa soeur cadette. Arianna l'avait visitée dans la grande tour, elle s'était étonnée de sa désertion mais n'avait pas davantage cherché à la questionner, l'ainée n'était tout simplement pas prête à renouer avec le passé. Mais loin d'être stupide, elle avait compris que Thom Hart se rapprochait de son autre fille. Et c'est inquiète et à contrecœur qu'elle lui avait donné sa bénédiction avant de la congédier. Son coeur se serra à l'idée même que Thom puisse à nouveau faire souffrir sa dernière fille, les l'abandonnant encore une fois. Elle était donc tourmentée par de nombreux doutes, incluant ses questionnements quant à l'existence qu'avait clandestinement mené leur père durant toutes ces années. Et surtout, elle s'interrogeait sur la raison de son retour... Elle fut sortie de sa torpeur par ce qui lui sembla être des pas à sa suite, elle s'immobilisa et le bruit cessa. Inquiète elle hâta le pas, désireuse de quitter au plus vite cette partie de la ville. Mais, à nouveau elle discerna un mouvement furtif sur sa gauche. Isabelle se mit à courir à travers les rues assombries, tournant aussi souvent qu'elle le pouvait, s'engouffrant dans le moindre passage à sa portée. Cette fois, elle entendit clairement la course de son poursuivant ainsi que son souffle lourd. Mais alors qu'elle s'engouffrait sur une nouvelle route, elle se trouva prise au piège dans un cul-de-sac. Elle profita de son avance pour se dissimuler dans la brèche d'un mur ; en position d'attente comme ses maîtres d'armes lui avaient jadis enseigné. Les pas se rapprochèrent et elle attendit le tout dernier moment pour se ruer sur son adversaire. Il bascula en arrière sous l'impulsion de l'assaut surprise, mais l'entraîna avec elle dans sa chute. Son corps lui servit de rempart et il referma ses mains de prédateur sur elle, puis l'homme la plaqua sur le dos. La Hart enragée se débattit mais elle fut bientôt immobilisée par le poids de son adversaire.  Alors qu'il la croyait maîtrisée et assagie, elle hurla de toutes ses forces, appelant à l'aide. La brute plaqua sa main d'ours sur sa bouche mais elle le mordit.  Isabelle eut beau crier et se débattre dans cette partie déserte de la ville, personne ne l'entendrait. Elle fusilla son ravisseur du regard, incapable de discerner ses traits dans la pénombre, elle avait cependant reconnu cette silhouette familière des dernières semaines. « Espèce de vaurien ! Sale con ! Pervers ! » Il éclata d'un rire tonitruant et la rage de la lionne s'accentua, elle lui cracha en plein visage. Le poing du géant s'abattit au sol à quelques centimètres de son épaule ; mais il ne l'effrayait pas, tout du moins ne l'effrayait plus... Son geste, ou plutôt son manquement, venait de révéler ses intentions : il ne la blesserait pas. Et Isabelle saisit cette échappatoire : « C'était toi dans le bar, ce regard haineux et contraint. Et pourtant, je suis à présent à ta merci et tu n'agis pas. C'était également toi qui me suivait chaque soir jusqu'à mes appartements. Vraiment une délicate attention... » Elle se fendit d'un sourire provocateur, et planta ses iris sombres dans celles du jeune homme. « C'est donc toi le nouveau clébard de mon père ? Chargé d'espionner l'enfant révoltée...  ! » La brume se dissipait peu à peu de son esprit, elle avait su dès le premier soir qu'elle était suivie. Isabelle avait agi en connaissance de cause : elle avait laissé la porte grande ouverte et était sortie. Il était venu à sa rencontre.
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Alessandra de Marbrand
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Sam 20 Aoû - 23:25





ALEXANDRE
—  you leave the door open so i enter —

Ses doigts se serrèrent lentement autour du verre puis porta ce dernier jusqu'à ses lèvres. Il bu une gorgée, puis une autre, et éloigna le verre de sa bouche, le gardant élevé dans les airs, il semblait en observer le contenu. Par dessus le liquide brun se dessinait indistinctement le visage d'une femme, les traits déformés par les reliefs du verre, laissant apparaître une figure floue, immonde. Jetant un coup d’œil par dessus le verre le spectacle était tout autre, les traits indistincts s'étaient redessinés sur un visage finement travaillé rehaussé d'iris de la couleur de la terre nourricière rappelant sa chevelure brune semblable à celle de sa soeur, mais aussi de son père. Son père, voilà pourquoi il était là. Il lui avait demandé de veiller sur sa fille, de la surveiller, et c'est ce qu'il faisait, la suivant comme une ombre, la guettant comme un prédateur. Mais la proie n'était pas aussi douce que son apparence, son âme était semblable au reflet que renvoyait le verre : flou, laid. Elle traînait dans les bars comme un fantôme, avalant gorgées après gorgées et cherchant un quelconque réconfort dans les bras d'hommes quelconques. L'homme reposa son verre dans un soupire. Qu'allait-il bien faire d'elle ?

La jeune femme, visiblement ivre, se laissait tomber sur le sol comme un pantin sans vie. L'homme l'observa avec mépris, quel gâchis faisait-elle. Elle n'avait aucune aspiration, aucune motivation, aucune croyance, aucune force, elle était une coquille vide, tentant désespéramment de combler l'abysse de son esprit par l'affection et l'alcool. L'âme en peine déjà se relevait, alors qu'elle s'accrochait à un tabouret pour se remettre debout, elle croisa le regard méprisant du jeune homme qui détourna aussitôt le regard et se leva, se soustrayant au regard surpris de la jeune femme. Alexandre, de loin, la suivait des yeux tandis qu'elle se dirigeait avec peine vers la sortie, laissant la porte grande ouverte derrière elle.

Dans la nuit froide et sombre, il l'a suivait doucement, se retenant de souffler " Pourquoi moi ? ". N'avait-il pas mieux à faire que surveiller une ivrogne ? Elle ne méritait pas la marque au dos de son épaule, cette marque inscrite sur sa peau par Thenaar, signe de leur parenté. Elle ne méritait pas d'être la fille de Thenaar, et lui ne méritait pas d'être ici, à suivre cette fille ingrate juste parce que son père voulait veiller sur elle. Soudain, la silhouette titubante s'arrêta. L'imitant aussitôt il retint son souffle, l'avait-elle entendu la suivre ? Déjà, la jeune femme reprenait sa course, mais d'un pas plus pressé. Il continua de la suivre, de plus loin cette fois-ci, pensant que cela suffirait à calmer ses doutes, si jamais elle en avait. C'est alors qu'elle se mit à courir, se fichant d'avoir ou non été repéré, il se mit à courir lui aussi. Alors c'était ça, elle voulait fuir ? Elle qui fuyait toujours, qui fuyait son père, Thenaar, ses responsabilités, sa destinée. Oh non, il ne l'a laisserait pas se dérober ce soir, non ce soir il l'a confronterait.

Le jeune homme bifurqua jusqu'à un cul-de-sac, là, rien, le vide. Soudain, comme sortie de nul part, la jeune femme se rua sur lui. Plus rapide et plus fort, il réussit rapidement à parer cette attaque surprise et plaqua sa proie sur le sol, utilisant son poids pour la maintenir dans cette position vulnérable. Et, lorsqu'il croisa son regard révolté, le vil esquissa un sourire. Elle tenta d'appeler à l'aide, aussitôt il plaqua une main contre sa bouche mais les dents de la furie vinrent vite s'y loger. Voilà, elle était là, la fille de Thenaar. Il suffisait juste de la provoquer un peu pour qu'elle montre sa vraie nature. « Espèce de vaurien ! Sale con ! Pervers ! » pestiféra-t-elle, provoquant le rire du jeune homme. Irritée, la jeune femme lui cracha au visage, surpris, il leva le poing, prêt à lui faire regretter son geste, mais alors que sa main s'abattait vers son visage, il se rappela des ordres donnés, et son poing s'abattit sur le sol, provoquant une onde de douleur qui remonta jusqu'à son poignée. « C'était toi dans le bar, ce regard haineux et contraint. Et pourtant, je suis à présent à ta merci et tu n'agis pas. C'était également toi qui me suivait chaque soir jusqu'à mes appartements. Vraiment une délicate attention...C'est donc toi le nouveau clébard de mon père ? Chargé d'espionner l'enfant révoltée...  !» De nouveau, un rire jaillit de la gorge du jeune homme. Révoltée ? Quel mot délicat pour exprimer sa fuite si lâche. " Perdante " cracha-t-il intérieurement. « Oh ma douce, pourquoi tant d'indignation et de révolte, toi qui n'est qu'une âme en peine et résignée, petite enfant révoltée. » Il esquissa un sourire provocateur. « Tu n'as vraiment aucune idée de ce qu'il se passe réellement, bien sûr tu étais trop occupée à jouer les catins auprès de ses hommes qui n'aiment que tes courbes. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai la délicate attention de te suivre chaque soir, qui sait tu pourrais ramener dans ton lit un homme dangereux une nuit. Je veille sur toi, je garantis ta sécurité pendant que tu joues avec le feu, je pense donc que les termes " sale con ", " pervers " et " clébard " sont un peu fort non ? Tu exagères Isabelle, comme toujours, comme lorsque tu ignores ton père et ta soeur, comme lorsque tu renies ta destinée pour jouer aux prostituées comme tu le fais. »

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Linelleray
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Lun 29 Aoû - 14:47


Isabelle R. Hart
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https://www.youtube.com/watch?v=eFiTa7MA4zY

Notre corps est le reflet de nos émotions, chacune d'entre elles transparaissent sur nos traits et dans nos gestes. Lorsqu'une personne parvient à décrypter ces indices corporels on parle d'intuition innée, douée. Les plus intuitifs d'entre nous lisent aisément sur le visage de leur interlocuteur. Il leur suffit de la contraction d'un muscle, d'un papillonnement d'yeux, d'une micro-expression de moins d'une seconde ou encore d'un haussement d'épaule, pour deviner l'émotion de l'adversaire. Aussi,  Alexandre, s'il avait été doué de cette intuition, aurait pu sans la moindre difficulté anticiper les actions d'Isabelle. Mais il était passé à côté de ces indices fondamentaux. « Oh ma douce, pourquoi tant d'indignation et de révolte, toi qui n'est qu'une âme en peine et résignée, petite enfant révoltée. Tu n'as vraiment aucune idée de ce qu'il se passe réellement... » D'abord, la jeune femme avait ressenti un vif mépris pour cet individu bourru d'orgueil et d'insolence. Ses lèvres étaient subtilement remontées sur sa gauche, durant une fraction de seconde. « ... bien sûr tu étais trop occupée à jouer les catins auprès de ses hommes qui n'aiment que tes courbes. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai la délicate attention de te suivre chaque soir, qui sait tu pourrais ramener dans ton lit un homme dangereux une nuit. Je veille sur toi, je garantis ta sécurité pendant que tu joues avec le feu, je pense donc que les termes " sale con ", " pervers " et " clébard " sont un peu fort non ? » Était alors venu le dégoût pour ce chien, sa bouche s'était entrouverte, ses pommettes s'étaient creusées en un hiatus de répulsion et ses sourcils étaient montés. Un pli s'était également dessiné sur son nez, mais encore une fois le servant de Thenaar avait manqué les signes. Avec Isabelle tout n'était que question d'observation et d'interprétation, il fallait anticiper et déjouer, ou bien elle vous écrasait à votre propre jeu. Et peu d'adversaires l'égalaient, encore moins la surpassaient. Aiden comptait parmi eux, elle n'avait pas su le vaincre mais lui ne parvenait pas à la mettre en déroute. Ils campaient leurs positions dans une résistance sans fin. C'était loin d'être une bonne chose : elle jouait le même jeu avec le dangereux Jason Airwer. Son agresseur n'avait pas l'esprit de ces deux hommes, aussi il commit plusieurs erreurs.

Isabelle le repoussa sans vergogne, et cette fois, il se laissa glisser sur le côté ; se redressant, il lui tendit une main secoureuse qu'elle ignora royalement. Elle se releva de son propre chef, et son regard assassin poignarda la brute qui avait osé l'agresser. Elle le discernait davantage, debout à la lueur du spectre lunaire, il était grand, le torse dessiné et épaissi par une force apparente, les épaules larges comme les prédateurs nocturnes, et un je-ne-sais-quoi de dédain dans ses yeux noirs acheva d'agacer la lady. Il n'avait pas nié être un sbire de son père, et cela était largement suffisant pour qu'elle se décide à déserter immédiatement : elle tourna les talons. « Tu exagères Isabelle, comme toujours, comme lorsque tu ignores ton père et ta soeur, comme lorsque tu renies ta destinée pour jouer aux prostituées comme tu le fais. » Si la furie Hart lui avait fait face, sans doute aurait-il su déceler l'expression de son émotion : la colère ne trompe personne. Les mots soeur et prostituées claquèrent sèchement dans la nuit noire. Son regard se glaça et une ride barra son front à l'instant où ses sourcils s'affaissèrent. Les lèvres serrées, elle fit volteface et abattit son poing dans le nez du sale chien. Le sang inonda immédiatement son philtrum, sa bouche et son menton. Un éclair de folie traversa son regard et il plaqua Isabelle contre un mur, meurtrissant ses bras. Elle grimaça, pliant ses phalanges abimées, mais ne perdit rien de son courage. La même flamme destructrice continuait de brûler dans ses yeux. « Tu ne sais rien de ma destinée, personne n'a l'autorité suffisante pour décider de ce que je dis ou fais. Seulement moi. Alors retourne auprès de ton maître, et laisse-moi en paix. » Il éclata d'un rire tonitruant, fou, et la relâcha ; elle s'éloigna de lui furtivement.  « Alexandre, c'est la réponse à ta question. » Sans même daigner se retourner ou le toiser, elle reprit le chemin du retour d'un pas actif.  « A vrai dire, je ne me posais pas la question. Notre entrevue nocturne est finie, j'aimerais dire adieu, mais ce serait probablement illusoire. Au revoir, Alexandre. »
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Alessandra de Marbrand
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Linelleray
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Lun 19 Déc - 22:57


Isabelle R. Hart
These violent delights have violent ends

https://www.youtube.com/watch?v=CUoIv3tlrhE

Les scènes pastorales comptaient parmi ses préférées ; elle laissait ses doigts d'enfant parcourir les traits grossiers de la peinture. La plupart des amateurs pensent à tort que l'art est un travail de précision, de rigueur, mais ils se trompent. C'est avant tout un brouillon, un amas d'erreurs sur lesquelles repassent l'artiste, des couches successives et des coulées de peinture, des ratures, la colère d'un peintre, son désarroi... Alors la splendeur du tableau tient-elle d'un pur hasard ou d'un coup de génie ? Nul ne saurait y répondre, car on ne peut définir le beau et encore moins son origine. Isabelle trouvait un semblant de réconfort dans ces paysages de campagne, ces scènes de vie ; d'une certaine manière, elles trouvaient écho en elle, la ramenait à une époque lointaine que son inconscient avait submergée. Et elle s'y baignait avec perversion, fermant les yeux et goûtant l'air des champs, prêtant attention au bruissement du blé sous ses pas. Alors, à nouveau elle courrait à travers les vignes, ses petits pieds nus embrassant la terre, ses genoux égratignés criant grâce. Elle pouvait sentir la caresse du vent dans ses boucles brunes, la douceur du soleil sur sa peau d'ange - constellée de tâches de rousseur. Et enfin, le champ aux coquelicots apparaissait à l'horizon. L'enfant plissait les yeux pour profiter du spectacle qu'offrait le soleil, à son zénith, sur cette étendue de fleurs rouges. Elle redoublait d'effort et accélérait ses foulées pour gagner au plus vite l'endroit chéri. Au loin, des adultes - un vague souvenir... - s'impatientaient, lui demandaient de revenir et, elle ignorait ses voix dramatiques dénouées de la passion enfantine. Aussi, lorsqu'elle atteignait finalement l'objectif idolâtré, elle fondait à travers les hautes fleurs pour que personne ne la trouve. L'espace d'un instant, elle continuait de courir, chassant au loin les hirondelles inopportunes ; puis une fois égarée, le petit être se laissait tomber au sol, disparaissant entre les coquelicots. Là, si elle fermait les yeux, elle pouvait voir le monde en rouge à travers ses paupières illuminées. Dès lors, elle souriait apaisée par la chaleur du monde, et s'endormait. C'était chaque fois le même rêve : elle se réveillait sur la colline, toujours baignée par l'aura florale, mais elle n'était plus seule... « Tu m'as manqué, papa... » et tel un chaton, elle se blottissait contre lui. Il passait une main dans son dos, décrivait des cercles, et l'embrassait. Mais cette fois-là le rêve avait été différent. Lady Airwer avait surgi furieuse, les yeux rougis et les traits durcis ; elle s'en était durement pris à son père. Isabelle se souvenait avoir pleuré. « Cela ne peut plus durer, Thom ! Tu perturbes cette enfant, les morts ne sont pas censés réapparaître... » Désespérément, elle s'était accrochée à la taille de son père, comprenant qu'on le lui arrachait une nouvelle fois. Elle éclata en sanglot et immédiatement les traits de sa mère s'adoucirent. Lady Airwer s'agenouilla, elle continuait de s'adresser à son défunt mari et pourtant ses iris bleues transperçaient Isabelle. « Sois raisonnable, tu sais aussi bien que moi que, sa colère n'a pas de limite... Quand il saura, il te traquera, tu n'as pas d'autre choix que fuir... » Alors à nouveau, il disparut et l'abandonna à ses peurs d'enfant. Elle referma les yeux tentant de revenir à un rêve plus conciliant, mais déjà il était trop tard. Elle n'arrivait plus à respirer, elle étouffait. La fillette ouvrit les yeux, elle ne discernait rien. L'odeur âcre du fer brûlait ses narines et lorsqu'elle ouvrit la bouche un liquide chaud et aigre s'y engouffra. Alors, elle comprit et son désespoir redoubla : la champ de coquelicots avait laissé place à une mare de sang.

Isabelle fut violemment tirée de cette vision d'horreur, elle était trempée jusqu'à l'os et agitée de hauts-de-coeur. Elle bondit de son lit juste à temps et se précipita sur le vase le plus proche, vomissant tripes et boyaux. Toujours remuée, elle s'agenouilla au sol, le vase entre les jambes, et attendit que la nausée passe. La jeune femme sortit une flasque de whisky, mais lorsqu'elle déboucha cette dernière, l'odeur de l'orge la saisit au coeur et elle la jeta volontiers à l'autre bout de la pièce. Elle se leva avec peine et rejoignit son secrétaire, elle éparpilla son contenu jusqu'à dénicher un réconfort plus doux. Puis avec grand zèle, elle se drapa d'une couverture et ouvrit les portes-fenêtres. L'aube était proche, toutefois, on ne discernait rien car un épais brouillard enveloppait Vivendale. La brise matinale la saisit mais elle s'avança tout de même, expirant l'air glacial et laissant glisser ses pieds tortueux sur le marbre froid. Enfin, Isabelle sortit un petit étui en saule, dans lequel elle se saisit de quelques feuilles de tabac qu'elle glissa dans une pipe orientale. Puis coinçant l'allumette soufrée entre ses dents, elle actionna le fusil du briquet. Docilement, une flamme naquit et embrasa le petit roseau, alors elle mit feu à ses herbes médicinales. L'odeur entêtante du tabac ne tarda pas à se répandre et à enivrer ses sens. Elle se laissa aller en arrière savourant la sensation de flottement. Plus rien ne semblait compter tant que les vapes l'entouraient, elle pouvait voir le monde avec lucidité et cesser de le craindre ; un sourire d'amertume assombrit ses traits. Déjà la nuit reculait et le jour perçait. Eternels rivaux, esseulés, condamnés à ne jamais se rencontrer... Un corps tomba du toit et atterrit en souplesse à ses pieds. D'abord elle discerna ses mains de combattant puis remonta son regard jusqu'à apercevoir de larges épaules, une ligne de cou... La jeune femme plissa les yeux pour reconnaître les traits brusques à travers la blancheur du brouillard. Un frisson courut le long de son échine et ses yeux de chasseresse s'agrandirent. « La nuit tous les chats sont gris ! » Elle éclata de rire face à l'air renfrogné du colosse. « J'ai cru que vous ne vouliez plus coucher avec moi, Alexandre... Ou alors que mon père ne voulait plus que vous... Attendez, je suis perdue, est-ce aussi lui qui est maître de votre désir ? » Elle fit un effort surhumain pour ne pas davantage rire, et se mordit la lèvre jusqu'au sang... « Trêve de plaisanterie... Le tabac me monte à la tête et nuit à notre conversation. » Elle s'appuya lourdement sur la rambarde du balcon, les yeux dardés sur le beau brun. « Etiez-vous déjà lassé de notre petit jeu pour vous absenter durant plusieurs semaines ? Ou alors, peut-être qu'on vous a assigné une mission plus importante que ma petite personne. Alexandre... »

Et malgré la haine et la répulsion, Isabelle avait terriblement envie de jouer, car elle n'exécrait rien davantage que l'ennui et l'absence de danger.
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Alessandra de Marbrand
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Lun 2 Jan - 22:17





ALEXANDRE
— miss me ? —

Froide était encore la nuit malgré la douceur d'un printemps déjà bien installé. Ah le printemps, l'époque du renouveau ! Le renouveau pour une nouvelle ère, l'ère katharinienne on disait pour la plupart, les autres parlaient d'ère témérienne, d'autres encore n'osaient mettre un nom sur la chose, préférant renier l'existence de ce nouveau gouvernement qu'ils travaillaient à renverser. Ah les rebelles, de braves guerriers, se battant pour la mauvaise cause, vénérant les mauvais dieux, aspirant aux mauvaises choses, leur bravoure était donc leur seul attrait aux yeux d'Alexandre. Lui aussi voyait ce printemps comme un renouveau, non pour les changements que promettaient cette ère katharinienne, mais pour ce qu'elle avait provoqué malgré elle à un autre niveau, en bas, dans les entrailles de la terre. Alors qu'elle renversait les murs de la Vivendale d'en haut, celle d'en bas, l'autre Vivendale s'était éveillée. La prophétie promettait de grandes choses; mort aux hérétiques, victoire sur les fidèles de Thenaar. Tout ce qu'ils espéraient depuis des années : la défaite des Perdants, la victoire des Vainqueurs. Cela allait de soi, pourtant c'était un combat mené depuis des siècles.

Isabelle était, son père en était persuadé, l'une des clés de cette prophétie. Avec sa soeur, Arianna, elle était l'élu, celle qui permettrait la victoire, de servir la Cause... de gagner tout simplement. Elle était déjà décrite comme un héros aux yeux des autres fidèles, pourtant Alexandre, lui, connaissait la vérité. Isabelle était loin d'être à la hauteur de la tâche. Elle passait ses journées à bouder ses proches et ses soirées à boire ou abuser d'il ne savait quoi d'autre. Le jeune homme l'avait suivi jusqu'à des bars miteux pour la voir se dépraver, et cela pendant des semaines. Alors que son destin lui tendait les bras, elle le reniait allègrement, y préférant les plaisirs simples et égoïstes d' une vie sans valeurs. Elle qui était une jolie jeune femme dont les gens murmuraient l'acte de bravoure qu'elle avait eu, osant trahir la confiance de la reine pour sauver sa soeur, ne s'était montré à lui que comme une vulgaire fille sans intérêt. Du moins aux premiers abords... Puis les choses changèrent, ce soir où elle fit comprendre qu'elle en savait plus qu'elle ne le laissait prétendre, qu'elle savait être suivie, et qui avait donné l'ordre. Ce soir là Alexandre avait commencé à voir la future légende dont les exploits seraient chantés aux enfants lorsque la Victoire leur serait raconté. Mais le jeu de chat et de la souris avait du s'arrêter là, pile lorsque la souris commençait à montrer des airs de chat. En bas, les choses s'accéléraient, le Maître s'était vu comme renaître depuis avoir retrouvé ses filles, et encore plus lorsque la seconde, Arianna, sembla trouver en Thenaar la réponse à toutes ses questions. Alexandre n'eut guère l'occasion d'en faire plus ample connaissance mais, déjà, il la respectait pour son bon sens, après tout elle avait choisi la voie du Dieu Noir sans en avoir entendu parler auparavant, c'est comme si Thenaar lui même était venu lui souffler la bonne réponse, et qu'elle l'avait écouté, contrairement à sa soeur, l'entêtée Hart. Pourtant, malgré l'excitation montante dans la Maison, un sombre événement survint. L'un de ses compagnons s'était vu amouraché d'une fille de joie d'en haut, une perdante, et renia Thenaar dans l'espoir de pouvoir la rejoindre et quitter pour de bon la Maison. Impossible. Ce droit refusé le bougre pris la fuite, et c'est Alexandre qui fut chargé de le retrouver. Il ne fallu qu'une heure pour retrouver là où la dite femme l'avait ensorcelé, et seulement quelques minutes pour que le maître des lieux avoue, lame sous la gorge, qu'elle avait quitté le bordel en compagnie d'un habitué des lieux un peu plus tôt pour quitter la ville. Il fallu quelques jours pour les retrouver, eux qui avaient fui dans les steppes de l'ouest, et seulement quelques secondes pour les tuer tous les deux en ne prononçant qu'un seul mot : Traître, alors que sa lame s'enfonçait dans sa chair. La besogne achevée, Alexandre retourna auprès des siens, et versa au Dieu Noir son dû. Ce n'est qu'une fois le sang des deux amants ayant rejoint les eaux sanglantes du Grand Bassin qu'Alexandre repensa à Isabelle. Qui l'avait surveillé pendant son absence ? Avait-elle finalement entendu raison ou bien le jeu reprendrait-il ? Le soir même il su, le jeu reprendrait. La jeune femme n'avait pas cédé, pas encore avait-il ajouté mentalement.

Cette nuit là elle n'avait pas voulu sortir, restant terrée dans ses appartements. Alexandre veillait depuis l'extérieur, passant la nuit sous ses fenêtres comme un vulgaire voleur, mais si cela servait à la Cause, il acceptait la besogne avait joie. De plus il sentait en lui une pointe excitation à l'idée de reprendre leur jeu, lui qui n'avait fait que commencer avant qu'il ne doive partir. Cependant, la jeune femme s'en alla se coucher sans rien faire, autorisant sans le vouloir Alexandre a pouvoir partir. Il attendit un peu, beaucoup, plusieurs heures en fait, puis se résolu à s'en aller, rien ne de bien intéressant ne se passerait si elle dormait. Mais, alors qu'il s'apprêtait à retrouver les pierres creusées qui lui avait permis de monter jusque là, il entendit un bruit dans sa chambre. La jeune femme venait de se réveiller en sursaut. Il entendit ensuite des bruits de pas, de quelqu'un qui vomit, d'une bouteille qui s'ouvre et se referme et d'autres bruits étouffés, comme si elle cherchait quelque chose. Intrigué par cette suite illogique, le jeune homme resta caché en haut de fenêtre, jetant un coup d’œil. C'est alors qu'il l'aperçu, pipe à la main, profitant de la fin de la nuit pour se perdre dans les fumées de tabac. L'odeur montait jusqu'à ses propres narines. Sans trop savoir s'il y avait mûrement réfléchi, Alexandre décida de sortir de sa cachette et de sauter à terre. « J'ai cru que vous ne vouliez plus coucher avec moi, Alexandre... Ou alors que mon père ne voulait plus que vous... Attendez, je suis perdue, est-ce aussi lui qui est maître de votre désir ? » Un sourire en coin se dessina sur les lèvres du jeune homme, elle tentait de l'attaquer sur son obéissance et sa loyauté envers le Maître, comme la dernière fois.  « Trêve de plaisanterie... Le tabac me monte à la tête et nuit à notre conversation. Etiez-vous déjà lassé de notre petit jeu pour vous absenter durant plusieurs semaines ? Ou alors, peut-être qu'on vous a assigné une mission plus importante que ma petite personne. Alexandre...  » Le jeune homme s'approcha d'elle, la contraignant à une proximité forcée, elle qui s'était tenu à distance, accoudée à la rambarde. « Je suis le seul maître des désirs ma chère, mais mes désirs ne s'orientent pas vers des femmes qui se montrent sans intérêt à mes yeux. » attaqua-t-il d'un ton moqueur tout en s'éloignant. Elle avait beau être la fille du Maître, tant qu'elle n'avait pas reconnu Thenaar elle ne serait qu'une vulgaire Perdante. « Mais c'est que je vous ai manqué on dirait, cela fait déjà des semaines ? Je n'avais pas vu le temps passé ! Il faut croire que mes occupations étaient bien trop prenantes, ou bien était-ce qu'elles me semblaient très excitantes en comparaison de celle-ci. Bien sûr vous pourriez me défaire de cette obligation envers votre père en acceptant une rencontre, cela ne vous engagera à rien, et vous n'aurez plus à me revoir. Nous serions tout deux libres de retrouver plus intéressant et palpitant à faire, à moins bien sûr que vous ne souhaitiez pas me voir partir, par désir ou bien par méchanceté, mais si vous pensez que faire attendre votre père me punira, sachez que vous vous punissez aussi, votre famille vous attend, votre père, votre soeur... »

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Linelleray
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Lun 3 Avr - 23:30


Isabelle R. Hart
Sublime et silence

https://www.youtube.com/watch?v=Bag1gUxuU0g

Miroir, miroir, en bois d'ébène, dis-moi qu'elle est la plus belle. Éprouve-moi, conforte-moi, tyrannise-moi, apaise-moi ; tout pourvu que tu ne lui dévoiles jamais le monstre qui sommeille en moi. Pourquoi Thom Hart ne s'était jamais plus manifesté auprès de sa fille après l'épisode du champ aux coquelicots ? Qu'est-ce qui, implicitement, à l'évocation de cette traque sans relâche l'avait motivé à s'évanouir de la vie de sa douce Belly ? Nul d'entre nous ne le sait, peut-être ne le saurons nous jamais. Le souvenir de ces rencontres furtives avait été enfoui loin, très loin, dans la mémoire de la jeune enfant ; si bien, que se manifestant seulement à travers quelques rêves singuliers, il n'était devenu qu'un désagrément nocturne de plus. Un constant rappel de ce qui avait été perdu et ne pourrait être retrouvé : l'amour d'un parent. Seule restait l'image saisissante de ces coquelicots, leur rouge écarlate, sanguin, vivifiant et déstabilisant, entêtant et dérangeant... et comme une énigme de plus l'absence d'odeur de ces fleurs pourpres nous interrogeait. Le retour de Thom Hart avait engendré les prémices d'un cataclysme interne : son monde entier avait été renversé, l'ordre des choses bousculé, et son entière raison déstabilisée. Les souvenirs sagement refoulés dans les dédales de la conscience surgissaient uns à uns en surface, ondes d'images transcendantes aussi destructrices qu'amicales. L'histoire allait se poursuivre, les interludes s'achever, et avec eux disparaitraient immanquablement les dernières échappatoires. Les chapitres à venir de notre intrigue ne tiendraient plus qu'à un seul fil narratif, un fil bien mince, susceptible d'être rompu à chaque instant. Car, une chose était sûre l'histoire d'Isabelle Hart, femme-enfant maudite de Vivendale, allait connaître une fin sordide. Elle ne serait non pas scellée d'un point final, mais d'un provoquant point d'exclamation. Ultime panache, ultime caprice de l'auteure. Et, même les coquelicots avaient à présent une odeur : celle, d'un amer regret.

Alexandre refusait de s'écraser, et elle de se rendre. Ils se masquaient l'un et l'autre leur enjeu, et pourtant sous eux se matérialisaient le champ de bataille - sinueux et accidenté, mais avec l'éblouissante promesse de victoire pour celui qui prendrait le dessus ou peut-être le présage d'une défaite mutuelle . Déstabiliser l'autre, se sauver soi. Encore, toujours et encore, attaquer puis parer, piquer et esquiver. Recommencer, inlassablement recommencer. Le jeu est toujours semblable, à la vie à la mort... Fatalité, fatalité du destin, à quoi bon lutter ? Résister était élémentaire, simple. Un acte d'une banale et ennuyante bravoure à la portée du plus terne personnage. Mais céder, quant était-il de la tentation, de la vilenie ? Alexandre était un suppôt de Satan, seulement parce qu'elle avait choisi de le voir comme tel. Et si... « Je suis le seul maître de mes désirs ma chère, mais mes désirs ne s'orientent pas vers des femmes qui se montrent sans intérêt à mes yeux. » Elle haussa ostensiblement les sourcils, ses pupilles noires rivées aux siennes et une moue de déception figée sur le visage. Il ne jouait pas tout du moins pas selon ses règles, c'était grisant. Isabelle expira grossièrement la fumée du tabac, puis souffla sur la flamme du briquet, répandant par la même occasion de suaves fragrances boisées. Ses épaules s'affaissèrent dans un soupir, elle s'approcha davantage de son adversaire et apposa une main résignée sur sa joue d'homme. Sous ses doigts, sa peau était chaude, à la fois rude et fragile, terriblement douce comme celle d'un nouveau né. « Tu mens, Alexandre. » Dans sa bouche, ce nom revêtait cinquante nuances graves, cinquante tonalités rêveuses et mystérieuses, une quelconque apostrophe qui lui échappait... « Rien ne t'obligeait à me rejoindre, à descendre de ton piédestal. » Son regard contemplatif se porta sur les toits, l'homme de main était pour ainsi dire sorti de nul part. Elle retira sa main. « Et pourtant te voici face à moi. Le loup à la rencontre de l'agneau ; ou peut-être du chasseur... Le fait est que tu t'ennuyais, et que l'espace d'un instant, j'ai présenté un intérêt plus grand que ton observation nocturne de la grande ville. Tu le regrettes déjà, n'est-ce pas... » Il s'était approché au fur et à mesure qu'elle attaquait. Elle eut un soubresaut, s'écrasa un peu plus contre le mur. Alexandre se dressait devant elle, masse imposante et virile, son menton barbu à hauteur de ses lèvres de femme. Sa silhouette de nuit l'intimidait terriblement, le souvenir entêtant de leur première rencontre, de son agression lui donnait la nausée... mais elle désavouait pleinement cette peur, incapable de se plier à la volonté d'un homme. Son corps révolté avant l'heure la suppliait de se décider : faire face ou fuir. Et si... « Bien sûr vous pourriez me défaire de cette obligation envers votre père en acceptant une rencontre, cela ne vous engagera à rien, et vous n'aurez plus à me revoir. Nous serions tout deux libres de retrouver plus intéressant et palpitant à faire, à moins bien sûr que vous ne souhaitiez pas me voir partir, par désir ou bien par méchanceté, mais si vous pensez que faire attendre votre père me punira, sachez que vous vous punissez aussi, votre famille vous attend, votre père, votre soeur... »  » Si lucide et si... dérangeant. Il invoquait impunément ses présumées faiblesses, avec un flegme séditieux alors qu'elle-même bouillait un peu plus à chaque mot sortant de sa bouche de fauteur. Diable, qu'elle le haïssait... Car plus que jamais, menacée par Alexandre, Isabelle se sentait à l'abri de tout danger. Et si... Si, elle acceptait ? « Soit, conduis-moi à lui. Je veux voir Thom, mon père. » Sa bouche s'étira en un doux sourire. Isabelle venait d'éclipser le jour naissant.
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Alessandra de Marbrand
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Mar 2 Mai - 22:35





ALEXANDRE
— the stupid, the proud —

C'était un jeu. Eux deux, depuis le début, c'était un jeu. Le stupide, le fier, qui était l'un, qui était l'autre ? Chacun se pensait le fier mais... Peut être étaient-ils tous deux chacun, ou peut être n'étaient-ils ni l'un ni l'autre. Comment le savoir, eux qui jouaient à un jeu sans règles, chacun jouait avec les siennes, ignorant allègrement celles de l'autre. Plus qu'un jeu c'était un duel, un duel dont l'issue victorieuse restait secrète à l'un comme à l'autre. Pas de règles, pas de but, pas de fin, juste un début, et deux joueurs.

La jeune femme passa une main sur la joue de son adversaire, « Tu mens, Alexandre. » fit-t-elle, une première provocation avant de frapper plus fort. « Rien ne t'obligeait à me rejoindre, à descendre de ton piédestal. Et pourtant te voici face à moi. Le loup à la rencontre de l'agneau ; ou peut-être du chasseur... Le fait est que tu t'ennuyais, et que l'espace d'un instant, j'ai présenté un intérêt plus grand que ton observation nocturne de la grande ville. Tu le regrettes déjà, n'est-ce pas... » Elle tentait de le percer à jour, relevant chaque traces de son intérêt envers elle, peut être avait-elle compris qu'elle l'intriguait, mais elle ne semblait pas saisir ce qu'il voulait d'elle. Plus qu'être une simple femme dans son lit, une simple distraction, il voulait la voir devenir celle qu'elle était destinée à devenir, une Victorieuse, l'élue de Theenar. Il voulait qu'elle soit la chasseuse, mais elle semblait garder des allures d'agneau, il n'y eut que cette nuit, ce soir où elle avait riposté dans la rue, et après ça...plus rien. Au fur et à mesure qu'elle avait parlé, Alexandre s'était avancé et elle, elle avait reculé, s'écrasant un peu plus contre le mur, comme si elle pourrait se fondre en lui pour disparaître. « Un chasseur ne recule pas devant le loup petit agneau, il le tue. Tu n'es pas un chasseur, mais tu peux le devenir. » Dernière provocation, dernière main tendue vers son destin, si elle ne la saisissait pas maintenant, il la laisserait tranquille pour ce soir. « Soit, conduis-moi à lui. Je veux voir Thom, mon père. » Il avait tant espéré entendre cette réponse qu'elle lui parut fausse une fois prononcée tout haut, comme si elle n'aurait pas du être dite ici, maintenant. Pourtant elle l'avait dit, elle l'avait accepté, après maintes et maintes défaites, elle lui accordait une victoire, un pas de plus vers l'accomplissement final, mais cette partie ne dépendrait pas de lui, seulement d'elle, et de son père. « Allons-y » dit-il, tendant sa main vers la jeune femme, « Prête à devenir une chasseuse petit agneau ? »

Cela faisait peut être une heure qu'ils étaient à l'intérieur et que lui attendait devant la porte, trépignant d'impatience. Thom, Isabelle, Arianna, le père et les enfants enfin réunis, un mythe devenu réalité. Après toutes ces années, les enfants perdus du Dieu Noir étaient rentrés à la maison. Et ce retour annonçait de grandes choses, Isabelle et Arianna allaient mener leur clan vers l'accomplissement final de leur cause : la victoire ultime sur Vivendale. Depuis qu'il était entré dans les souterrains, Alexandre sentait l'excitation monter en lui, ils y étaient enfin, après toutes années, ils allaient enfin gagner, et ce sera en partie grâce à lui. Lui qui avait surveillé Arianna durant presque deux ans, s'assurant qu'elle ne périsse sous les perversions du Trisal, lui qui avait finalement convaincu Isabelle de leur donner une chance, lui qui venait de réussir, illustre inconnu, là où sa soeur avait échoué. Alexandre avait réussi sa mission. Pourtant, il ne pouvait faire autre chose qu'attendre derrière cette porte. Depuis qu'il les avait laissé entre eux, en famille, il aurait pu repartir, vaquer à une quelconque occupation partout ailleurs, mais il était resté derrière la porte, attendant que l'un d'eux sorte, attendant qu'elle ne sorte. Soudain, la porte s'ouvrit sur une chevelure brune, Arianna, un court instant Alexandre crut que c'était Isabelle. « Tu es encore là ? » - « Oui je... j'attends de voir comment ça se passe. » La jeune femme jeta un regard vers la porte puis haussa les épaules. « Il ne s'est pas encore aventuré sur tout ça » fit-elle en regardant autour d'elle, faisant référence à Theenar et leur communauté, « Mais il va lui en parler maintenant. » Puis, avec un sourire, la fille s'éclipsa comme elle venue, en un clin d'oeil. Elle avait l'air...douce, gentille, comme avant, mais pourtant elle était différente. Il ne savait plus trop qui elle était. Il savait qui elle était avant, mais maintenant.... c'était une autre histoire. Il n'avait pas vraiment eu l'occasion de lui parler depuis son arrivée, mais les avis sur elle n'étaient que positifs. Ses frères disaient que c'était elle, que c'était la bonne soeur mais Alexandre ne s'aventurait pas sur ce terrain, s'il avait appris une chose de l'histoire des Hart c'est qu'il ne faut jamais les sous estimer.

Les minutes filèrent, lentes et ennuyantes, jusqu'à que la porte ne s'ouvrit à nouveau, brutalement. Isabelle s'extirpa de la pièce avant de courir dans le dédale souterrain. Son père, derrière, s'égosilla une ou deux fois à l'appeler en vain avant d'abandonner, laissant sa fille lui filer entre les doigts, encore. Alexandre s'élança à la suite de la jeune femme. « Isabelle ! » Vaine tentative qui n'eut le mérite que d'avoir été tentée, la silhouette filante ne se retourna pas, continuant sa course vers la sortie. Il l'a suivi jusqu'à dehors, réduisant l'écart qui les séparait, ce n'est qu'une fois dans la rue qu'il réussi à la rattraper, lui attrapant le bras il stoppa sa course.  

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Jeu 20 Juil - 0:21


Isabelle R. Hart
Family roots

https://www.youtube.com/watch?v=sElE_BfQ67s

L'apocalypse, la fin d'un monde, le commencement d'un nouveau ; toutes ses certitudes s'étaient effondrées les unes après les autres, dans un chaos silencieux et sans la moindre trace visible. Encore, il eut suffi d'imaginer les doutes et les ténèbres qu'avaient engendrés les récents bouleversements : Il fallait réapprendre ce que c'était de vivre - elle avait cheminé jusqu'ici seule, désormais elle devait accepter ce qu'elle était, ce qu'elle avait toujours été : Isabelle, une soeur, une fille. Et, maintenant, entourée des siens, étreinte par les liens du sang, sa famille, Isabelle se sentait mourir. Jamais, elle n'avait été si seule, décontenancée par les paroles de sa soeur, son amour débordant, sa joie apparente ; mais la prévenance de Thom était le pire, ses regards inquiets - probablement inquisiteurs aussi... - lui collaient à la peau, et le moindre de ses mots étaient un supplice : les morts ne parlent pas, songea-t-elle. La jeune femme étouffait ; ils lui en demandaient tellement : aimer, s'aimer, cela n'était pas dans ses cordes. Et pourtant, comment aurait-elle pu leur dire que c'était trop pour elle, qu'elle ne voulait pas se battre, se démener pour raviver des sentiments  qui s'étaient éteints depuis longtemps ? Il s'agissait d'un mensonge bien lâche, sa peine ne l'avait jamais quittée, elle vivait en son sein, noyant de noirceur son jugement, son affectivité. Peut-être aurait-elle simplement dû leur dire qu'elle n'avait pas demandé pour cette famille, qu'elle n'en voulait pas. Là encore, un mensonge. Mais, si ce n'était pour elle, la Hart se devait d'essayer pour l'être logé au creux de ses entrailles, cette étincelle de vie, de lumière, qui grandissait, s'épanouissait en elle depuis bientôt quelques mois. « Mon secret » comme elle aimait à l'appeler. Ce secret méritait une famille, des personnes en mesure de l'aimer, de le protéger, car elle-même n'en était pas capable. Isabelle n'était pas faite pour être mère, tout ce qu'elle touchait était immanquablement perverti, noirci, aspiré par son propre désespoir, son incapacité à vivre.  Mais, étrangement elle n'avait pu se résoudre à mettre un terme à cette grossesse. Alors le foetus vivait, encore à l'abri pour un temps, imperceptible aux yeux du monde. Lui aussi seul, au moins ils étaient seuls à deux. Cependant, nous le savons tous, le monde est éphémère et ce qui est aujourd'hui, ne saura être demain. A cet instant, Isabelle avait trouvé un semblant d'équilibre entre la mascarade de son existence et la réalité de cet être innocent prêt à vivre. Cette brève accalmie, elle ne la devait qu'à son ventre qui demeurait plat. « Belly, tu es avec nous ? As-tu écouté un traître mot de ce... » avait-il ironisé, il prétendait être soucieux les sourcils légèrement froncés, ou peut-être l'était-il vraiment. Elle ne lui avait pas laissé le temps de finir, implacable, sans pitié comme toujours depuis leurs retrouvailles. Il ne pouvait impunément utiliser ce sobriquet, pas après s'être absenté pendant toutes ces années. « Plus personne ne m'appelle comme ça, tout du moins pas depuis que je bois et découche. » Arianna avait perdu son sourire, lui ne cilla pas. Thom n'abandonnerait pas si facilement, il était de retour et il escomptait reprendre sa place : celle d'un père. Elle s'en voulut aussitôt, non pas à cause de lui, la colère demeurait encore, elle n'était pas prête à pardonner aussi aisément ; mais plutôt parce qu'elle avait promis à Aria d'essayer, et que ses piques vengeresses la blessait plus que tout autre. « Je, hmm... nous pourrions simplement continuer à avancer, sans parler... Juste cheminer. » Sa soeur s'apprêtait à protester - c'était son droit légitime - mais leur père la réduisit au silence d'un simple regard. La belle brune acquiesça et revêtit son sourire habituel. La soudaine soumission de sa cadette affola Isabelle, mais déjà le revenant manoeuvrait pour se retrouver seule avec elle : « Chère Arianna, ce sera tout pour aujourd'hui, tes frères t'attendent et je dois m'entretenir seul à seul avec Isabelle. » Elle retint un rire moqueur à l'évocation des "frères" face à la gravité de l'intéressée. A la place de quoi, elle était désormais prise au piège avec son paternel. L'apocalypse, disions-nous ? Ô quelle douce perspective... Elle s'avança la première dans le long dédale de pierres, désireuse de ne pas reprendre la conversation. Thom respecta sa requête, et ils marchèrent un temps silencieux ; lui à sa suite, son regard appuyant chacun de ses mouvements, cherchant à lire dans ses pensées. Il pouvait toujours s'y essayer ! Finalement, ils arrivèrent au niveau d'une alcôve et d'une porte, et machinalement elle poussa les battants de cette dernière. La Nighean Donn* pénétra les lieux : la pièce était froide et l'air environnant humide. Il faisait noir, et derrière elle Thom éveilla une flamme. Des arabesques dansèrent sur les murs, brunes, rouges, ocres ; mémoires des temps passés. Les symboles s'entremêlaient du sol au plafond, en motifs réguliers: de splendides runes, au sens inconnu. Isabelle dessina maladroitement du bout des doigts l'une des courbes. Sous sa peau, la pierre était moite et ductile. Elle frissonna légèrement, agitée par une sensation trouble. « Je savais que cela te plairait. Tu adorais cet endroit, enfant, avant que je ne... Tu sais, avant que je simule ma mort. C'est ce que tu me reproches n'est-ce pas ? » Il s'approcha hésitant, étendit son bras pour l'enlacer. Isabelle sourcilla, prête à prendre la fuite, comme attaquée. Thom laissa retomber son bras mollement, l'air résigné, et las aussi. « C'est bien cela. Tu n'es pas en colère parce que je suis parti : tu me hais pour t'avoir laissée entre leurs mains, le coeur brisé, désemparée et sans défense. Seule. » Ses mains tremblaient de fureur, elle n'était qu'une enfant blessée, le coeur à vif, et lui l'adulte vile jouant de ce savoir. En partant, il avait décidé que sa vie valait plus que la sienne. Il l'avait condamnée. Ses pupilles se glacèrent, il était l'unique auteur de ses déconvenues. Son bourreau. « Tu n'as pas le droit, tu n'as aucun droit, espèce de salaud ! » Et à ce moment précis, tout changea. Thom fondit sur elle brutalement, ses veines saillaient à ses tempes. Il la plaqua contre le mur, et le choc résonna jusque dans ses reins. Ses doigts la maintenaient fermement sur la paroi, exerçant une pression féroce, meurtrissant sa chair. Isabelle grimaça de douleur et tenta en vain d'échapper à sa poigne : il était redoutable. Rouge, il hurlait à présent : « Tu as tort Isabelle Hart, j'ai tous les droits ! Je t'ai faite et je peux te défaire tout aussi aisément. C'est par mon départ que tu es devenue cette femme forte, influente, actrice de la Cité ; par mon nom. Sans moi, tu ne serais rien. J'ai fait de toi un être extraordinaire, et par tes plaintes constantes tu n'aspires qu'à être médiocre. » Isabelle avait disparu derrière un masque de neutralité, il s'agissait de son dernier recours face à la vague submergeante d'émotions. De souffrance surtout. Il lui sembla être un pantin désarticulé, sans la moindre volonté, lorsqu'il l'attira contre son torse et referma ses bras sur elle dans une étreinte conciliante.  « Ton mépris ne m'effraie pas, je suis ton père. Je ne repartirai pas, je sais que ces mots ne sont pas suffisants, que la crainte est durablement inscrite en toi. Mais, le fait est que je suis ta famille. » Ses beaux yeux noirs demeuraient secs, nulle trace de larmes. Il avait raison, elle ne le croyait pas, il n'était qu'un imposteur... Isabelle aurait voulu le croire, c'était simplement trop difficile. Au demeurant, il avait raison sur un point : il était sa famille, et on ne se débarrasse pas aussi facilement de l'histoire de son sang. Alors, elle se résolut à faire un pas en avant : « Je suis prête à t'entendre, j'ai seulement besoin de connaître la vérité. Pourquoi es-tu revenu ? » Adaequatio rei et intellectus. Elle s'était exprimée sans la moindre animosité ; il en prit note et la relâcha. A la place, il enferma sa main gauche entre les siennes, dans un geste résolument plus doux. « Je suis ici car j'ai besoin de ma famille, de mes filles. » Elle arqua un sourcil, intriguée, et fronça le nez. « Ces spirales sculptées dans la pierre ont un sens particulier : il s'agit d'un arbre généalogique. Notre arbre, nos racines, nous les enfants Victorieux de Thenaar. Et toi aussi, tu pourrais un jour rejoindre cette fresque, en tant que successeur. » Un rire moqueur roula dans sa gorge, ou peut-être était-ce l'expression d'une certaine stupeur. Isabelle ne saisissait pas la facilité avec laquelle son père et sa soeur avait renoué, si rapidement. Pour elle, l'exercice était plus ardu, pas seulement parce qu'il avait disparu de sa vie bien des années avant de faire de même avec Arianna ; mais plutôt parce qu'il était à ses yeux mort et enterré. Elle était finalement parvenue à faire son deuil et il était revenu : sa résurrection soudaine, loin d'être un soulagement, était davantage un fardeau. Ainsi, elle était encore loin de s'imaginer en héritière de sa dynastie, encore plus loin de l'accepter. Mais, Thom Hart ne broncha pas face à cette énième provocation, comme sa fille il avait retrouvé son masque d'impassibilité. « Attends... Je ne suis jamais descendue dans les souterrains de Vivendale, il y a encore quelques heures je n'avais même pas connaissance de ce lieu. Et qui est Thenaar ? Et tu parles d'enfants victorieux, cela sonne juste comme un délire paranoïaque ! Et... qui sont tous ces hommes qui t'entourent ? Alexan.. cet homme qui me suit, c'est un Ombrageux ? » l'interrogea-t-elle en un souffle. La montagne de questions éveilla une lueur satisfaite dans les yeux de Thom ; il l'avait saisie en vol, comme lorsqu'elle était enfant, la curiosité avait toujours raison de sa chère Belly.  « Ainsi, tu ne te souviens pas de mes histoires. » Cela n'était pas étonnant, elle était si jeune à l'époque, c'était simplement décevant, songea-t-il. « Thenaar est le Dieu Noir, l'Être suprême, le seul qui importe vraiment. » Le visage d'Isabelle se figea, sa bouche se tordit de mépris et de dégoût. Tout commençait à prendre sens : son père était fou, aliéné à une croyance, et ses hommes n'étaient autre que des fidèles.  « Je ne crois pas aux Dieux » considéra-t-elle avec dogme. « Je le sais bien, tu n'as jamais su regarder le monde avec les bons yeux. » Les histoires devaient rester fiction pour la Hart, sa raison était plus forte que tout. A tort. Un évènement interrogeait toutefois son aîné, le laissant perplexe : la jeune femme s'était alignée à la descendante d'Elia, Katharina. Et, loin de se soumettre à la régente ou de l'aimer, Isabelle la respectait - allant jusqu'à rechercher sa compagnie. Cette dernière observation agaçait particulièrement le Victorieux, pourquoi refuser de croire en son dieu et tolérer le culte d'une fausse déesse ? Sa reine était une usurpatrice, une farce, l'illustration du déclin des hommes et de leurs faiblesses. La Cité devait être purgée et réinvesti par son leader légitime : lui. Mais, Thom Hart avait besoin de ses filles pour atteindre le trône ; elles lui étaient indispensables. Et le temps pressait : l'union nouvelle de l'Ombrageux William Thawerson et de la Noble Serena Scots marquait le début de la Grande Prophétie. Dès lors, il fallait à tout prix que ses filles complètent leur initiation - ce qui s'annonçait plus difficile, si ce n'est périlleux, avec Isabelle. « Au commencement... » Elle l'interrompit ad nutum :   « Sérieusement ? Pourrait-on éviter la genèse ? Les énoncés religieux et autres testaments m'ennuient... Au même titre que les balivernes... » Oh, s'il n'avait pas tant eu besoin d'elle... et le temps continuait de lui manquer. Elle bailla honteusement, mais il poursuivit avec ferveur. « Au commencement étaient Aryn, Malsa, Thol. Et Thenaar. Les quatre dieux suprêmes aussi puissants que terribles. Ensemble, ils régnaient pacifiquement sur notre monde. Toutefois, jours et nuits se faisaient longs pour ces êtres oisifs. Ainsi, Thenaar créa des êtres à son image pour peupler la Terre, des créatures qu'il chérissait par dessus tout, et auquel il vouait son temps : ses Vainqueurs. Mais, les trois autres divinités souillèrent sa volonté en donnant vie aux Perdants : des êtres viles, faibles, manipulables, à leur service. Et afin d'échapper aux représailles du Dieu Noir, ils l'emprisonnèrent sous terre, précisément ici à Vivendale. » Il s'agenouilla et apposa une main au sol, les yeux clos, communiant avec les entrailles du monde. Dément ou pieux ? Isabelle étouffait, qu'était-il advenu de son père ? En avait-il toujours été ainsi ? La figure paternelle, sa réalité, tout en lui la dégoûtait, elle était dans l'incompréhension totale de l'homme face à elle. Et pourtant. Thom était son père, elle était sa fille, liés à jamais par le sang : il l'avait abandonnée, elle l'avait pleuré. Il avait survécu, et elle avait dépéri pendant tout ce temps. Il l'aimait - encore, toujours, infailliblement - et elle n'avait cessé d'espérer en l'amour. Il était ses racines, elle avait besoin de lui. Il la fortifierait, la nourrirait. Finalement, les années perdues n'étaient rien comparées à l'infini de celles à venir. Isabelle se résigna : il lui fallait reconnaître cet homme, tout apprendre de lui, afin de renouer. Et alors, plus rien ne pourrait les séparer. Elle serait invincible, son enfant à naître ne risquerait plus rien. « A présent, viens Isabelle. Il me faut t'emmener dans un dernier lieu, et je te promets ensuite de répondre à ta requête. Je te dirai tout ce que tu es prête à entendre, tu sauras tout de moi, de l'existence que j'ai mené. Mais, je t'en prie, viens... » Et tout aussi mystique, il regagna la pénombre des couloirs, soufflant les flammes de la bougie sur son passage. Isabelle s'engagea à sa suite dans les dédales de pierres, mais déjà il avait disparu. Seule restait son imprécation viens ! Alors elle s'élança, se mit à courir, suivant du mieux qu'elle pouvait le murmure de ses pas au loin. Le dos voûté pour ne pas s'assommer contre les plafonds, elle s'en remettait à ses mains, se guidait grâce à ses doigts sur la roche. De l'eau s'écoulait par endroit sur cette dernière, il semblait presque que la pierre pleurait. Elle manqua trébucher quand le corridor s'affaissa : il laissa place à une volée de marches glissantes et boueuses. La noblionne jura, les bruits de pas avaient cessé, elle n'avait d'autre choix que d'avancer aveuglément. Alors prudemment, elle poursuivit, descendant les marches une à une, s'enfonçant toujours plus dans le ventre de la terre. La descente escarpée lui parut durer une éternité ; finalement, l'escalier n'était pas infini et elle cessa de s'enfoncer dans les tréfonds inconnus de la Cité. Au bout du passage, les lueurs d'un feu dansaient à travers l'entrebâillement de deux portes, les ombres aussi valsaient. La voix rauque de Thom Hart s'éleva à nouveau, lointaine : « Isabelle...? » Parfois l'on devine avant même de savoir, et malgré cela on choisit d'ignorer son instinct et de poursuivre, c'est précisément ce qu'Isabelle fit. { Bien souvent, l'homme monte de son plein gré sur l'échafaud. } L'air s'était épaissi, plus lourd, et mélangé à des vapeurs, l'on peinait à respirer. Une odeur âcre et puissante vint chatouiller les narines de la jeune femme, elle retint avec peine un haut-le-coeur. Sa langue venait de goûter l'atmosphère ambiant, il lui en restait un goût métallique écoeurant. L'opulence des odeurs fétides et la température l'entêtèrent ; malgré cela, elle continua d'avancer. Son ventre gronda en un dernier avertissement, mais elle ignora ce dernier et s'aventura dans l'ouverture des portes. Les effluves étaient davantage prononcées, et instinctivement elle se couvrit le nez et la bouche d'une main. Elle avança d'un pas encore, se glissa dans la salle. Thom lui tournait le dos - emmitouflé dans une cape en mailles brunes -  il s'affairait à déverser le contenu d'une jarre dans un bassin aux eaux troubles. « Qu'est-ce que cet endroit ? Bon sang, l'odeur est épouvantable... » Enfin, à travers son lapsus la vérité s'imposa à la jeune femme : l'eau était rouge, ce n'était d'ailleurs pas de l'eau. Et alors, son rêve et les coquelicots lui revinrent à l'esprit, la marre de sang aussi. Elle plaqua aussitôt ses mains sur sa bouche, mais aucun cri ne fusa. Le temps s'était arrêté, et l'acte de pensée était devenu un effort trop grand. Glacée, elle ne parvenait à saisir le flot d'informations et d'images captées par son cerveau. La scène était irréelle, impossible. Finalement, une décharge d'adrénaline déchira son corps paralysé et une pensée se forma : fuir. Isabelle prit ses jambes à son cou et gagna au plus vite les marches prédatrices. Elle grimpa pliée en deux, elle glissait et devait se hisser à l'aide de ses bras. La boue venait souiller ses manches et ses bas. Lorsqu'elle atteignit le sommet de l'escalier, elle s'élança au hasard dans une branche du corridor. Elle n'avait pas nécessité de se retourner pour se savoir poursuivie. La jeune femme reconnut l'entrée de la salle aux arabesques, elle redoubla d'efforts et accéléra. En quelques foulées, elle traversa la pièce chargée de l'histoire familiale et se jeta sur les portes. Ces dernières cédèrent sous l'impulsion et la furie s'en extirpa avec rage. Aussitôt, une voix familière l'implora « Isabelle ! ». Ce fut inutile, seul importait à présent de mettre le plus de distance possible entre elle et ce lieu morbide. Elle était assourdie par sa course et par le flux sanguin qui battait furieusement à ses tempes, l'étourdissant. La sortie se dessina au loin, illuminée par le soleil irradiant de Vivendale ; seulement une centaine de mètres la séparait encore de la bouche d'égoût. La fugueuse bondit et rejoignit l'orifice en quelques secondes ; elle se hissa à travers l'ouverture métallique, regagnant la surface du globe. Dans un premier temps, la lumière l'aveugla. Elle plissa les yeux jusqu'à discerner de nouveau les paysages environnants, les rues étaient désertes au petit matin ; il lui fallait retourner au Nord au plus vite, là-bas elle aviserait. Soudain, des bras s'enroulèrent autour de sa taille et la tirèrent en arrière, elle gesticula comme une diablesse, mais immédiatement un souffle caressant vint effleurer son cou : « Du calme, tu vas nous faire repérer. » Elle cessa sous peu de se débattre ; la jeune femme était essoufflée, elle avait retenu son souffle durant sa course. « Du calme. » Il relâcha la pression de ses bras protecteurs, des muscles puissants étaient sur ses bras délicats, cette pensée volée à Sénèque traversa son esprit, faisant rosir son visage d'une blancheur inquiétante. Vif, Alexandre l'attira à sa suite dans l'interstice de deux ruelles : au même instant, un groupe d'hommes foula les pavés où ils se tenaient quelques secondes plus tôt. Nul doute qu'ils étaient à ses trousses. Aux aguets, ils attendirent que les bruits de pas cessent. Enfin, le jeune homme la libéra de son étreinte et s'avança pour lui faire face. « Isabelle, parle-moi.  » Il était penché sur elle, son visage à seulement quelques centimètres du sien ; dans ses yeux transparaissaient l'inquiétude, ou tout du moins c'est ce qu'Isabelle crut percevoir. C'est alors que les effets de l'adrénaline retombèrent, la laissant seule et sans aucun refuge face à ce qu'elle venait de vivre. Ses grands yeux noirs s'agrandirent davantage sous l'effet de l'effroi. « Oh mon dieu... ! » Et tout aussi soudainement, l'invocation divine généra une crise d'hilarité. Des larmes hystériques roulèrent sur ses joues, sa vie n'était qu'une foutue farce ! Un instant, elle se sentait prête à avoir une famille, et le suivant, elle découvrait que son monde n'était - et n'avait toujours été - que folie et foutaises. N'y avait-t-il pas de quoi se tordre de rire ? Visiblement, telle était la position de son interlocuteur, qui se tenait au-dessus d'elle l'air grave. Il n'appréciait pas la plaisanterie, elle non plus d'ailleurs. La lady Hart ressentit tout le poids de son ridicule et cessa de rire. Elle chassa avec dédain les larmes au coin de ses yeux. Pourquoi fallait-il toujours que tout soit si tragique ? Peut-être était-ce elle qui en faisait trop, qui sur-jouait les drames de son existence. Quelle importance avait une marre de sang, celui de centaines d'êtres innocents, et la dévotion de son père au Dieu Noir ? Il n'était pas parfait, elle non plus. Peut-être que cela ne comptait pas après tout... Les Trois étaient abominables, monstrueux, Katharina aussi était une meurtrière, son père n'était ni meilleur ni pire. Seulement, c'était son père. Isabelle avait terriblement conscience de la dangerosité de son raisonnement, mais elle était fatiguée, vraiment fatiguée de se démener dans la Cité du vice, épuisée d'être toujours si seule. Elle voulait une famille, des amis, un amant. Si le bonheur lui était refusé, au moins, elle souhaitait jouir des plaisirs simples. « Ils vont venir pour moi, n'est-ce pas ? » l'interrogea-t-elle, plongeant dans ses iris saisissantes, intenses. Il ne répondit pas, Alexandre se contenta simplement de soutenir son regard. Il n'y avait rien à dire. Le déroulé des événements à venir était clair, évident. Thom était son chef, il lui obéissait, et Isabelle était ce que Thom voulait plus que tout. C'était étrange cette similitude de caractère avec Jason, cette convoitise malsaine, cette parenté écrasante, dominante... Pendant tout ce temps, ils n'avaient pas bougé, ils étaient restés tapis dans l'ombre de leur cachette. A l'abri, pour un temps. Isabelle commençait seulement à comprendre : le dessein de son père était immense, et s'il échouait ils entraîneraient tous ses pairs à sa suite, Alexandre y compris. Un beau gâchis que cette funeste perspective. Pourquoi un parfait inconnu était aussi dévoué à son père alors qu'elle-même était incapable de lui faire confiance ? A la manière d'un chaton, elle vint se blottir contre la poitrine musclée du colosse ; il tressaillit mais ne recula pas. Elle était le vilain petit canard, une paria, et pourtant elle était si désirable. Les hommes succombaient, tous avaient conscience de son poison mais se laissaient délicieusement prendre dans ses filets, car rien n'égalait les voluptés de la Hart. Elle brillait dans sa souffrance, se sublimait par ses vices. Forte, Isabelle était jolie, affaiblie, elle était belle, fatalement belle. Quant à Alexandre, il se dégageait de lui une force constante, un équilibre durable, un ensemble terriblement séduisant. Elle enfouit son nez dans ses vêtements, respirant délicieusement son odeur masculine, des effluves boisées, lointaines. La belle brune repensa à la nuit de leur rencontre, à la manière dont elle l'avait confrontée, au coup de poing qu'elle lui avait assené - à cette dernière pensée, elle ne put s'empêcher de sourire, un sourire doux, apaisé. A son contact les muscles du bel homme se tendaient, vibraient sous ses mains ; elle percevait les battements réguliers et lents de son coeur, une mélodie par laquelle elle était prête à se laisser bercer. Ce qui n'était pas son cas, il se racla la gorge et se dégagea furtif. Fuyant ? Le devoir avant tout, ironisa-t-elle, et elle se résigna après un long soupir. « Tu sais déjà ce qu'il s'est passé au fond... tout était si prévisible... » Elle recula à son tour, et ramena ses bras contre sa poitrine dans une vaine tentative de pudeur. « Il n'y a rien d'étonnant d'ailleurs, tu savais depuis le début ce qu'il adviendrait. Que pouvait-on bien attendre d'une "catin", d'une vulgaire "prostituée" ? Car non, vois-tu, je ne comprends pas cette mascarade, cet enfer auquel je viens d'assister ! Bordel, mais quel genre de croyants êtes-vous ?! » Les paroles passées étaient toujours ancrées dans sa mémoire, c'est ainsi qu'elle lui était apparue dès le premier soir : pitoyable. Comme tant d'autres, il n'avait vu en elle que l'enfant capricieuse. Si seulement, il avait choisi d'être emphatique, d'être le premier à creuser en profondeur. Mais il n'en avait rien fait, et elle n'avait de cesse de s'humilier dans leurs échanges. C'était le lot quotidien de sa solitude : sa maladresse constante, son inadaptation. Aux côtés des hommes, Isabelle ne s'épanouissait que dans le sexe, pour le reste ils n'étaient pas en mesure de la comprendre, encore moins de la satisfaire. Elle aurait voulu être différente, plus forte et indépendante, stable et ouverte au bonheur ; tout du moins avait-elle essayé...Elle aurait voulu être comme Arianna : franche, légère, souriante. Aimée et aimante. Aria était rationnelle, personne ne lui dictait sa conduite ; alors, pourquoi avait-elle suivi leur père dans cette sombre secte ? Si, Isabelle ne comprenait pas ses motifs, elle savait pertinemment qu'en restant en arrière, elle la perdrait à son tour. Alors, elle fit un pas en avant, décidée à sortir de l'ombre. « Je sais que je dois y retourner, je ne suis simplement pas prête pour l'instant... Tout cela est nouveau, je dois seulement apprendre.. » Elle releva la tête saisissant le regard ténébreux de son gardien, et se jeta à l'eau. « Alexandre, embrasse-moi. » Isabelle était prête à débuter son apprentissage.
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Alessandra de Marbrand
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Mer 9 Aoû - 23:33





ALEXANDRE
— unreasonable reason —

Assis à même le sol, les avant-bras appuyés sur ses genoux, le garçon attendait. Attendre, il avait fait cela toute sa vie, attendre de grandir, attendre de devenir un homme, attendre, attendre, attendre quoi ? On lui avait promis que les choses viendraient avec le temps, qui lui suffirait d'être grand pour devenir quelqu'un, mais ils avaient mentit, tous ces gens. Attendre ne lui avait rien donné, ne lui avait rien apporté. La foi, c'est ce qui lui avait tout donné, c'est ce qui avait transformé Alexandre le petit orphelin des rues sales de Vivendale en l'homme qu'il était aujourd'hui. Il n'était ni ser ni lord, il n'avait pas plus d'argent qu'il n'avait de titre, il n'avait rien, en fait, il n'existait même pas, pourtant il se sentait fier de ce rien. Car ici, dans les souterrains de cette cité bénite, rien signifiait tout. Ce qui n'était rien en haut, pouvait devenir ce qu'il voulait. S'il le voulait, Alexandre pourrait devenir ser, le Maître avait promit de le nommer chevalier une fois Vivendale conquise. Parfois, le garçon aimait s'imaginer ce que serait leur vie, une fois la Grande Guerre achevée, quand ils régneraient enfin. Il se voyait accepter l'offre du Maître, devenir chevalier. Mais il n'avait pas de nom, les orphelins n'en avait pas, du moins pas dans le Nord, il avait entendu dire que chez les étrangers, les orphelins prenaient le nom de l'orphelinat où ils grandissaient. Il n'aimait pas cette idée. Il pourrait s'en créer un, ou simplement se choisir un sobriquet, Alexandre le Grand, Alexandre le Fidèle, peu importait. L'important n'était pas la trace qu'il laisserait dans ce monde, mais celle qu'ils laisseraient, eux, les Victorieux. L'idée que ce futur qu'il s'était toujours imaginé si lointain soit aujourd'hui si proche le déroutait. La prophétie qui annonçait leur victoire, autrefois vieux murmure qu'on évoquait de temps à autre était aujourd'hui dans toutes les bouches. Tous ces éléments, toutes ces choses qui devaient se passer avant la Grande Guerre se déroulaient, là, maintenant. Ce qui n'étaient que spéculation devenait réalité. Ils allaient conquérir Vivendale cette année. Ils en étaient certains, l'attente était finie. Enfin !

Mais ils ne pourraient rien conquérir sans Isabelle, la prophétie nécessitait les deux filles du Maître, Isabelle et Arianna. Si la tâche s'était avérée facile avec la plus jeune, Arianna, qui ne montra qu'une brève résistance malgré l'athéisme que lui avait inculqué son père, ce n'était pas le cas d'Isabelle, bien au contraire. Cette dernière, élevée bien différemment, se refusait déjà d'accepter le retour de son paternel dans sa vie, Theenar n'était peut être même pas encore entré dans leurs conversations. Pourtant, et bien que tous pariaient le contraire, Alexandre était persuadé que c'était Isabelle qui les guiderait, et pas Arianna. Isabelle était plus forte, plus....victorieuse. Plus Theenar. Il ne savait pas encore pourquoi mais il avait se sentiment que la jeune femme allait tous les surprendre et... La fille ouvrit la porte et s'enfuit en courant, ignorant les appels de son père ou d'Alexandre. Le jeune homme la suivit dans le dédale sombre, dans l'espoir de la rattraper. Il n'y parvint qu'une fois dehors, dans les rues de Vivendale, la vraie Vivendale, pas la sombre copie souterraine qui leur servait de maison. Il l'a retint par la taille malgré ses débattements. « Du calme, tu vas nous faire repérer. Du calme. » implora-t-il. A sa grande surprise, la fille obéit et cessa peu à peu de se débattre. Avec hésitation, il relâcha peu à peu sa prise, il avait l'impression que, dès qu'il l'a lâcherait, elle fuirait de plus belle, mais il savait que, en la gardant prisonnière, il n'obtiendrait que sa furie. Derrière eux, les bottes de ses frères claquèrent sur le sol, le Maître avait dû les envoyer pour la récupérer. Il ne comprend pas pesta-t-il, ce n'est pas comme ça qu'il faut faire. La forcer ne servirait à rien, il fallait lui faire croire, lui faire "voir le monde avec les bons yeux" comme aimait dire la soeur Rohanne de l'orphelinat. Cette dernière, toute sa vie, avait été fausse dans la vision des dieux, elle qui avait cru au Trisal, les mauvais yeux, mais elle avait eu le mérite d'être bonne dans ses maximes. Sans réfléchir, Alexandre la tira entre deux ruelles, à l'abri du regard de ses pairs. Qu'allait-il faire ensuite ? En l'aidant à échapper aux siens, il les trahissait, en quelque sorte, pourtant il avait l'impression d'agir dans le sens de leur Cause. Ce n'est qu'une fois les bruits de pas lointains que le jeune se détendit, lâchant la jeune femme, il recula d'un pas. « Isabelle, parle-moi. » La fille avait l'allure d'un fantôme, visage blafard et regard perdu, ou bien avait-elle vu un fantôme. Non, seulement le sang de fantômes. pensa-t-il. La Grande Salle était, sûrement très perturbante, il en était conscient. Lui même avait dû être choqué de voir une telle chose, bien qu'il n'en avait aucun souvenir. « Oh mon dieu...! » jura la jeune femme avant d'éclater de rire et de larmes. Le jeune homme la fixa, l'air dérouté, parfois, cette fille s'avérait peut être trop pleine de surprises. « Ils vont venir pour moi, n'est-ce pas ? » demanda-t-elle. Il ne répondit rien. Il n'y a rien à dire, pensa-t-il, c'est évident non ?

Que pouvait-il bien dire ? Oui, et si ce n'est pas le cas je vais te ramener moi même là bas. Il n'avait pas besoin de le dire, Isabelle le savait, son protecteur de l'instant serait son némésis de demain si le jeu tardait trop. Lui même ne savait pas trop pourquoi il ne la rendait pas tout de suite. Il n'était pas à elle. Elle était la fille du Maître ! Il n'aurait pas dû la suivre, ou la rattraper, ni même rester ici avec elle. Pourtant, cela lui paraissait juste en cet instant. Peut être était-ce parce qu'il voulait la protéger, il l'avait promit après tout. Soudain, la jeune femme se blottit contre lui, enfouissant son visage contre sa chemise. Dans un premier temps, le jeune homme se raidit, surpris par ce geste, les mains relevées, il hésita à les passer dans le dos de la jeune femme, de l'étreindre. Ses mains brûlaient de se refermer sur la fille, de la serrer contre lui. Elle n'est pas tienne se rappela-t-il. Il se racla la gorge, ne sachant trop quoi faire de mieux. Il n'osait pas se défaire de lui même de cette étreinte, peut être parce qu'elle ne lui était pas désagréable, ou bien voulait-il ne pas offenser la belle, ou peut-être les deux. Isabelle se retira doucement. « Tu sais déjà ce qu'il s'est passé au fond... tout était si prévisible. » Le jeune homme hocha la tête. « Plutôt oui. » Presque tout le fut, jusqu'à qu'ils ne finissent ici, là, tout fut imprévisible. « Il n'y a rien d'étonnant d'ailleurs, tu savais depuis le début ce qu'il adviendrait. Que pouvait-on bien attendre d'une "catin", d'une vulgaire "prostituée" ? Car non, vois-tu, je ne comprends pas cette mascarade, cet enfer auquel je viens d'assister ! Bordel, mais quel genre de croyants êtes-vous ?! » Le jeune homme se mordit la lèvre, regrettant les mots qu'il eût employé avec elle dans le passé. Regrettant de ne pas avoir les bons mots maintenant, pour lui expliquer, pour lui dire quel genre de croyants ils étaient. Ceux qui vivaient pour leur foi, ceux qui vivaient selon leur dieu, ceux qui se battaient pour lui. « Les bons croyants » murmura-t-il d'une voix à peine audible. La jeune femme s'avança d'un pas, résignée. « Je sais que je dois y retourner, je ne suis simplement pas prête pour l'instant... Tout cela est nouveau, je dois seulement apprendre. » Et lui pourrait l'aider, il pourrait lui apprendre. Il pourrait... « Alexandre, embrasse-moi » Elle n'est pas tienne répéta-t-il. Le jeune homme pencha la tête sur le côté, « Isabelle... » Elle était la fille du Maître, elle était l'une des pièces maîtresses de la prophétie, elle était...terriblement désirable. Il ne devait pas. Mais il voulait. Ses lèvres trouvèrent les siennes, ses mains passèrent dans son dos, comme il aurait dû faire plus tôt, lors de cette brève étreinte, de cette petite étincelle qui allumât un brasier ardent. Elle n'était pas sienne, sauf en cet instant.

***

Les mains derrière la tête, Alexandre fixait le plafond. Il commençait à s'habituer à cette présence dans son lit, la présence d'une femme. Trop peut être. Il n'aimait plus être seul. Les draps froids et vides à côté de lui le narguaient. Et quand elle était là, il sentait son coeur se serrer, prit en étau entre ses désirs et ses obligations. Pour l'instant, il aimait se dire qu'ils ne faisaient aucun mal. Mais il savait que, une fois au courant de leur liaison, Thom risquerait de lui en vouloir, pourtant il ne pouvait se résoudre d'y mettre fin. Un délicieux ultimatum, le coeur ou la raison. Il voulait les deux. Aimer et servir. Et il avait les deux, pour l'instant. Fixant le plafond, Alexandre aimait s'imaginer qu'ils pouvaient rester ainsi, figés dans cet entre-deux aux allures divines. « Vificatos sanguis » Il ferma les yeux. Ô cruelle réalité, déjà es tu là. Le jeune homme se tourna, s'appuyant sur un coude, sa tête reposant sur son poing, pour faire face à la jeune femme. « Vivificatos sanguis » corrigea-t-il. Puis, il prit sa main et, de son index, traça une ligne imaginaire dans sa paume. La jeune femme se laissa faire, observant la ligne invisible, bientôt ligne de sang, dans le creux de sa main. « Par les flammes, ton sang sera purgé de ses faiblesses, et remplit par la force. » Il leva les yeux vers le visage de la jeune femme. Il voulait cueillir ses lèvres à nouveau, comme dans la ruelle ce premier soir, plusieurs jours auparavant. « Et puis... » - « Tu t’agenouilleras et du sang de nos ennemis, tu seras baptisés. » Il ferma la paume de la fille entre ses mains. « Et puis tu redonneras ce sang. » Elle baissa les yeux. C'était l'aspect délicat de l'initiation. Thom lui avait confié plus tôt qu'il avait caché la dernière partie du rituel à ses filles. Alexandre n'avait pas réussi à mentir à Isabelle, mais il ne lui avait pas dit non plus, il restait évasif à ce sujet, dire sans dire. Il espérait qu'elle avait comprit, et que le fait qu'elle soit encore là était un signe, qu'elle acceptait sa destinée, peu importe le prix du sang. « Tu as peur ? » demanda-t-il. Isabelle ne répondit pas. « Tu n'as pas à t'inquiéter, je serais là tout à l'heure dans la salle, je serais avec toi d'accord ? »

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Linelleray
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Jeu 4 Jan - 23:06


Isabelle
mad about you

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L'ivresse du désir, la perdition du plaisir, l'exaltation des corps qui s'effleurent, s'accrochent et se quittent pour mieux se fondre. Il l'assouvit de son rythme effréné, saccadé, meurtrit toujours plus ce corps concupiscent avide de tout. Résister ou abandonner ? La chair est traître, elle veut plus, elle souhaite moins, désire tout à la fois ; et cet homme successivement amant et bourreau, tour à tour doucereux puis expiateur, ne l'épargnait en rien. S'il ne pouvait soumettre cet esprit rebelle, il pouvait tout au plus, tout au moins, posséder son enveloppe charnelle, se l'accaparer. Et dans une plainte aigue, Isabelle s'enfonça dans la volupté, s'y noya, exaltée comme le Duc de Clarence dans son tonneau de malvoisie*. Son sang enflammé l'irradiait, elle brûlait d'amour, se collait furieusement à la peau de son partenaire. La fièvre avait pris le dessus sur ces deux insensés, étourdis par un appétit vorace, esclaves de leurs pulsions. Il la déchira dans un dernier à-coup et en enfant apaisé se réfugia entre ses deux seins, une main enfouie dans ses courbes moelleuses. Isabelle apposa ses paumes tièdes sur les joues creuses du beau brun, la sueur perlait sur ces corps amourachés. Elle caressa délicatement le duvet de sa nuque, puis remonta à sa barbe dense avec la seule envie de s'y frotter encore et encore. Il la dévorait du regard, chaque jour un peu plus affamé, et elle n'imaginait plus se séparer de ses bras consolateurs. Ses yeux noirs reflétaient une toute autre vérité sur le monde : il était le guerrier, le croyant, le fidèle. Un homme de parole ; elle se laissait happer toute entière par ses promesses, prête à être croquée sans jamais en éprouver la moindre crainte. Il y avait entre eux un lien mystique, une exaltation salvatrice ou méphitique. Il était la réponse à une interrogation encore secrète ; la solution ou bien l'élément dévastateur... Isabelle goûta délicieusement ses lèvres une dernière fois, avant de quitter leur couche et d'enfiler un déshabillé satiné. Dangereuse épouse des ténèbres... Alexandre avait roulé sur le dos, les mains jointes derrière l'occiput. « Vificatos sanguis » Il se releva, le halo des cierges dans l'obscurité dansa sur sa peau nue. En un bond félin, il était derrière elle, une main sur sa hanche et l'autre dessinant une ligne dans le creux de sa paume. « Vivificatos sanguis, la corrigea-t-il. Par les flammes ton sang sera purgé de ses faiblesses, et remplit par la force. » Le souffle chaud de son précepteur taquina les mèches de sa nuque, elle frissonna électrisée. Il y avait dans son latin mille intonations célestes qui l'assoiffaient. Isabelle s'enflammait pour le savoir, la connaissance, et ses possesseurs. Toujours. Ils en étaient les preuves tangibles : l'homme de lettres et l'homme de sciences, l'ange et le démon. Il l'embrassa dans la nuque, soucieux. La sombre enchanteresse se retourna et, dressée sur la pointe des pieds, passa les bras autour de son cou. « Et puis... » reprit-elle.  « Tu t’agenouilleras et du sang de nos ennemis, tu seras baptisée. » Il se défit fermement de son étreinte et enferma l'une de ses mains entre les siennes. Son ton était grave. « Et puis tu redonneras ce sang. » Isabelle baissa les yeux, et retira furtivement sa main. Elle se détourna et noua les bras autour de sa poitrine, elle n'avait pas envie de faire face à la vérité éclatante du regard transit d'Alexandre. Elle l'avait pourtant questionné, chaque fois il avait esquivé. De quoi avait-il le plus peur ? se demandait-elle, alors qu'il retrouvait un semblant de paix, endormi, son torse musclé se soulevant au doux rythme de sa respiration. Au demeurant, une part de son esprit semblait avoir compris, mais elle préférait l'occulter. Le plus important restait la sûreté de l'enfant, peu importait le tribut qu'il faudrait payer à cette seule fin. Son soupirant la fixait intensément, prêt à pourvoir à la moindre faiblesse. D'une certaine manière, cela l'agaçait ; tel un oiseau à l'aile abîmée, elle était prisonnière des terres, mais rêvait encore aux hauteurs du ciel : elle exécrait son soigneur. Qu'il était difficile de retenir les coups de bec... « Tu as peur ? » Elle ne répondit pas, que répondre à cela... , elle avait constamment peur. Il se rapprocha avec prudence, et elle ne recula pas. « Tu n'as pas à t'inquiéter, je serais là tout à l'heure dans la salle, je serais avec toi d'accord ? » Elle sourit insensiblement. « Je sais... » et c'est pour cela que je t'ai choisi, pensa-t-elle sombrement. Elle déposa un baiser docile sur ses lèvres. « Nous irons bien. » Seulement ce nous n'enveloppait que la vie de son enfant et la sienne.  

***

Suite à venir...

* " (...) et son âme s’enfonçait en cette ivresse et s’y noyait, ratatinée, comme le duc de Clarence dans son tonneau de malvoisie. " Madame Bovary, Flaubert
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