Le ciel n'était plus que ténèbres. La lumière percerait-elle jamais à nouveau sur le monde des Hommes...? Le nuage noir de corbeau fondit sur la montagne sanglante de vies humaines, à chaque nouvelle percée, ils déchiraient un peu plus la chair de ce qui reposaient désormais dans l'au-delà. Les Témériens décochèrent une volée de flèches sur les volatiles. La rescapée jugea toutes ses vies volées, il ne resterait bientôt plus rien d'eux. Le feu les consumerait tous, et leur cendre recouvrait Vivendale. Isabelle frissonna à cette seule idée que cela aurait pu être elle. Mais Elia en avait décidé autrement, le Trisäl avait depuis longtemps abandonnée la jeune femme et elle trouvait une foi nouvelle auprès de la déesse. La Lady Hart, héritière du pouvoir des Trois et du Haut-Gouvernement, n'était plus l'enfant rebelle et alarmée d'autrefois. Isabelle était devenue la femme d'une guerre, un être rangé et juste. La reine eliaryenne lui avait fait entrevoir un nouveau monde.

Isabelle se bat depuis longtemps pour la justice dans un monde toujours plus corrompu. Elle voit en Katharina une chance de rééquilibrer le monde et de changer les choses.  

Isabelle soutient les Témériens, mais aussi les anciens Vivendalais. Elle s'est convertie au culte d'Elia et seconde Katharina. Elle est la figure de transition entre le Haut-Gouvernement et la Reine, elle oeuvre pour l'intégration des Témériens.  

Aimer n'a jamais été une chose facile pour n'importe qui. Mais grandir, évoluer, sans amour, c'est construire le temple de sa vie sur un unique pilier : soi. Il l'aimait comme on aime rarement. Son père l'aimait. Et ils lui ont arraché. Isabelle pensait ne jamais rouvrir son coeur, mais c'est arrivé. Cet être a tout bousculé dans son insignifiante vie : Arianna.

Elle l'a suivi sur la pointe des pieds, il l'ignore encore. Isabelle est passée maîtresse dans l'art de la discrétion, ses petits pas sont réguliers, son souffle est étouffé. D'ici quelques instants l'enfant bondira et s'écriera "chat" ; l'homme la prendra alors dans ses bras et déposera un flot de petits baisers dans son cou. Elle rira aux éclats et l'implorera d'arrêter, il ébouriffera ses cheveux noirs de jais dans un geste paternel puis la reposera. Thom Hart prendra alors sa petite main d'enfant au creux de son immense paume chaude, et sa fille se blottira contre son flanc en gazouillant de plaisir. Mais ce n'est pas ce qu'il s'est passé. Le Haut-dirigeant a grandi son pas, derrière lui l'enfant le voit serrer compulsivement les poings. Elle a envie de l'appeler mais quelque chose la retient. La peur ? Thom s'arrête soudainement devant une grande porte en chêne. Isabelle tremble, elle ne s'est jamais aventurée si loin et le pressentiment d'un malheur proche l'a saisi. Est-ce que son esprit de bambin a su déceler la vérité ? Elle crie son nom ; il ne l'entend pas. Il ouvre brusquement la porte et des éclats de voix retentissent. Isabelle court, elle court aussi vite que ses petites jambes le lui permettent. Lorsqu'elle entre, la jeune fille croise le regard de son père. Elle lit dans ses yeux la plus cruelle des trahisons. Ses lèvres bougent sans produire le moindre son, « Sauve-toi Belly... Je t'... » L'enfant remarque alors le sang ; c'est un spectacle étrange, fascinant : Un mince ruisseau rouge s'écoule du ventre de son père, il se déverse continuellement sur le sol et agrandit la flaque. Cela ressemble aux mouvements des vagues : c'est une marée pourpre. Isabelle n'a pas bougé. Les cris de sa mère et de son amant ne suffisent à la sortir de sa torpeur. La jeune Belly fixe amoureusement son père, il est le seul qui importe et, elle l'a compris, l'enfant va le perdre à jamais. Le traître retire sèchement la lame du ventre de Thom. Il le pousse, et son père, ce magnifique être, chute, tombe ; le vent ne suffit à le porter, il ne sait pas voler et la Tour est si haute... Le son produit par son corps lorsqu'il heurte la pierre est merveilleux, il symbolise le passage de la vie à la mort. Isabelle recule, elle se réfugie sous une table. « Papa. » Deux grosses larmes roulent sur ses joues. La lady Hart s'emporte, elle lui ordonne de revenir. Son amant tente de la raisonner : ce n'est après tout qu'une enfant que pourraient-ils avoir à craindre d'elle ? Il s'approche à pas feutrés « Petit chat ? » Isabelle retient sa respiration, peut-être que si elle ne fait plus de bruit, ils l'oublieront et partiront. Les meubles bougés produisent un grincement insoutenable. Bientôt deux grandes mains surgissent, les doigts maigres et osseux l'attrapent par la taille. Elle n'a ni la force de crier ni celle de se débattre. Le meurtrier la berce dans ses bras, « Nous sommes une famille maintenant toi et moi. Sèche tes larmes mon petit chat. » Isabelle est incapable de détourner le regard de l'assassin. La petite fille mémorise chacun de ses traits, il ne suscite en elle que du dégoût. Mais il ravalera son infâme rictus. Elle le sait : elle tuera Jason.

Arianna. C'est à elle qu'Isabelle pensait. Elles recommenceraient tout, la vie les avait privées l'une de l'autre. Mais aujourd'hui elles prendraient un nouveau départ. Les erreurs de leurs parents n'auraient plus à les affecter. Chacune se libéreraient de ses meurtrissures passées. La seule hâte de revoir sa soeur la faisait avancer parmi l'hécatombe. La jeune femme la prendrait dans ses bras et lui dirait à quel point elle l'aime, qu'elle était le seul être qu'elle n'est jamais su aimer.

♦ Jason, membre du Haut-Gouvernement et des Trois, beau-père