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Comme des aimants [Isabelle & Aiden]

Dezbaa
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Lun 15 Fév - 13:34



Isabelle Hart & Aiden Ruthendell
— « Comme des aimants. » —

Les temps avaient changé. Les Vivendalais évoluaient sous le joug des Témériens. Les procès avaient été conclus, l'ordre avait été rétabli, les premières mesures avaient été prises, et tout semblait suivre un cours tranquille. Pourtant, la méfiance rôdait encore, prédatrice des cœurs fragiles, et l'épée de Damoclès, comme un lustre mal fixé, tremblait au-dessus de la tête de certains individus. Isabelle, la traîtresse conseillère de la reine, et Aiden, le fourbe inventeur amoral, remarquaient de temps à autre l'éclat de la lame qui les menaçait. Tous deux avaient réussi à conserver leur nuque intacte suite à leur jugement. Cependant, rien n'était assuré : ils devaient prendre gare à ce qu'on ne la leur tranchât pas suite à un mauvais coup sur l'échiquier politique. Ils intriguaient, suscitaient autant la suspicion que la confiance, le dégoût que l'admiration. Ils n'avaient jamais su renvoyer l'image policée qu'ils auraient, parfois, souhaité refléter. Dans la masse des corps qui se mouvaient pour célébrer une nouvelle ère, ils papillonnaient autant qu'ils vivotaient, avec fébrilité et force.
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Dezbaa
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Lun 15 Fév - 16:24

Aiden Ruthendell
— Dive into the arena. —

Un, deux, trois, quatre. Un, deux, trois, quatre. Il était tombé dans les bras d'une danseuse. Elle ondulait entre ses mains comme une sirène entre les courants marins. Sa jupe bruissait délicatement contre ses jambes et ses petits pieds battaient le sol avec tendresse. Il la laissait guider leur danse. Sous ses doigts, elle sentait son corps frémir, trembloter. De temps à autre, elle laissait ses yeux de biche accrocher les siens. Elle n'osait pas, craintive. Elle ignorait quoi penser de lui. Jeune fille de bonne famille, elle connaissait tous les codes de la bonne conduite, et cependant son éducation semblait alors lui faire défaut. Depuis toujours, les rumeurs allaient bon train au sujet de l'inventeur mais, suite aux procès, leur flux s'était intensifié, et elles s'étaient envenimées. Il était un homme de l'ombre. Tous ses efforts pour s'afficher à la lumière ne suffiraient jamais à éclairer la pénombre qui l'entourait. Elle ramena une main sur son torse et poussa comme pour s'en écarter. Désir ; répulsion. Son personnage jouait sur les deux facettes. Les femmes l'aimaient autant qu'elles l'exécraient. Elle ne faisait pas exception. Elle tourna sur elle-même avant de revenir à lui. Trompeur, manipulateur, méprisant, inquiétant, tombeur, briseur de cœur, blessant, provocant, menteur, dévoreur d'âme. Briseur de cœur... Ses joues d'adolescente se teintèrent de rouge. Un sourire amusé vint se coller sur les lèvres de l'homme. Elle baissa les yeux tandis qu'une vague de chaleur secouait son dos.

Un changement de rythme dans la mélodie les avertit qu'il fallait intervertir de partenaire avec le couple le plus proche. Aiden la lâcha dans les bras d'un autre, et entoura la taille d'une nouvelle femme. Ses yeux tombèrent sur son visage, et un sourire déchira ses lèvres. « Tiens... Les deux coupables miraculés. » Le regard bleuté de la Vivendalaise vint percuter le sien. Elle lui paraissait fragile. Son faciès harmonieux et ses traits fins dessinaient un ensemble épuré, presque digne des anges. Sous ses mains, il devinait un corps gracile. Et néanmoins, elle avait fait preuve d'une force qui avait su trouver son écho parmi les bourdonnements agressifs, et perfides et que les yeux scrutateurs, malgré le dédain qu'on y lisait, reflétaient avec admiration. Elle tenait encore debout. « Isabelle Hart. » La double traîtresse. D'abord envers son peuple, qu'elle avait abandonné pour Katharina, et ensuite envers cette reine, qu'elle avait défié pour sauver une vie. On murmurait que la traîtrise était ancrée dans son corps, à cause de ses ascendants. Lui n'y croyait pas. Trahir résultait d'un choix. Au fond, affirmer ce libre-arbitre était sans doute pire. Cela revenait à balayer les excuses de l'hérédité et de la fatalité. Mais cet avis laissait aussi entrevoir un voile d'espoir. Il est possible d'échapper à ce que l'on maîtrise. Elle pourrait se racheter, si l'envie lui en prenait. Tout comme lui.

Ils tournoyaient sur la piste. Ils ne dansaient ni mieux ni moins bien que les autres, n'étaient ni plus beaux ni plus laids, et pourtant, on les remarquait. Il avait senti le poids des regards dès qu'il avait passé le seuil de la salle. Il en était ainsi depuis qu'il vivait à Vivendale. Cependant, ceux-ci se paraient d'une crainte et d'une colère qu'il ne leur avait jamais connu. Les procès avaient laissé un goût aussi doux qu'amer dans de nombreuses bouches. Isabelle et Aiden s'illustraient en condamnés épargnés, en coupables libérés. Ils avaient échappé à ce que de bien plus innocents qu'eux avaient subi. Ils demeuraient le produit d'une injustice éhontée. Les voir danser ensemble revenait presque à observer deux démons pactiser. Derrière la fente laissée par la porte entrebâillée, l'enfant-peuple croyait regarder les deux engeances procréer des horreurs plus grandes encore. Il n'en était rien. Aiden aurait voulu pouvoir être considéré comme un homme banal qui prenait du plaisir à danser avec une jolie fille. Mais il n'en était rien. Il n'était pas un homme banal, elle n'était pas qu'une jolie fille. Le moindre de leurs faits et gestes était minutieusement analysé puis sauvagement interprété. Les autres sabordaient la magie à laquelle se dédiaient de telles soirées. Mais peu importait. Ils n'étaient que des grains de sables dans l'immensité d'un impitoyable désert. Ils tomberaient. Eux, non.

« Ils ne voient que ce qu'ils veulent bien voir. » Il élança Isabelle puis, comme il la tenait fermement, la ramena vers lui. Il reposa une main sur sa taille. « Mais, après tout, ils ont sans doute raison de voir des monstres en nous. » Joueur. Une lueur malicieuse valsait dans ses prunelles vivaces. « Nos mains sont couvertes du sang d'êtres détestés ou aimés... parfois des inconnus. Des innocents. » L'aveuglement dans ce qu'il avait de plus cruel. Ils avaient fermé les yeux. Aiden avait fermé les yeux sur tant d'infamies exécutées par le Haut-Gouvernement. Il savait, mais il avait ignoré. Il aurait pu, sans l'ombre d'un doute, y changer quelque chose, agir dans le sens inverse. Mais il ne l'avait pas fait. Lâcheté ? Indifférence ? « Tu as des remords, Isabelle ? » Tu aurais préféré mourir, Isabelle ? Il n'en avait aucun. Pas à ce sujet. Les vies volées ou brisées trouvaient toujours leur intérêt, que ce fût dans l'immédiat ou dans les temps à venir. Pour l'orchestrateur, aussi passif fût-il, le bénéfice ne se faisait pas attendre : il survivait. Obéir aux Trois avaient été son assurance-vie durant des années. « Ils n'ont simplement pas compris que c'est de cette façon que le lion survit — en se frayant un chemin parmi les prédateurs. » murmura-t-il près de son oreille.
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Linelleray
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Lun 15 Fév - 23:05


Isabelle R. Hart
Dance with the devil  

Le fracas des voix humaines rencontra l'embrasement des pas de danse. Son regard clairvoyant se posa sur la bêtise humaine. Isabelle jugeait impitoyablement l'inhumanité environnante. Elle virevoltait de cavalier en cavaliers, ses pas de danseuse répandaient de suaves nuages de jasmin dans son sillage. Caressante et pimentée. Sitôt que les mains effleuraient la soie noire de sa taille, elle s'envolait. Ils la désiraient tous autant qu'ils la haïssaient, aucun ne l'atteindrait. Katharina avait voulu ce retour en société humiliant, elle ignorait alors l'unique pensée de la Hart : le mépris.  Elle savait être le sujet de tous les murmures, de toutes les plaintes ; les hommes la déshabillaient du regard, et les femmes la maudissaient de loin. Il ne s'agissait là que d'une simple mascarade, un jeu d'enfant. Le partenaire changeait et la danse reprenait. Un pas à droite, deux sur la gauche, tournoiement, ciller, sourire... ne pas oublier de sourire ! La clef du paraître résidait dans le masque facial. Ce soir, elle serait rayonnante. Intouchable. Quel gâchis ce serait de ne pas célébrer une victoire écrasante ? Elle était sublime, brillant de son étincelle de vie préservée. A quel prix ? Elle avait été traînée en justice, humiliée. Exposée. Elle avait fait front dignement. Et... elle avait tout de même échoué, Arianna ne lui pardonnerait pas ses impairs et les révélations du procès. Ne pas oublier de sourire ! Vraiment ? Non, ce soir, elle ne se prêterait plus au jeu des paraître. A quoi bon ? Vivendale l'avait démasquée : elle, enfant du diable.  La main de son partenaire descendit, oh ce qu'il aurait été facile de planter les crocs dans la gorge de ce chien. Mais alors Kath savourerait l'instant. La jeune femme chassa cette séduisante idée, agitant ses boucles brunes. Les verres tintèrent à nouveau dans ce sentiment d'orgie. Un rire suraigu s'éleva, l'écho des voix doubla. La fête battait son plein, tout autant que l'ennui de la noble rebelle.

Alors qu'elle prévoyait de fuir la mascarade, une main se ferma sur son poignet et l'attira à elle. Isabelle virevolta, et les bras de son nouveau cavalier se refermèrent sur elle. Elle était prise au piège. Furieuse, elle dévisagea son assaillant et sa surprise redoubla. L'inventeur traître. « Tiens... Les deux coupables miraculés. » Ses yeux de saphirs caressèrent le visage du jeune homme. Que pensait-il réellement savoir d'elle ? Ses prunelles à lui - noires comme l'obscurité la plus totale - pétillaient. Il semblait tirer son épingle du jeu, et ce n'était sûrement pas ses lèvres boudeuses étirées en un sourire narquois qui le contredirait. « Isabelle Hart. » Le dédain de la jeune femme redoubla avec l'énonciation de son nom, elle devina les non dits sous les airs sournois du garnement. « Aiden. » Un pli creusa le front de son partenaire alors qu'elle lui échappait. Au dernier instant elle étendit la main et il la saisit, attirant l'ange ou démon contre son torse musclé. Il la souleva et tournoya. Les regards ne les lâchaient pas, mais ils n'en avaient que faire. Isabelle savourait le silence qui s'était installé entre eux, taciturne. Ses yeux rencontrèrent ceux d'Aiden et elle les soutint. Sur quel terrain s'aventurait-il ? « Ils ne voient que ce qu'ils veulent bien voir. » Il posa à nouveau la main sur sa taille. Caressant et pimenté. « Mais, après tout, ils ont sans doute raison de voir des monstres en nous. Nos mains sont couvertes du sang d'êtres détestés ou aimés... parfois des inconnus. Des innocents.» Sournois et malicieux, il se rapprochait dangereusement. Mais Isabelle se détourna ; il ne la connaissait pas. Il en savait autant sur elle que la foule de personnes les dévisageant : c'est-à-dire rien. Une sourde colère montait en elle. La jeune femme se sentait prise au piège, ayant conscience de jouer à un perfide jeu du chat et de la souris. « Tu as des remords, Isabelle ? » Son interrogation la surprit, mais elle devina qu'il s'agissait davantage d'une affirmation. « Non. » Elle avait prononcé cet unique mot avec détermination et foi. Un large sourire illumina les traits du brun ténébreux. « J'ai fait ce qu'il fallait pour survivre. Peut-être plus que certains, mais je ne regrette rien. » Le monstre était sur elle, bien plus près qu'il n'aurait dû être. Isabelle sentait le coeur du jeune homme battre sur un rythme mesuré. Un, deux. Un, deux. Son souffle chaud chatouilla sa nuque, mais elle tint bond demeurant impassible. Seul son coeur avait peut-être eu une ou deux ratées. « Ils n'ont simplement pas compris que c'est de cette façon que le lion survit — en se frayant un chemin parmi les prédateurs. » Elle brisa soudainement son étreinte et recula de quelques centimètres. Ses iris enflammées dardaient son interlocuteur, oh sérieusement il avait cru la cerner ? « Un lion... ? Tu ne pouvais pas plus te tromper. Il est certain que tu es un prédateur, mais c'est loin d'être mon cas. » Il fit un pas vers elle et la défia du regard de reculer. Cette fois elle ne se déroba pas. « Je suis une proie, Aiden. Une sacrée proie, un cerf. Tout le monde ici me court après ne le vois-tu pas ? Et moi je m'échappe, je fuis pour survivre. » Elle inclina la tête de côté, dévoilant sa gorge saillante. « Et ce n'est que dès lors que je suis accolée, prise au piège, que je relève la tête et dévoile ma ramure. » Elle joignit les mains et esquissa deux petits cornes au-dessus de ses oreilles. « Nous nous valons à leurs yeux, mais nous ne sommes en rien les mêmes. » Il n'était ni plus ni moins que le cerbère des Trois, et elle le rejeton de l'infamie. Un couple idéal. Et la danse reprit.
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Dezbaa
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Mar 16 Fév - 23:40

Aiden Ruthendell
— Trapped lions. —

Répulsion. Elle recula. « Un lion... ? Tu ne pouvais pas plus te tromper. Il est certain que tu es un prédateur, mais c'est loin d'être mon cas. » Provocateur, il avança d'un pas, un pas qui suffit pour que les tissus qui couvraient leurs corps se frôlassent. Attraction. Il la toisa, mais ne dit rien. Qu'elle parlât ! Il écoutait. Il avait la patience de cette nature féline qu'elle récusait. Il attendrait qu'elle crachât ce mépris qu'elle avait pour le monde et pour elle-même. « Je suis une proie, Aiden. Une sacrée proie, un cerf. Tout le monde ici me court après ne le vois-tu pas ? Et moi je m'échappe, je fuis pour survivre. » Elle fuyait parce qu'elle avait fauté. La vraie proie fuyait le danger avant qu'il n'advînt. Elle ne le créait pas. Or, c'était ce qu'ils faisaient tous les deux. Chaque jour, ils flirtaient avec le danger et dansaient sur les traces de la mort. Il était logique que des chasseurs se lançassent à leurs trousses. Ils étaient les bêtes à abattre, les têtes à prix, les monstres à exorciser. « Et ce n'est que dès lors que je suis accolée, prise au piège, que je relève la tête et dévoile ma ramure. » Pour illustrer son propos, elle imita la forme de bois plus ou moins majestueux en portant ses mains près de sa tête. Il éclata de rire. « Belle imitation ! » Elle s'avérait aussi intéressante que ce qu'il avait imaginé. Elle ne se devinait pas. Elle ne se dévoilait pas. Il fallait creuser la surface et oser se plonger puis se tortiller dans les boyaux noueux du terreau de son esprit. « Nous nous valons à leurs yeux, mais nous ne sommes en rien les mêmes. » Un sourire tirait toujours les lèvres de l'inventeur. « Si nous étions les mêmes, j'aurais quelque chose en moins, ou toi quelque chose en plus. » Il fit un mouvement de tête sur le côté gauche et haussa les sourcils. Aucun doute quant à son sous-entendu.

Et la danse reprit. Un, deux, trois, quatre... Un, deux, trois, quatre... Aucun des deux ne parvenait à prendre le dessus. Leur magnétisme les remettait inlassablement à leur place. Il s'approchait un peu trop ; elle s'éloignait. Elle se dispersait un peu trop ; il la ramenait. Aussi inséparables qu'insoudables. « Si tu n'étais qu'un cerf, le lion que je suis t'aurait dévorée. Peu importe la ramure. Je ne serais pas assez bête pour t'attaquer de front, Isabelle. » Inévitable loi de la nature. Implacable logique de la survie. « A moins que tu ne bénéficies de la protection d'un autre lion... » Elle tournoya au bout de sa main. « ... mais dans ce cas il aurait fini par te manger. Les prédateurs se lassent toujours de leur jouet. » Le chat jetait sa souris à travers la pièce ; il la frappait, la lançait dans les airs puis, finalement, il lui brisait les os de ses crocs. Elle n'était jamais assez divertissante. La torture n'était jamais totalement satisfaisante. La mort, c'était la frustration de cet inachèvement. « Alors je n'appuierai pas la métaphore de la proie. Tu es encore debout. Blessée, peut-être, mais debout. Un lion, même estropié, borgne, sourd... reste un lion. » Son regard vert se jeta sur les autres convives. « Ils ne te détruisent pas parce que tu es comme eux. Un prédateur. Tu peux le refuser, ça n'est pas un problème, le fait est là. Les lions sont rivaux, mais pas ennemis. S'ils s'exterminent, ils perdent leur emprise sur le monde. » Puis, ses yeux glissèrent sur les murs ornés de décorations fastueuses pour se poser sur la Témérienne toute-puissante. « C'est pour ça qu'elle nous garde, Katharina. Même si c'est une gamine, elle n'est pas idiote. Elle a bien compris ce que nous valions. Si elle supprime tous ceux qui nous ressemblent, elle tombera. » Tout en gardant une main dans le bas de son dos, il la rejeta en arrière et accompagna le mouvement, penché. Funambules. « Il faut trouver le juste équilibre. » susurra-t-il avec un sourire. Il se redressa et l'entraîna dans son mouvement. Il laissa ses yeux se perdre dans les siens. Leur iris, qui de loin paraissait pure, portait en réalité le trait de la complexité. Les teintes se mélangeaient. Le bleu se parsemait d'un gris clair, auquel se mêlait un vert tranquille, qui s'intensifiait autour de la pupille et osait s'accompagner d'un tendre noisette. Deux océans dont les algues venaient s'accrocher sur les roches noires. « Douce dame, forte femme... tu es juste comme une lionne. »

Il fit un pas de côté, puis un autre ; il tournait ; il la conduisait dans sa danse plus rapide et plus vive. Il ralentit à mesure qu'il s'approchait du gigantesque buffet mis à leur disposition. Enfin, il la lâcha tout à fait, après avoir fait glisser ses mains le long de ses bras. Il parcourut la nourriture du regard. « La seule différence entre eux et nous, c'est qu'ils ont besoin de faire étalage de leur pouvoir pour impressionner et être respectés. » Il tendit le bras vers un petit bol d'argent rempli de cubes de fromage. Il en porta un à sa bouche et, avant de l'engloutir, alla jusqu'au bout de sa pensée : « Parce que nous ne sommes pas si différents, Isabelle. » Il savoura la fin de sa phrase comme il dégusta le met. Un nouveau sourire fendit son visage. Et, sans vraiment lui laisser le temps de répondre, il fit volte-face. Il s'éloigna des festivités. Elle allait le suivre. D'une part, parce qu'elle n'éprouvait aucun goût pour ce que Katharina lui avait imposé, et d'autre part parce que, il l'espérait, il avait attisé sa curiosité. Il traversa la salle. Les portes-fenêtres étaient closes, mais pas verrouillées. Il rejoignit l'extérieur. L'air frais libéra ses poumons oppressé par la foule. Il s'approcha du balcon à la rampe sculptée et y appuya ses deux avant-bras. Ses mains pendaient dans le vide. Devant lui s'étendait Vivendale. Vivendale la belle, Vivendale la glorieuse mais Vivendale la perdante. Plus loin, le Village, et ensuite, la forêt. La cime des arbres vibrait de plaisir sous la caresse du vent. Dans son dos, il entendit le claquement des talons de la belle noble et le doux bruissement de sa robe. « Nous sommes deux parias. Rejetés pour tout ce que nous sommes, et acceptés seulement pour les qualités que les autres peuvent utiliser selon leur volonté. Les rumeurs nous précèdent toujours, pas besoin de démonstration de force ou d'instrumentalisation de la peur. Que vois-tu de si différent ? » Ils étaient des lions en cage. Piégés.
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Linelleray
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Mer 17 Fév - 22:19


Isabelle R. Hart
Catching fire 

Chuter perpétuellement. Ne plus sentir le poids de la pesanteur, et prendre son envol. Ressentir la panique et un désir noir. Qui n'a jamais rêvé qu'il tombait du ciel ? Isabelle se délectait de cette sensation tout autant qu'elle la redoutait : Il y a avait toujours un impact final. Son impétueux cavalier descendit la main au bas de son dos et la renversa, son corps fendit l'air et elle retint son souffle. Il la remonta lentement, ses yeux émeraudes pétillaient d'un air de défi. « Si nous étions les mêmes, j'aurais quelque chose en moins, ou toi quelque chose en plus. » Elle arqua un sourcil amusé devant la boutade, un homme en valait un autre... Une bourrasque d'air frais s'engouffra dans la salle de bal et souleva ses boucles auburns. Ils tournoyèrent et se détachèrent, un, deux... un, deux, trois... Aiden saisit sa main à nouveau et l'attira à lui. Il s'immobilisa  et lia son regard à celui de la jeune femme.

« Si tu n'étais qu'un cerf, le lion que je suis t'aurait dévorée. Peu importe la ramure. Je ne serais pas assez bête pour t'attaquer de front, Isabelle. » Elle leva les yeux au ciel, et tourna autour de son partenaire. Ils s'attiraient et se repoussaient, les deux pôles opposés d'un aimant.  « A moins que tu ne bénéficies de la protection d'un autre lion... mais dans ce cas il aurait fini par te manger. Les prédateurs se lassent toujours de leur jouet. » D'un lion et de toute sa horde. Elle s'arrêta net, foudroyée par de sombres pensées. Aiden ignorait que ces réflexions étaient véridiques : Jason guettait, à l'affût de la moindre occasion de se saisir de sa proie, il n'aspirait qu'à jouer avec elle. Le prédateur fou désirait la faire sienne et embrasser une nouvelle vie à ses côtés, jusqu'à être lassé. Jusqu'à la tuer.  « Alors je n'appuierai pas la métaphore de la proie. Tu es encore debout. Blessée, peut-être, mais debout. Un lion, même estropié, borgne, sourd... reste un lion. » Un frisson la secoua. Quelque chose en elle était brisé ; et malgré son port de tête et sa répartie, elle ne se sentait plus que l'ombre d'elle-même. Incomplète, dévastée. Elle remua la tête et s'abandonna à un sourire nostalgique. Aiden s'approcha du banquet et engloutit un affreux cube de fromage. « Ils ne te détruisent pas parce que tu es comme eux. Un prédateur. Tu peux le refuser, ça n'est pas un problème, le fait est là. Les lions sont rivaux, mais pas ennemis. S'ils s'exterminent, ils perdent leur emprise sur le monde. » Et nous, que sommes-nous ? Deux alliés, deux semblables ? Des bêtes marginales... ? « C'est pour ça qu'elle nous garde, Katharina. Même si c'est une gamine, elle n'est pas idiote. Elle a bien compris ce que nous valions. Si elle supprime tous ceux qui nous ressemblent, elle tombera. » La régente ne l'avait certes pas supprimée, mais elle avait considérablement réduit la sphère d'influence de la belle brune. Humiliée. Exposée. Voilà qu'elle avait été la sanction d'Isabelle, mais elle s'en contre faisait : elle était libre et en vie. Vivendale serait bientôt à nouveau son joug, qu'elle le veuille ou non. La politique et Isabelle étaient étroitement liées, l'un sans l'autre ils n'avaient plus de sens. Aiden la fixa silencieusement. Peu importait qu'il plonge dans l'océan déchaîné de ses prunelles, le courant le ramènerait sans cesse au rivage et s'il persistait - dans sa quête de résoudre l'affaire Hart - il se fracasserait sur les roches marines. « Douce dame, forte femme... tu es juste comme une lionne. » Elle le défia du regard d'en dire plus, la séduction ne marchait pas sur elle. Il haussa les sourcils et prit la fuite. Elle le suivit du regard mais demeura sur place ; elle n'était pas de ses lady éconduites marchant dans les pas du prince charmant. Elle saisit un verre de vin et le vida d'un trait. Son nez frémit, appâté par les douces effluves du bois et de la vigne. Son palais goûta le liquide rouge avec un plaisir non réprimé, et elle saisit un second verre. Finalement, cette soirée n'aurait pas été une perte de temps totale. Alors qu'elle savourait ce semblait de paix retrouvé, un cercle de vieux bourgeois la désigna du regard et les rumeurs reprirent leur bon train. Elle les fusilla du regard, ces vauriens ne savaient rien d'elle et de ce qu'elle avait accompli pour la cité. Elle, et toute sa branche. Les Hart avaient participé à l'édification du vice tout aussi bien qu'à la diffusion culturelle et artistique de la ville. L'insulte fusa et ce fut le mot de trop. Les morceaux de verre tombèrent au sol, rebondirent et roulèrent sur le parquet ciré. Elle serra compulsivement le poing, un filet de sang s'écoula le long de son avant bras. Un rire rauque s'éleva parmi le groupe d'hommes. Ils étaient viles mais elle était victorieuse. Leur opinion ne l'atteignait plus. Elle tourna les talons et gagna les baies vitrées.

Elle s'engouffra dans l'obscurité et poussa un soupir d'aise quand la brise fraîche caressa sa peau. « Nous sommes deux parias. Rejetés pour tout ce que nous sommes, et acceptés seulement pour les qualités que les autres peuvent utiliser selon leur volonté. Les rumeurs nous précèdent toujours, pas besoin de démonstration de force ou d'instrumentalisation de la peur. Que vois-tu de si différent ? » Elle s'approcha davantage et s'accouda à la rampe. Vivendale était belle de nuit, bercée par les ténèbres et protégée par les astres. La lune se reflétait sur la soie noire de la jeune femme. « Ce que je vois ? » Elle virevolta et s'adossa contre le marbre froid. « Deux esprits indomptables, deux forces incompréhensibles. Ils nous envient seulement car nous possédons quelque chose qu'ils n'auront jamais : la satiété intérieure. Je vois le monde dans son intégralité, ses erreurs et ses merveilles, sa beauté et son inhumanité.  » Elle vacilla. « Tu es un inventeur et je suis la sauveuse. A nous deux, nous sauvons le monde sans que personne ne le soupçonne... » Elle eut un rire sourd, et ses yeux brillèrent sous la vivacité de l'instant. « Ils ignorent seulement le prix d'un tel pouvoir : la souffrance et... la solitude. »
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Dezbaa
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Sam 20 Fév - 16:41

Aiden Ruthendell
— What an utopia ! —

Aux pieds de la Haute-Tour, la fourmilière grouillait, en dépit de l'heure tardive. La lune miroitait sur les armures et le fer. On aurait dit qu'elle s'admirait comme une jeune fille le ferait avant son premier bal ; avec timidité et embarras. Aux côtés de sa face pâle se reflétait la figure vive du feu. Il dansait sur les murs et le sol, contenu péniblement sur des torches et dans des vasques. Il ne s'observait pas, il n'avait pas le temps, il cherchait sa liberté ; intouchable et condamnée. Les Témériens allaient et venaient, seuls ou en groupes. L'état de siège perdurait. Katharina n'avait pas le choix : elle n'avait pas pu punir tous les coupables, ni tous les saisir. L'espoir frémissait encore dans le cœur de certains. Aiden songeait aux Ombrageux : pour eux, il s'agissait de bien plus qu'une défaite. C'était une leçon d'humilité doublée d'une humiliation. Depuis des années, ils souhaitaient renverser le Haut-Gouvernement, et ils avaient toujours échoué. En un jour, des étrangers l'avaient agenouillé. Les iris de l'inventeur coulèrent jusqu'à la forêt. Indubitablement, quelque chose s'y tramait, devant l'aveuglement des regards avisés et derrière l'ombre des grands arbres. La curiosité le tenaillait.

Mais elle s'était aussi emparé de l'esprit d'une autre ; Isabelle s'approcha du garde-corps. Elle s'y accouda. Il lui jeta un coup d’œil rapide. Elle n'avait pas résisté à son appel à demi-mots. Il releva la tête vers les étoiles. « Ce que je vois ? » Elle se retourna pour adosser son bassin contre la pierre. « Deux esprits indomptables, deux forces incompréhensibles. Ils nous envient seulement car nous possédons quelque chose qu'ils n'auront jamais : la satiété intérieure. Je vois le monde dans son intégralité, ses erreurs et ses merveilles, sa beauté et son inhumanité. » Il l'écoutait, le regard toujours rivé aux constellations. Passives et pourtant éclatantes. Muettes et pourtant assourdissantes. La force tranquille. Nul besoin d'artifices ou de paillettes. Leur beauté atteignait son apogée. Sans bouger, elles suscitaient déjà l'admiration. Elles, elles touchaient peut-être cette satiété dont elle parlait. Lui, non. Il voulait toujours plus, toujours mieux, toujours autre chose que ce qu'il possédait déjà. Son envie ne s'assouvissait jamais. Découvrir, comprendre, connaître. Détruire ? Encore, encore, et encore. Ce cycle, il y était enfermé depuis toujours, et pour toujours. Désirait-il seulement en sortir ? Quelque chose en lui s'y complaisait. Il aurait pu savoir quoi... mais alors il l'aurait détruit. Il préférait ne pas se comprendre totalement. Connaître parfaitement, c'est faire perdre à l'objet de la connaissance une part de sa beauté et de son sens ; la beauté et le sens brut, qui saisissent et ne se discutent pas. Ceux qui sauvent de tout le reste. « Tu es un inventeur et je suis la sauveuse. A nous deux, nous sauvons le monde sans que personne ne le soupçonne... » Un rire roula dans la gorge d'Isabelle. Lui n'esquissa qu'un bref sourire. Il ne sauvait pas le monde. « Ils ignorent seulement le prix d'un tel pouvoir : la souffrance et... la solitude. » Il rebaissa les yeux. Grandeur ; bassesse.

La souffrance et la solitude, c'étaient de vieilles compagnes. Du moins, la solitude. La souffrance... quand bien même elle le suivrait, Aiden l'ignorerait. Trop orgueilleux pour admettre qu'elle frappait. La solitude, il l'acceptait. Il l'avait choisie le jour où il avait quitté le cocon familial. Il l'avait épousée le jour où il était entré au service des Trois. Et il s'y était entièrement abandonné le jour où la condamnation de Katharina était tombée. Elle l'avait marqué au fer rouge. La plaie brûlait encore. Elle le consumerait toujours. Il pivota légèrement vers l'ancienne noble et un sourire sans blancheur vint peindre ses lèvres. « Indomptables, hum ? Alors tu abandonnes enfin ta couverture de proie ? » Ils te font peur ? Tu as raison. Rapaces ! Ils les boufferaient et les réduiraient en pièce s'ils le pouvaient. Ils ne laisseraient derrière eux que des cadavres écharpés, déchiquetés et sans identité. Rien que des loques mortes et vides de sens. « Indomptable et pourtant dompteuse du monde... » Il passa sa main sur sa mâchoire, pensif. « Si tu te sentais pleine, Isabelle, si tu voyais tout... erreurs, merveilles, beauté, inhumanité ; tout... tu mourrais. La vie n'a pas d'intérêt si on voit et sait déjà tout. » Il reposa son bras contre la rambarde et joignit les mains. C'était pour cela qu'il n'était pas mort. Son regard repartit vers le lointain. Il cherchait l'ultime vérité. Si toutefois elle existait. « Tu restes parce que tu crois que tu peux sauver le monde ? Tu crois qu'on sauve le monde ? » Un sourire sardonique tira sa bouche, et il souffla doucement entre ses dents. Le monde était trop puissant. Il aurait fallu la force de mille Titans pour pouvoir le changer à soi seul. Aiden ne l'avait pas, aussi bien en tant qu'artiste qu'en tant qu'inventeur. Il l'observait, lui apportait de petites touches de sa personnalité mais elles demeuraient minimes, faibles, insignifiantes, inexistantes à l'échelle de sa magnificence. « Ce n'est pas parce que je sauve le monde, que je suis seul. Je l'ai choisi. » Il se tourna tout à fait pour se tenir face à elle, un coude sur la rampe. Ils ne sauvaient pas le monde ; ils cherchaient quelque chose. « Et toi Isabelle, puisque tu ne sauves pas le monde, qu'est-ce que tu cherches ? » Pourquoi es-tu toute seule ? Pourquoi tu souffres ? Tant de questions et si peu de réponses à y apporter ; si peu de réponses acceptables et recevables. Ses yeux piquèrent les siens.

Cependant, au fond, le message que véhiculaient les mots d'Isabelle, ce n'étaient pas toutes ces pensées métaphysiques sur les autres, le monde, le sauvetage, la souffrance ou la solitude. Non, ce qu'il ressortait, c'était l'inverse de ce qu'elle avait affirmé quelques minutes plus tôt, lorsqu'ils partageaient une danse, c'était ce à quoi elle n'avait pas su répondre. Que vois-tu de si différent ? Rien. Parce qu'il n'y avait rien de si différent. Ils s'opposaient peut-être en tout, pour tout et sur tout, mais finalement, ils reflétaient la même chose. C'était le même reflet torturé, massacré, écrasé, bousillé qui déchirait le miroir.
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Sam 20 Fév - 21:00

 
Isabelle R. Hart
Percée à jour


Isabelle leva les yeux vers la lune. L'astre se reflétait sur sa peau d'ivoire, sa lumière dessinait le contour des traits de la belle brune et disparaissait dans l'immensité de ses iris. La demoiselle nocturne suscitait beaucoup de tapage ces dernières années. Certains scientifiques réfutaient la théorie du géocentrisme : la Terre au centre de tout, et l'Homme par conséquent. Ces êtres humains voyaient plus loin, bien plus loin, notre planète bleue ne serait qu'un grain de sable parmi tant d'autres. Ils voulaient croire en une notion bien plus grande que l'humanité, bien plus louable d'ailleurs... Peut-être tentaient-ils tous par ces théories de fuir notre triste réalité ? Nous sommes seuls. Et le spectre lunaire nous le rappelait sans cesse. Le petit satellite tournait autour de la Terre, tout comme le reste de l'univers. La Hart ne croyait pas en quelque chose de plus grand, il y avait déjà assez de souffrance ici pour espérer qu'il y en ait davantage ailleurs. Quant à croire à un monde étranger, prospère et pacifique ? Non, être rêveur ne menait à rien.  

Un simple faux pas et le masque pouvait tomber
. « Indomptables, hum ? Alors tu abandonnes enfin ta couverture de proie ? » Un joueur dangereusement brillant, un génie machiavélique. Aiden était attentif, chaque mot, chaque geste était enregistré puis retourner contre l'adversaire. Une formidable partie de stratégie et de contrattaques se jouait, mais Isabelle n'était plus si sûre d'en être l'initiatrice. « Indomptable, oui. » Il arqua un sourcil, persuadé de prendre les devants ; au demeurant la partie était loin d'être jouée. « Proie, encore et toujours. Mais peut être aussi espiègle ? La désobéissance et la traque ne s'opposent pas, au contraire. Et si j'étais davantage une proie parce que je ne courbe pas l'échine ? » Le beau génie l'ignorait mais sur ces derniers dires, Isabelle avait été honnête : Elle n'avait certainement pas le tempérament d'un chasseur, et seuls des ennemis accumulés sur des générations l'obligeaient à attaquer. Comme lorsque le cervidé charge... Tenter de visualiser les démons de la jeune femme était peine perdue, l'échec serait toujours l'unique issue.

La résolution Hart était simplement impossible, inadéquate. « Indomptable et pourtant dompteuse du monde... » Et si le monde s'était offert à elle ? Si lorsque l'enfant du mal était né, des forces inimaginables avaient choisi de lui confier le destin de l'humanité ? Et si... Pourquoi toujours réfuté ! Isabelle n'était pas une héroïne, elle appartenait aux vilains des contes de fée et, pourtant, elle avait lâchement cru qu'elle sauverait le monde. « Si tu te sentais pleine, Isabelle, si tu voyais tout... erreurs, merveilles, beauté, inhumanité ; tout... tu mourrais. La vie n'a pas d'intérêt si on voit et sait déjà tout. » Quelle légitimité avait-il pour contredire sa vérité ? Son existence. Aiden possédait quelque chose qu'Isabelle n'avait plus : la soif de vivre. Elle, elle se contentait de survivre tel un coquillage ancré à la roche, submergé et attaqué. Et qui ne lâche pas prise, sa conque peut se briser, il demeurera sur ce même rocher jusqu'à ce que chaque particule de son être soit détruite. Nacre, sel, sable. Isabelle aussi était à la dérive, submergée et noyée. « Et si je pense que la vie n'a pas d'intérêt ? Si je crois que c'est juste un évènement qui a débuté et qui s'achèvera ? Me diras-tu que j'ai tort ? » Elle le dévisagea, grave et prude. « Tu penses que ta vérité a plus de sens que la mienne, et bien soit. Je suis folle et tu es censé, voilà qui résout bien des choses. » Mais je sais ce que c'est de souffrir, d'être torturée. J'ai été au bout de mes convictions, peux-tu en dire autant ? « Et je meurs déjà Aiden, un peu plus à chaque seconde. Je ne suis seulement pas prête à ce que tout s'arrête... définitivement. »

Il avait joint les mains, un sourire sarcastique dévoilait ses dents de lion. Elle le détesta sur le champ ! Il se jouait d'elle depuis le début et elle se dévoilait stupidement. La jeune femme laissait tomber un à un les masques durant cette soirée.  « Tu restes parce que tu crois que tu peux sauver le monde ? Tu crois qu'on sauve le monde ? Ce n'est pas parce que je sauve le monde, que je suis seul. Je l'ai choisi. » Qu'était-ce que sauver le monde ? Raviver une flamme d'humanité, se battre, souffrir pour lui, aller au devant de toute chose ? Oui. Elle avait sauvé le monde et à de maintes reprises. Était-ce difficile à croire ? Il lui fit face et elle le vit sous son vrai jour : sournois, manipulateur, acteur. Trop semblables, trop différents. « Et toi Isabelle, puisque tu ne sauves pas le monde, qu'est-ce que tu cherches ? » La haine enflamma son délicat visage, ses joues s'empourprèrent et elle réprima des larmes de fureur. Il escomptait la piéger, l'accoler dos au mur. Pourquoi ? Voulait-il l'humilier, se jouer d'elle ? Davantage l'exposer. Il ignorait tout bonnement ce que Katharina lui avait infligé, nul ne connaissait le poids de son châtiment. La régente l'avait tenu secret, et Isabelle en porterait désormais le fardeau. « Ce que je cherche ? Mais qui es-tu Aiden ? Une personne de plus à vouloir répandre le mal. Tu voulais voir le monstre que je suis ? Comme les autres. » Isabelle détourna le regard, dégoûtée par le jeune homme et affligée par sa propre naïveté. Elle ne pouvait croire en personne, pas même en Arianna. Sa demie-soeur avait fui alors qu'elle s'était battue jusqu'à mourir pour elle. L'ancienne esclave ne s'était même pas présentée au procès. « Et bien je suis là. Percée à jour, je joue un rôle comme tout le monde. Incapable d'être seulement... moi-même. Tu peux te réjouir tu as été le plus malin de nous deux, je me suis confiée - je ne sais pas vraiment pourquoi... Je t'ai laissée entrevoir un fragment de ce que j'étais. » Elle serra rageusement les poings, stupide. Idiote. Insensée. « Vous avez gagné Monsieur Ruthendell, je vous félicite pour votre victoire. Malheureusement, vous n'apprendrez rien de plus sur moi. »

Isabelle fit volteface et s'éloigna d'un pas pressé du manipulateur. Fuir, encore et toujours. Elle avait cru voir en lui, quelque chose qui se trouvait en elle. Une différence, une particularité. Fuir pour survivre. Elle s'était trompée ; Aiden ne cherchait qu'à en apprendre davantage sur elle pour l'écraser, juste comme tous les autres. Elle ne pouvait croire qu'en elle même désormais. Isabelle Hart avait pensé devoir sauver le monde, mais il était déjà perdu. Survivre pour vivre.

Elle regagna la grande salle témérienne et se dispersa parmi les danseurs. La jeune femme traversa la salle, déterminée à déserter cette mascarade. Elle poussa les lourdes portes de chêne et s'engouffra dans les corridors de la vieille tour. Isabelle entendit le pas rapproché de la garde témérienne à ses trousses, cela aussi faisait partie intégrante du prix à payer. Mais elle n'en avait que faire, elle voulait uniquement fuir, être libre. La brune connaissait mieux que quiconque les recoins de la Haute-Tour, elle parvint aisément à leur échapper. La biche hâta le pas et se mit à courir, elle franchit une dernière porte et se retrouva dehors. L'obscurité l'enveloppa dans une étreinte sombre ; elle serait sanctionnée pour cet instant de liberté. Peu importait, elle respirait enfin.

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Dezbaa
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Dim 21 Fév - 17:38

Aiden Ruthendell
— Irritated ? I'm so sorry. —

Fouler. Le monde, ils le foulaient. Ils le piétinaient. Enfants capricieux. Tueurs de temps. Mange-mondes. « Proie, encore et toujours. Mais peut être aussi espiègle ? La désobéissance et la traque ne s'opposent pas, au contraire. Et si j'étais davantage une proie parce que je ne courbe pas l'échine ? » Ils te dévoreront. Parce que les prédateurs finissent toujours par gagner. Peut-être que ce serait lui, la bête qui la détruirait. Pourquoi pas ? Les intérêts et les affinités variaient aussi sauvagement que le ciel. Mais avant de tenter quoi que ce fût — si les circonstances se concrétisaient —, Aiden devait apprendre à la connaître. Il n'attaquait jamais ses ennemis dans l'ignorance. Il devait pouvoir les deviner, imaginer leur prochain mouvement, percer leurs secrets. C'était chaque fois un jeu dangereux, où il perdait inévitablement une partie du mystère qui, à leurs yeux, l'entourait. Mais c'était le prix d'une place dominante, c'était le prix pour s'assurer une survie plus tranquille. Parce qu'en dépit des ordures que la vie pouvait lui jeter à la figure, il voulait continuer à sentir son cœur battre. Il ne l'avait pas assez étudiée pour se risquer à la belle aventure de la mort.  « Et si je pense que la vie n'a pas d'intérêt ? Si je crois que c'est juste un évènement qui a débuté et qui s'achèvera ? Me diras-tu que j'ai tort ? Tu penses que ta vérité a plus de sens que la mienne, et bien soit. Je suis folle et tu es censé, voilà qui résout bien des choses. Et je meurs déjà Aiden, un peu plus à chaque seconde. Je ne suis seulement pas prête à ce que tout s'arrête... définitivement. » Il retint un brusque éclat de rire. Comme les rôles s'inversaient ! Seul un sourire transparut. La vie était inévitablement un événement qui débutait pour s'achever. Mais l'événement, comme son nom l'indiquait, devait en être un. Il y avait quelque chose entre le début — ce moment où ils sortent couverts du sang de leur première attaque, de leur première blessée, leur mère, en hurlant leur premier cri de bataille, le cri salvateur des poumons qui se décollent, celui qui veut dire « je suis vivant ! » — et la fin — cet instant où le dernier souffle s'échappe, libérateur, qui signe la fin d'un contrat de plusieurs années, aux termes de souffrances et de bonheurs, celui qui veut dire « j'ai terminé ! ». Ce quelque chose, c'était le cœur de leur existence ; ce qu'ils décideraient d'en faire. Le reste ne leur appartenait pas et ce morceau, ils le géraient à grand-peine. Tout les menaçait, le destin en premier.

Qu'est-ce que tu cherches ? Son visage se crispa ; corde sensible. Un mince sourire plissa les lèvres du génie. Il avait fini par voir juste, par trouver. Il fallait creuser en ce point pour éclairer la grotte ornée de diamants, ou le sanctuaire jonché de cadavres. « Ce que je cherche ? Mais qui es-tu Aiden ? Une personne de plus à vouloir répandre le mal. Tu voulais voir le monstre que je suis ? Comme les autres. » Encore une fois elle esquivait ! Elle virevoltait, se faufilait, se tortillait, glissait pour échapper à la question. Peureuse, lâche, pleutre. Il laissa échapper un souffle amusé. Elle le limitait à cela ? Elle le ramenait à cela ? Les incohérences fusaient ; il n'osait même plus les compter. Une minute il sauvait le monde, une autre il l'anéantissait. Il ne faisait aucun des deux. Il était sans doute plus intelligent que les autres, plus fourbe, plus perspicace, plus sournois, mais il restait un homme, un homme noyé dans la masse des autres, comme une goutte d'eau perdue dans l'océan. Il avait beau vouloir être à contre-courant, il était emporté par la même vague que tous les autres. Il suivait le flux et le reflux. Sans autre choix. Ils évoluaient tous dans le même monde. Il n'avait pas besoin de voir le monstre qui sommeillait dans le cœur d'Isabelle. Il n'avait même rien vu. Elle n'était qu'humaine. Aussi inhumaine qu'une humaine. « Et bien je suis là. Percée à jour, je joue un rôle comme tout le monde. Incapable d'être seulement... moi-même. Tu peux te réjouir tu as été le plus malin de nous deux, je me suis confiée - je ne sais pas vraiment pourquoi... Je t'ai laissée entrevoir un fragment de ce que j'étais. Vous avez gagné Monsieur Ruthendell, je vous félicite pour votre victoire. Malheureusement, vous n'apprendrez rien de plus sur moi. » Et, rageusement, elle se sauva. Comme la proie qu'elle était ; avec fébrilité et force.

Aiden la suivit des yeux un instant avant de se détourner. Ses pupilles se posèrent sur l'orbe ronde et blanche de l'astre nocturne. C'était une petite victoire. Il ne s'en contenterait pas. Il irait chercher plus loin. Elle jouait un rôle ? Qu'est-ce que c'était que « elle-même » ? Bien sûr qu'il était plus malin ! Il avait l'esprit pour. Enfant, il jouait souvent aux échecs avec son père. Il n'avait perdu qu'une seule fois. Il avait sacrifié sa reine pour sauver son roi. Jamais plus il ne jetterait la pièce maîtresse dans les douves criblées de pics. En suivant ce principe ultime, il avait toujours gagné. Il venait de parvenir à discerner une ombre floutée de la personnalité d'Isabelle, un mirage dilué. Elle s'était confiée parce que lui aussi avait appris à porter un masque et à valser parmi les comédiens. Le lion lui-même nécessitait parfois de paraître pour un lionceau. On se focalisait sur ses grands yeux emplis de douceur, sur son pelage soyeux, et on oubliait que sous les babines se cachaient les crocs, que derrière les coussinets se terraient les griffes. Il ferma les yeux, effaçant l'image de la lune assoupie. D'un mouvement, il pivota, puis rejoignit la salle de bal. Les couples n'avaient pas interrompu leur danse. La musique pulsait toujours. C'était comme s'il venait de s'isoler dans une bulle intemporelle. Il s'avança. « Aiden ! » Il tourna la tête et vit s'approcher une femme parée d'une somptueuse robe lilas. « Dame Sidna. » répondit-il avec un sourire. « Nous vous cherchions. » Comme elle arrivait à sa hauteur, elle passa élégamment son bras sous le sien. « Vous me cherchiez ? » Il arqua un sourcil. « Vous avez promis une danse à mon aînée. » - « Vraiment ? Je fais de drôles de promesses... » La jeune femme éclata d'un rire cristallin. « Ne lui causez pas du tort ! » - « Dans ce cas, vous conviendrez qu'il vaut mieux que je ne danse pas avec elle. Je crains qu'étant donné les temps qui courent... sa réputation en serait quelque peu ternie. » - « Mais... » Il leva la main pour l'interrompre. « Je suis certain qu'elle ne m'en tiendra pas rigueur, puisque je suis plus que sûr de ne jamais avoir proposé une telle chose. Passez le bonjour à votre père. » Avec délicatesse, il se défit de son emprise. « Aiden... » Il allait s'éloigner, mais il se ravisa et ajouta : « Et dites-lui, avec tout le respect que je lui dois, que je ne suis plus à sa disposition. Il a perdu sa place, et j'ai perdu la mienne. » Pour le moment. Viendrait un jour où Katharina aurait besoin d'un homme tel que lui. Il inclina la tête en guise de salut, et quitta la jeune dame.

Le déchu s'approcha du buffet et saisit une coupe de champagne. Il trempa ses lèvres et observa la foule. A l'autre bout de la salle se tenait la nouvelle régente. Elle ne lui faisait pas du tout confiance, et il ne lui en accordait pas plus. Il complotait dans son dos, et elle complotait dans le sien. Elle cherchait des preuves. Il essayait de les ruiner. Il plissa les yeux. De nouveaux combats s'annonçaient. Ils s'étaient dessinés à l'horizon, comme une imposante chaîne de montagnes sur un ciel de fin de journée, éclaté par les couleurs, dès que l'enfant-reine avait prononcé sa sentence. Mais il était prêt. Il recula d'un pas pour s'appuyer contre un large pilier. Il se laissa penser quelques minutes, scrutant la foule harmonieuse, puis se redressa, vida sa coupe d'un trait, la posa in extremis sur le plateau d'un serveur qui passait, et s'en alla.

Il dévalait les escaliers lorsque des bruits de ferraille et de pas martiaux vinrent ébranler la fragilité musicale qui tintait encore à son oreille. « Avance ! » grogna une voix masculine. « Elle aurait dû te laisser aux cachots ! » renchérit une autre, de femme. Ils étaient tout près. Il arqua un sourcil et se plaça sur la plate-forme qui joignait deux suites de marches. Dans le couloir, deux gardes tenaient fermement... la demoiselle Hart. L'inventeur eut un rire bref et discret. « C'est ce qui s'appelle tomber de Charybde en Scylla... » souffla-t-il pour lui-même. Il se glissa dans l'allée et fit comme s'il venait de les apercevoir : « Ah, vous voilà ! » lança-t-il en frappant dans ses mains, l'air réjoui. Les deux soldats froncèrent les sourcils. « Sa majesté souhaite que mademoiselle Hart et moi-même retournions à nos appartements. Elle a demandé à ce que je l'accompagne. » La guerrière laissa Isabelle aux mains de son collègue et s'avança vers Aiden. « Elle a exigé que vous soyez à la f... » - « Et elle a finalement estimé que c'en était assez. » Il eut un sourire poli, la tête inclinée à gauche. Elle le toisa, l’œil dur. « Si j'apprends que vous avez menti... » - « Je ne serais pas assez stupide pour me mettre dans une position encore plus délicate. » trancha-t-il sèchement. « Vous n'apprendrez rien. » - « Hum. » Elle fit un signe de tête et son collègue jeta la fuyarde dans les bras du menteur, comme s'il lui froissait hargneusement sur le torse une liasse de paperasse dérangeante. Dans des cliquetis, ils s'éloignèrent.

Comme elle le repoussait, il retira les mains qu'il avait posées sur ses épaules pour la rattraper. Il les garda levées devant lui. « Houlà, doucement ma biche, je ne vais pas te manger ! » Il sourit moqueusement. Elle chercha à s'en aller, mais il la retint par le bras. « Tatata ! Tes appartements sont de l'autre côté. » Il la ramena à lui et passa son bras sous le sien, puis l'entraîna dans la bonne direction. Les plans de la Haute-Tour étaient gravés en son esprit. Depuis l'arrivée de Katharina, les chambres étaient différemment occupées : il avait pris soin d'apprendre le lieu d'habitation des personnalités qu'ils jugeaient les plus importantes. Bien évidemment, il avait enregistré le parcours qui menait jusqu'à celle de l'ancienne conseillère. « Tu pourrais au moins faire semblant d'être reconnaissante... Bien qu'un merci, un tout petit merci, même minuscule, ne serait pas de refus. » Une étincelle de rire embrasait son regard charmeur. Elle avait l'air furibonde. Il l'avait agacée, et l'épisode brusque des soldats n'avait en rien arrangé son humeur. Mais, loin de l'effrayer ou de le rebuter, cela l'amusait. « Je t'ai donc vexée à ce point ? La grande Isabelle Hart fléchit sous l'impulsion de la colère ? Tu veux t'épancher encore un peu ? Je suis une épaule conciliante. Mais qu'apprendrais-je ? Qui es-tu, Isabelle ? Une personne de plus à vouloir répandre le mal ? » Il éclata d'un rire franc. Si seulement le monde pouvait être aussi manichéennement découpé ! Il se fatiguerait beaucoup moins.


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Ven 26 Fév - 21:07


Isabelle R. Hart
Pretty Angry 

L'étreinte de fer se referma sur elle et son coeur s'emballa. « Je te tiens sale garce. » Elle fut happée en arrière par son agresseur et plaquée au mur. Lorsque l'assaillant releva la tête elle put discerner ses traits affinés au clair de lune : une témérienne. L'autre lui broyait vigoureusement l'épaule et la jauchait du regard chargé de puissance de celui qui tyrannise. Isabelle eut un pauvre rictus, elle n'avait jamais compris qu'une femme puisse se montrer si cruelle avec son propre sexe. Il aurait été si aisé de la renverser et de détaler dans les rues familières de la cité, mais à quoi bon ? Si un cerf se casse une patte, il ne fuira pas ; l'animal préservera ses forces afin de faire face aux assauts. Et comme le roi des forêts, elle était blessée et affaiblie, il fallait attendre de guérir : sa réputation était brisée. « Je la tiens, Hémon. » La prisonnière détourna la tête pour ne pas laisser transparaître son dédain, ce soir, elle laisserait la geôlière jubiler.

Elle la poussa violemment en avant. « Avance ! » Isabelle traînait des pieds comme une enfant boudeuse, son répit avait été bref... Son escorte s'empressait de la ramener dans ses appartements, et elle restait impassible même lorsqu'ils empruntaient le mauvais chemin. La fête l'avait lassée et elle préférait ruminer sa colère en silence que de résister. « Elle aurait dû te laisser aux cachots ! » Elle stoppa net et fit volte face, prête à laisser échapper sa fureur. Finalement son calme extérieur n'aurait pas duré longtemps ! Elle fut brusquement interrompue, avant même d'avoir pu débuter son pourparler, par la plus importune personne : Aiden. « Ah vous voilà ! Sa majesté souhaite que mademoiselle Hart et moi-même retournions à nos appartements. Elle a demandé à ce que je l'accompagne. » Isabelle le dévisagea avec haine, quel mensonge inventait-il encore ? Elle refuserait tout bonnement de poursuivre sa route avec lui ! Mais avant même qu'elle ne puisse objecter, sa gardienne attaqua, piquée à vif. La jeune femme ne put réprimer un sourire victorieux, la garde n'était pas si stupide. Une fois encore Isabelle avait sous-estimé la ruse du bel inventeur, à moins qu'il ne s'agisse de son charme... Les soldats échangèrent un regard et d'un commun accord la livrèrent au plus vil prédateur.

Isabelle bascula contre le torse du génie et les bras de ce dernier se refermèrent sur son bassin. Elle le repoussa vigoureusement. Ses yeux incendiaient le jeune homme, elle sentait la colère l'envahir à nouveau. Elle se dégagea et serra compulsivement les mains pour se maîtriser. Au moindre faux pas, elle l'anéantirait. « Houlà, doucement ma biche, je ne vais pas te manger ! » Un sourire moqueur étirait ses lèvres rosées et elle tourna les talons. Aiden saisit son poignet au dernier moment, et la fit tourner dans la direction opposée. « Tatata ! Tes appartements sont de l'autre côté. » Argh. Il glissa son bras sous le sien, et il lui fut impossible d'en réchapper. Le jeune homme l'entraîna à sa suite dans les longs corridors de la Haute-Tour. La belle brune était déterminée à conserver le silence et à l'ignorer. « Tu pourrais au moins faire semblant d'être reconnaissante... Bien qu'un merci, un tout petit merci, même minuscule, ne serait pas de refus. » Elle leva les yeux au ciel, Aiden jubilait ; elle était à nouveau entre ses griffes de lion et il n'y avait là aucune reconnaissance à avoir. D'un instant à l'autre, il la dévorerait. En attendant, le beau ténébreux continuait de jouer avec elle. On en revenait toujours et inlassablement à la perversion du chat et de la souris. Elle hâta le pas, pressée d'en finir avec cette balade nocturne... de si bonne compagnie... « Je t'ai donc vexée à ce point ? La grande Isabelle Hart fléchit sous l'impulsion de la colère ? Tu veux t'épancher encore un peu ? Je suis une épaule conciliante. Mais qu'apprendrais-je ? Qui es-tu, Isabelle ? Une personne de plus à vouloir répandre le mal ? » Ils tournèrent à l'angle du couloir et s'engagèrent dans une volée de marches. Ne cesserait-il jamais de l'interroger ? N'en avait-il pas suffisamment appris à son sujet ? Il aspirait la moindre information la concernant, comme un chien suçotant un os. Ou plutôt comme un sbire. Et elle le laissa gagner, envahie par la frustration.

« Je ne suis pas vexée, seulement énervée...  » Il haussa un sourcil, provocateur... et Isabelle se mordit la lèvre pour ne pas le gifler. Il avait beau être prétentieux et agaçant, il n'en demeurait pas moins divin... Elle secoua la tête hantée par cette pensée, les retombées de l'alcool se faisaient sentir et elle désirait seulement rejoindre ses appartements maintenant. Aiden en avait décidé autrement : il s'était immobilisé, lui faisant face. « Très bien. » Isabelle plongea son regard dans celui ambré et verdoyant de son interlocuteur. « Je répondrai à tes questions. » La victoire se lut sur le visage de l'inventeur, et Isabelle sourit. Avait-il réellement cru qu'elle se livrerait si aisément ? « Seulement si tu réponds aux miennes. Et... sincèrement, pas de dérobade ! » Son visage d'ange s'assombrit et un instant elle le vit tel qu'il était : entre l'affable et le mal, le génie et l’égoïsme. « Tout a un prix Aiden, et la vérité n'y échappe pas. » Même si la jeune femme ne s'abaisserait jamais à le reconnaître, elle aussi était intriguée par son opposant. Obsédée par la seule idée de parvenir à le cerner, d'être la première à réussir... « Alors qui es-tu vraiment Aiden Ruthendell ? Si le masque tombait qui découvrirais-je ? Et ne prétends pas ne pas jouer de rôle pour conserver le dessus, je ne te croirais pas. » Elle fixa avec attention ses yeux émeraudes, guettant la moindre réaction, le moindre signe de faiblesse... Une trace d'humanité... « Et surtout que me veux-tu ? Qu'attends-tu réellement de moi ? » Isabelle se rapprocha jusqu'à ce que leurs souffles se mêlent. Il avait souhaité jouer, désormais aucun des deux ne pourraient se dérober.

« Et bordel, pourquoi ai-je l'impression que tu connais parfaitement le chemin jusqu'à mes appartements ?! »

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Lun 29 Fév - 22:24

Aiden Ruthendell
— Once upon a time... —

Aiden avait fait d'Isabelle sa prisonnière. Dès qu'elle était tombée dans ses bras, elle s'était condamnée. Il avait prononcé des mots qui s'étaient mués en une chaîne indestructible qui, au lieu d'attacher ses poignets, avait enlacé son esprit. De là, il avait tissé une épaisse toile autour d'elle, une toile qui l'enveloppait fermement. Une toile de curiosité. Elle était prise au piège. « Je ne suis pas vexée, seulement énervée...  » Moqueur, il arqua un sourcil. Elle se mordit la lèvre et secoua la tête. Elle semblait un tantinet agacée, mais il avait l'habitude de voir cette expression crisper le visage de ses interlocuteurs et ne s'en formalisait plus. Comme elle accélérait le pas, il s'arrêta, brisant par la même occasion l'élan de la course de la jeune femme. Il était là, le mécanisme du piège : vouloir résister, et s'y perdre encore plus. Il la jaugea, scruta son regard, mais ne dit rien. Le silence, en cet instant, valait mille mots d'or. Elle parlerait. « Très bien. » lâcha-t-elle. Le coin gauche de la bouche de l'inventeur remonta légèrement. « Je répondrai à tes questions. » Ah, elle répondrait ! Il sourit plus franchement. Pourtant, ce sourire était plus narquois que satisfait. C'était trop simple, il n'aimait pas les victoires faciles... et elle n'aimait pas les défaites lâches. « Seulement si tu réponds aux miennes. Et... sincèrement, pas de dérobade ! » Il plissa les yeux et ses sourcils se rapprochèrent imperceptiblement. Il s'attendait à un tout autre genre de contre-partie. En toute honnêteté, celle-ci ne pouvait pas tout à fait le surprendre, mais elle ne lui plaisait pas. Il allait devoir trouver un moyen de tourner ce jeu à son avantage. Son unique avantage, si possible. Cependant, il ne se méprenait pas : comme dans tout marché, il n'y aurait probablement jamais un unique gagnant. « Tout a un prix Aiden, et la vérité n'y échappe pas. » Fière de sa répartie, elle ne put s'empêcher de minauder, de pavaner. « Alors qui es-tu vraiment Aiden Ruthendell ? Si le masque tombait qui découvrirais-je ? Et ne prétends pas ne pas jouer de rôle pour conserver le dessus, je ne te croirais pas. » Elle oubliait simplement que le lion et le chat étaient cousins... et qu'Aiden retombait toujours sur ses pattes. Son air sérieux disparut, et il plissa les lèvres dans un nouveau sourire. Des masques, il en avait des centaines, des milliers. Ils en avaient tous autant. La question n'était pas de voir tomber le masque : elle était de trouver ceux qui paraissaient les plus authentiques. « Et surtout que me veux-tu ? Qu'attends-tu réellement de moi ? » Il sourit. « Ah... tu te le demandes bien, hein ? » rétorqua-t-il en haussant les sourcils. Il passa sa langue derrière ses dents, comme s'il affûtait ses crocs.

Puis, sans tarder, il se remit en route. Après à peine quelques pas, elle sembla percuter : « Et bordel, pourquoi ai-je l'impression que tu connais parfaitement le chemin jusqu'à mes appartements ?! » - « Ah mais ça n'est pas une impression ! Je sais parfaitement où tu habites, et je sais même pourquoi Katharina t'a enfermée là-bas. » Tout en marchant, il inclina la tête et leva les yeux vers le plafond. « Comme ça, je dirais bien que ça ressemble à l'histoire d'une très jolie princesse jetée dans un donjon par une méchante sorcière appuyée par un dragon... mais c'est un peu plus compliqué que ça, en réalité. Pas vrai ? » La chambre d'Isabelle se situait au milieu des autres logements, dans un couloir très fréquenté, et cet emplacement était loin d'être anodin. Il s'agissait d'une surveillance tacite, mais pas moins permanente. Le jeune homme montait les marches une à une, bien qu'il aurait préféré les gravir deux à deux. « Mais si on file la métaphore... » Il laissa un bref instant de suspens. « Si on la file... hum. Je pourrais difficilement être un preux chevalier — même si je suis certain que tu aurais été ravie que je tienne ce rôle — puisque je suis moi aussi enfermé... et probablement pas assez altruiste pour aller sauver une demoiselle en détresse. Peut-être un peu trop lâche, aussi. Enfin il faut dire que les dragons et les méchantes sorcières... ça n'a rien de rassurant. Pas que je justifie la lâcheté, hein ! Non non, la lâcheté, vraiment... » Il ne finit pas sa phrase, et ses pensées se perdirent dans l'air nocturne du château. « Bon, donc, pas de preux chevalier ou de prince charmant. Pas de princesse non plus, je me sentirais un peu offensé... » Un vague sourire glissa sur ses lèvres. « Ah... un autre sbire de la vile sorcière, peut-être ? Un sbire particulièrement maltraité et détesté dans ce cas. Mais après tout, c'est probable, je pourrais être un criminel qui essaie de se racheter pour ses crimes passés. Et qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour entrer dans les bonnes grâces de cette chère Katharina ? » L'ironie modelait son phrasé. Il aurait pu se jeter avec dévotion aux pieds de la reine, mais s'il ne l'avait pas fait dès le départ, cela ne présageait aucunement qu'il le ferait par la suite. A défaut de conserver sa place, il sauvegardait sa fierté. De toute manière, il n'avait pas besoin de la Témérienne. En revanche, elle aurait besoin de lui. « Et à part ça ? Un autre damné qui se traîne dans les cachots miteux de la reine maléfique ? Probable, très probable. »

Il posa le pied sur la dernière marche puis se glissa dans le corridor qui abritait la chambre d'Isabelle. « Alors, tu vois, Isabelle... qui je suis, c'est un amas de probabilités entremêlées. C'est plus que subjectif : c'est intersubjectif. Ça dépend de moi, de ce que je veux bien te montrer, de ce que je veux faire de toi, mais ça dépend aussi de toi, de ce que tu veux bien voir en moi, et de ce que tu veux faire de moi. » Arrivé devant la porte convoitée, il s'arrêta et se replaça face à la Vivendalaise. « En gros. Parce qu'on pourrait rajouter l'influence du lieu, du moment, bref du contexte, mais aussi l'avis des autres qui, bien évidemment, joue sur nos propres actions et sur ce que nous laissons entrevoir de nous-mêmes. » Il croyait sincèrement qu'ils avaient le choix de leurs actions, mais qu'ils avaient un choix limité. On les avait jetés dans des cases, des rôles. Ils s'y trouveraient jusqu'à leur mort, quand bien même ils lutteraient envers et contre tout pour s'en défaire. Les catégories, c'étaient les plus grosses et les plus solides des cages que l'on avait pu construire pour ranger les Hommes. « Partant de là... tu peux toujours essayer de chercher mon « vrai visage », de poser des questions pour me percer à jour... Je ne pense pas que tu arriveras à tes fins. Et si tu y arrives, eh bien... tu auras gagné ton pari, et tu seras bien déçue. On aura perdu la beauté d'une relation : le mystère. N'est-ce pas là ce qui fait tout tenir ? » Le mystère, le secret, l'inconnu. Tant de raisons de poursuivre le chemin que l'on avait emprunté. « Je crois profondément que sans ça, l'autre n'a plus d'intérêt. Mais vas-y, pose tes questions, et j'y répondrai. » Aussi honnêtement qu'un menteur comme lui pouvait le faire.

Il la toisa, enfin muet. Il n'avait pas répondu à son autre interrogation, et il le savait pertinemment. Mais il n'attendait rien d'elle. Il avait arrêté d'attendre quelque chose des gens. Du moins, quelque chose qui eût un sens, de la valeur. Les Hommes n'avaient plus rien d'authentique. Ils avaient tout vendu pour le pouvoir, l'argent, la connaissance. Il avait tenté de déterrer des bribes de diamant brut chez certains, mais il n'était tombé que sur des roches artificielles. Aussi, il avait arrêté d'attendre ça. Désormais, il s'attaquait à ceux qui se trouvaient si bien emmurés qu'on avait même de la peine à voir les cailloux contrefaits... il se heurtait à ceux qui se montraient les moins authentiques. Le goût du défi, peut-être ?
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Sam 2 Avr - 18:08


Isabelle R. Hart
Not impressed

De quoi as-tu peur ? Du vide. De ce vide infini et perpétuel qui engloutit tout et qui réduit à néant. Qui défie toute logique. Qu'adviendrait-il demain si je n'étais plus là ? Et si mon existence entière définissait les limites de ce monde... Cesserait-il de vivre avec moi ? Je ne suis simplement pas prête à disparaître. C'est présomptueux mais je dois marqué cet univers, le changer et le façonner. Nous sommes des être humains, de véritables héros. Je suis faible et forte, courageuse et lâche. Je suis la création de ce monde qui m'environne : un monstre, un ange. Simplement, un immuable signe d'humanité.

Libre, mais entravée. Captive, et épargnée. Le poids de la véracité pesait sur sa poitrine, l'empoignant, l'étouffant et pourtant elle ne se sentait jamais si légère que dans ces moments. Son adversaire avançait : elle suivait. Il pensait gagner, vaincre peu à peu ses réticences et étaler ses conquêtes sur un territoire humain de plus. Aiden se leurrait, le monstre Hart était de ces êtres que l'on ne peut posséder. Si elle venait à disparaitre, Isabelle signerait sa fin de ses propres mains. Elle cheminait silencieusement à ses côtés. Le jeu s'achevait... tout du moins cette partie. La jeune femme était prête à le laisser gagner, cela n'aurait aucune incidence. Il savait, ou plutôt pensait savoir. Très bien, elle n'ajouterait rien. Il entama prétentieusement la narration d'une fable. « Comme ça, je dirais bien que ça ressemble à l'histoire d'une très jolie princesse jetée dans un donjon par une méchante sorcière appuyée par un dragon... mais c'est un peu plus compliqué que ça, en réalité. Pas vrai ? » L'interrogation lui arracha un sourire, Aiden Ruthendell voulait tout maîtriser. Être insensible pour devenir invincible, infaillible. Mais ne perdait-il pas quelque chose d'essentiel en chemin ? « Mais si on file la métaphore... hum. Je pourrais difficilement être un preux chevalier — même si je suis certain que tu aurais été ravie que je tienne ce rôle — puisque je suis moi aussi enfermé... et probablement pas assez altruiste pour aller sauver une demoiselle en détresse. Peut-être un peu trop lâche, aussi. Enfin il faut dire que les dragons et les méchantes sorcières... ça n'a rien de rassurant. Pas que je justifie la lâcheté, hein ! Non non, la lâcheté, vraiment... » L'aurait-elle voulu, aurait-elle aimé qu'il soit son sauveur ? Elle baissa la tête se concentrant sur la régularité de ses pas, ses cheveux bruns se balançant en rythme. L'inventeur était complexe, en tout point, mais ne l'était-elle pas aussi... A deux, ils avançaient, gravissaient encore et toujours les escaliers en colimaçon. Les spirales de la vie, du questionnement. « Bon, donc, pas de preux chevalier ou de prince charmant. Pas de princesse non plus, je me sentirais un peu offensé... Ah... un autre sbire de la vile sorcière, peut-être ? Un sbire particulièrement maltraité et détesté dans ce cas. Mais après tout, c'est probable, je pourrais être un criminel qui essaie de se racheter pour ses crimes passés. Et qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour entrer dans les bonnes grâces de cette chère Katharina ? » Un sourire synchrone étira leurs lèvres carnassières ; celui d'Isabelle était davantage empathique que moqueur. Il était le sbire, l'être qui souffrait. Seul. Par choix ? Non. La noble refusait de le croire, Aiden avait fait de cette solitude une nécessité pour conserver le dessus, pour ne pas s'exposer. Sa poitrine se soulevait légèrement au gré de ses inspirations, elle aimait écouter ce gage de réalité je-suis-toujours-en-vie,tout-du-moins-pour-le-moment. Leurs souffles respectifs se mêlaient, celui du jeune homme davantage rauque et moins régulier.

« Alors, tu vois, Isabelle... qui je suis, c'est un amas de probabilités entremêlées. C'est plus que subjectif : c'est intersubjectif. Ça dépend de moi, de ce que je veux bien te montrer, de ce que je veux faire de toi, mais ça dépend aussi de toi, de ce que tu veux bien voir en moi, et de ce que tu veux faire de moi. » Oui, elle voyait même très bien... Elle était piquée par ce besoin, cette obsession, de savoir, de comprendre... Isabelle s'était acclimatée à souffrir, il lui semblait même certains jours que l'heur ne lui conviendrait pas. Elle avait besoin de ce mal intérieur pourrait être stimulée, éveillée. Aimait-elle souffrir, se perdre peu à peu ? Peut-être. Il s'immobilisa et lui fit face, leurs yeux se rencontrèrent à nouveau. « En gros. Parce qu'on pourrait rajouter l'influence du lieu, du moment, bref du contexte, mais aussi l'avis des autres qui, bien évidemment, joue sur nos propres actions et sur ce que nous laissons entrevoir de nous-mêmes. » Fréquenter le génie était étourdissant, vertigineux. Mais Isabelle n'avait jamais été de celles qui repoussent l'ivresse des actes, des mots, des sentiments. Durant toute cette soirée, elle avait affirmée ne pas vouloir entrer dans le jeu, elle avait prétendu être forte, bien plus forte que lui. Maintenant, elle se dédisait. Et si ce qui lui manquait était un être similaire et opposé pour l'entraîner un peu plus - toujours plus - dans les tréfonds des ténèbres ? Arianna l'avait abandonné, plus rien ne la retenait.

« Partant de là... tu peux toujours essayer de chercher mon « vrai visage », de poser des questions pour me percer à jour... Je ne pense pas que tu arriveras à tes fins. Et si tu y arrives, eh bien... tu auras gagné ton pari, et tu seras bien déçue. On aura perdu la beauté d'une relation : le mystère. N'est-ce pas là ce qui fait tout tenir ? » Cette fois la jolie brune lui répondit par un rire franc. Il la jaugea de ses prunelles interrogatrices, incapable de comprendre la réaction. « Je suis admirative Aiden, vraiment. » Elle se détourna et reprit son ascension, le visage éclairé par l'espièglerie. « Vivendale a raison de te craindre, ton intelligence est époustouflante. Je ne le nierai pas... et je ne prétendrai pas l'être davantage. Mais, émotionnellement... il me semble te devancer. » Elle accéléra sa démarche féminine et féline, ils arrivaient à termes... plus que quelques volées de marches. « Derrière chaque masque, aussi nombreux soient-ils, la vérité reste perceptible. Je suis loin d'avoir tout déceler, c'est certain. Mais je sais désormais que tu as peur, terriblement peur... » Pourquoi.  Le Vide. Le saurait-elle un jour ? Quant au mystère d'une relation, était-ce vraiment ce qu'il attendait... se lier d'une quelconque manière à la fulgurante Isabelle Hart. Il poursuivit. « Je crois profondément que sans ça, l'autre n'a plus d'intérêt. Mais vas-y, pose tes questions, et j'y répondrai. » L'ascension s'achevait : ils avaient atteint l'étage des damnés, l'enclavement de la jeune femme. Elle marqua un instant, se figea. Elle devait savoir avant de poursuivre... « Te souviens-tu ? »  Elle retint son souffle.

La silhouette vengeresse s'approchait toujours plus de son dessein final : la mort du tueur. Elle avait aisément passé la troupe de garde, aguichant et accolant d'un faux sourire prude. Ils avaient manqué à leur devoir, elle était irrésistible. Elle grimpait à présent quatre à quatre les marches de la tour Est, son excitation grandissait d'instant en instant, simultanément avec son appréhension. La cape noire ondulait à sa suite, elle était sulfureuse, dangereuse. La froideur se répandait dans son coeur au contact de la fiole de verre, cachée dans son corset : arsenic. Quelques gouttes dans son vin de nuit, et il disparaîtrait à jamais. L'abominable créature cesserait de hanter ses nuits. Elle s'envola par dessus la dernière volée de marches et retomba félinement sur ses pieds. Isabelle ne perdit pas un instant, elle poussa sur les lourdes portes et elles glissèrent sur leurs gongs. Elle se précipita à l'intérieur du bureau de Jason et repéra la clef de son acte : une bouteille de la cuvée favorite de l'assassin. Elle avait choisi : à quatorze ans elle deviendrait à son tour, une meurtrière. Mais pas n'importe laquelle, une vengeresse. Elle déboucha soigneusement la bouteille veillant à ne pas briser le cachet de cire. Isabelle se dévêtit laissant tomber sa cape au sol et sortit le poison de son décolleté. Elle en déversa le contenu dans le vin et le reboucha. Ce pouvait-il que ce soit vrai ? Elle avait réussi ! Jason Airwell était un homme mort ! Le plancher grinça derrière elle et la bouteille lui échappa, venant s'écraser au sol dans un fracas de verres. Le liquide rouge se répandit dans la pièce. Non ! Elle fit volteface prête à affronter le Haut-Gouverneur. Sa main gauche se referma dans son dos sur la lame froide d'un poignard. Elle croisa le regard d'un garçon de dix-huit ans tout au plus. Ce pouvait-il que cet être si jeune soit le génie dont tous parlaient ? Le chien des Trois. L'animosité se lut sur son visage, un traître de plus à la merci des rouages de Vivendale. Au loin, des armures se firent entendre. Elle esquissa un pas pour fuir mais il bondit et l'intercepta. Isabelle se débattit mais le jeune homme était bien plus grand qu'elle, un sourire sournois se dessinait peu à peu sur ses lèvres. « Isabelle Raven Hart, la prunelle du grand Jason... venu ici pour le tuer ? » La lame siffla et se posa sur le cou de cygne du garçon. La surprise se lut dans ses yeux mais son sourire redoubla. « Un geste de plus et je t'égorge chien. » Il n'en tint pas compte et la renversa en arrière faisant voler le poignard. Elle s'abattit sur le sol, le souffle coupé. Elle voulut fuir mais déjà il la retenait et la relevait. La belle voleuse était prisonnière de ses bras, sa corpulence et carrure féminine insignifiante face à la force du cerbère. Elle lui cracha au visage telle une furie. « Qu'attends-tu ? Dénonce-moi ! Malheureusement, je crains que ça n'aura pas l'effet escompté. Jason, au lieu de t'estimer, te tuera pour ne pas ébruiter ma trahison. » Isabelle le défia du regard mais contrairement à bien des gens, il ne cilla pas. Au contraire, elle eut soudainement envie de reculer, comme pousser dans ses retranchements. Elle fuit résolument le mélange d'obscurité et de lumière dans les yeux d'Aiden. Elle était intimidée, quelque chose en elle lui souffla qu'un jour, elle saurait lui faire face. Il la relâcha finalement et elle recula toujours soustraite à l'étrange magnétisme du beau brun. « J'ai rêvé qu'un jour cette grande cité serait sauvée, unifiée. Cela ne vaut-il pas le coup d'attendre, Isabelle ? »

L'adolescente n'avait pas répondu et s'était enfuie, mais aujourd'hui encore la jeune femme s'interrogeait sur ces paroles.  « Alors te souviens-tu de ce rêve d'une ville unifiée ? » Mais derrière cette question se cachaient d'autres mots pourquoi-as-tu-cédé-à-l'obscurité, quel acte avait signé le changement inaliénable de l'inventeur ?

Isabelle s'adossa contre la porte de ses appartements, le regard voilé par de nombreux doutes.  « Je ne suis pas sûre de devoir te laisser entrer Aiden Ruthendell... » Entrer dans ces lieux, dans mon intimité, dans ma tête.
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Dim 3 Avr - 1:13

Aiden Ruthendell
— Faithful memories —

Souvenirs. Isabelle s'arrêta. Souvenirs. Le temps s'était figé. Souvenirs. Il inclina la tête. Souvenirs. Le mot retentissait au rythme de ses battements de cœur. Souvenirs... Survivances. Ils sont ce qui n'est plus ; les instants morts. Pourtant, ils demeurent vivaces ; présents dans l'absence. Ils ont échappé à l'oubli, ils ont trouvé un refuge dans le cocon mémoriel. Ils attendent au chaud qu'on les y réveille. Et les mots d'Isabelle avaient eu ce pouvoir : les ramener depuis les limbes. A la vérité, il ne les avait jamais totalement écartés. Sa mémoire démentielle ne le lui permettait pas. Il était voué à se rappeler du passé avec une exactitude dérangeante. Il s'agissait du coût pour pouvoir retenir autant d'informations. La mémoire ne discrimine pas. Elle prend tout : chiffres, lettres, joies, colères, tristesses, hontes... tout. Même l'ancien soi, elle ne le rejette pas. Elle l'accueille, le chérit, le materne, jusqu'à ce que vous y songiez une nouvelle fois avec une mélancolie tremblotante aux envies annihilatrices.

Il ne dort pas. Derrière la fenêtre, la voie lactée défile à mesure que la nuit progresse. Il est assis sur le rebord, les genoux ramenés contre le torse, le menton posé dessus. Il regarde les étoiles. Il les compte. Impossible de s'endormir. Rien à faire. L'ennui nocturne, à la fois morne et étincelant. Il ferme les yeux. Cinq minutes passent. Puis il quitte le rebord de la baie vitrée. Ses pieds nus rejoignent le sol froid. Sans bruit, il se dirige vers la porte et sort de sa chambre. Les couloirs de la tour Est sont tranquilles. Pas vides, mais tranquilles. Les gardes veillent, la lance fermement tenue. Ils ont l'habitude des errances du jeune inventeur. Ils ont arrêté de lui demander à chaque fois où il se rendait, voire de le suivre, pour certains. Il fait désormais partie du décor. Il est comme cette souris qui sort de son petit trou chaque soir à la même heure. Il ne dérange personne.

Aiden laisse ses pas le guider. Seules quelques semaines ont passé depuis qu'il est au service des Trois. Il découvre encore. Chaque nuit, il s'aventure plus loin dans les allées de la Haute-Tour. C'est comme un jeu. Hier soir, il s'est arrêté à cette dalle. Il la reconnaît parce que son coin supérieur gauche est fendu, et parce qu'elle est enchâssée à un croisement. Il prend à droite. Il observe autour de lui. Dans ce corridor, il y a la chambre de Jason. Il se rappelle avoir étudié les plans : il habite dans les environs, et il est sûr que c'est ici. Au fond, il aperçoit une porte entrouverte. C'est cette porte. Il s'approche. Il a le pas certain. Derrière les murs, des bruits se font entendre. Il fronce les sourcils. Jason n'est pas dans sa chambre. Les jeudis soirs, il reste dans la salle commune avec Alan et Julianne. Il arrive devant l'embrasure. Sa tête devant la fente, il scrute. Une ombre se défait de sa cape, qui chute sur le sol. C'est une silhouette frêle qui se dessine, celle d'une adolescente, toute jeune. Il pousse l'un des battants et se glisse dans la pièce. Elle dégaine une fiole, qui brille sous la lumière lunaire. D'un geste précipité, elle en vide le contenu dans une bouteille. Le brun avance encore. C'est le pas fatidique : le plancher s'exprime.

La bouteille s'éclate ; le verre vole. Elle fait volte-face. L'épouvante et la détermination se déchirent sur ses traits. Puis, la surprise. Enfin, la hargne. C'est Isabelle. Isabelle Hart. La fille adoptive de Jason Airwell. Il a déjà croisé ses boucles brunes et ses yeux malicieux. Chant métallique. Aiden arque un sourcil. Elle se jette en avant pour fuir mais il se décale à temps et lui attrape le poignet. A l'aide de son poids, il la pousse et remonte sa poigne sur son bras pour la tenir plus fermement. Les portes sont derrière eux : ils ne sont plus visibles. Quiconque passerait ne verrait qu'une pièce vide. Nul ne serait assez averti à cette heure pour noter la présence d'une étoffe et de verre brisé, d'autant plus que les deux éléments se fondent dans le tapis qui recouvre le sol.

Le jeune homme a le dessus. Il est plus grand et plus fort. Elle se débat, en vain, mais s'obstine. Il sourit moqueusement, et le ton donné se ressent dans ses propos : « Isabelle Raven Hart, la prunelle du grand Jason... venue ici pour le tuer ? » Pour quels motifs ? Il plonge ses yeux dans les siens. Il y a déjà vu ce qu'ils reflètent. Il l'a vu parce que c'est le regard que la jeune fille dédie à son beau-père. Le dégoût et la colère. Il n'a fait que constater. Il ne connaît rien des secrets tumultueux qui agitent tant d'amertume.
Un sifflement tranche l'air. Surpris, il a un mouvement de recul et resserre son emprise sur elle ; ses phalanges blanchissent. Soudain, il sent une présence froide sur sa gorge ; une lame. Il fronce les sourcils, puis plisse les yeux, avant de laisser son sourire s'étendre, et sa poigne se relâcher très légèrement. « Un geste de plus et je t'égorge, chien. » Il retient un rire. Il apprécie : elle a de l'audace, et il aime les gens qui osent en faire preuve. Peut-être n'est-ce que le chatoiement de son narcissisme qui se projette sur ce qui l'entoure, parce que lui aussi est un insolent, un tenace.

Contre-balance, balayette, poussée, et il la projette à terre. D'un coup de pied, il envoie le poignard dans un coin. Tintement. Avec empressement, elle essaie de se retourner pour s'échapper mais, plus rapide, il se penche, la rattrape et la force à se relever en la ramenant contre lui, les deux mains sur ses épaules. « Qu'attends-tu ? Dénonce-moi ! Malheureusement, je crains que ça n'aura pas l'effet escompté. Jason, au lieu de t'estimer, te tuera pour ne pas ébruiter ma trahison. » A ses paroles, son sourire reparaît. Il se mord la lèvre puis la laisse glisser entre ses dents, occasionnant ainsi l'apparition d'une petite moue. A dire vrai, il s'avère plus amusé qu'inquiété. La dénoncer ne fait pas partie de ses plans. Jusqu'à présent, il n'a pas agi autrement que pour lui éviter de se faire repérer. Même si, évidemment, cela lui permet de ne pas se faire remarquer non plus.
Finalement, il la lâche. Elle recule. Elle doit être patiente.
Il faut que tu sois patiente Isabelle, parce que j'ai un rêve. « J'ai rêvé qu'un jour cette grande cité serait sauvée, unifiée. Cela ne vaut-il pas le coup d'attendre, Isabelle ? » Elle le fixe sans vraiment comprendre. Son regard a perdu son animosité. Tout au plus, il est farouche, mais surtout, il traduit une méfiance fascinée, ou une fascination méfiante — les deux se complètent et s'équivalent lorsqu'il s'agit de l'inventeur. Elle ne répond pas. Silence. Hésitation. Rupture. Elle prend la fuite et, cette fois, il ne la retient pas. Les soldats sont partis.

Ce soir-là, il avait sauvé Isabelle. Après qu'elle s'était enfuie, il avait nettoyé la chambre. Il avait rangé le poignard à sa ceinture, réuni les débris, essuyé le vin empoisonné, pris la cape dans ses bras. Jason avait dû croire à un vol. S'il s'en était fâché, il aurait été redevable de savoir que sa vie, par un coup du destin, avait été épargnée. Mais ce n'était pas de cela que la noble parlait. Elle se souvenait des mots du génie, de ses espoirs pour Vivendale. Peut-être aurait-il dû la laisser tuer Jason. Les choses auraient, pour tous, été bien différentes. Leur rencontre avait bouleversé le cours des événements. Elle avait été le point de retournement de la courbe du fatum. Ils avaient bondi sur l'une des mains de la balance. Sans même le savoir, ils avaient créé l'équilibre qui avait perduré si longtemps, à coup de manipulations, de traîtrises et de mensonges pour couvrir le tout. Ils auraient dû appréhender ces retrouvailles qui suivaient la Guerre d'Un Jour. Ils n'étaient pas à l'abri d'eux-mêmes. Jamais.

« Oui, je me souviens. » Il ramena ses iris émeraude à la réalité, à elle. « Je me souviens de ce que je t'ai dit ce soir-là. » Il haussa un sourcil et inspira brièvement. « Il faut croire que ce rêve n'a été que ce qu'il a été : un rêve. C'est sans doute dommage, mais c'est ce qui arrive le plus souvent. » Un sourire, encore, vint tirer ses lèvres. « A quoi t'attendais-tu ? » Double réponse.
Première. Ils n'avaient pas agi ce soir-là. Le plan d'Isabelle avait avorté. Ils avaient compromis le destin dont il avait parlé. Deuxième, en sous-titre, en secret. A ce que je ne change jamais ? Mais les gens changent, Isabelle, désolé de te l'apprendre. En bien, en mal, peu importe. Ce qui compte, c'est la façon dont toi tu vis ce changement. Peu avaient aimé la transformation d'Aiden, mais ils avaient été les plus importants. Beaucoup l'avaient détestée, mais ils n'étaient que de petites particules poussiéreuses dont l'orgueil se défaisait aisément.

« Tu l'as dit toi-même. Tu me surpasses émotionnellement. Je te surpasse en intelligence. Tu es une femme du cœur, et moi un homme du cerveau. Toi, tu changes par rapport à tes principes... à... à ce que tu ressens, à ce que tu crois juste, parfois à ce que tu es obligée de faire, mais tu... tu en tires toujours une expérience émotionnelle, qui renforce... tes sentiments, tes convictions et tes attentes. » La gestuelle accompagnait ses mots, qu'il pesait. « Moi je ne pense pas avec le cœur. Je suis rationnel, et si j'ai un choix à faire, je le fais avec ma tête. Qu'est-ce qui rapporte le plus, qu'est-ce qui rapporte le moins ? Comme toi, j'ai changé... mais pas de la même manière. » Il s'arrêta. Rationnel... des bribes de mémoire lui revenaient. Rationnel... « J'ai arrêté d'espérer pour Vivendale. Cette ville est pourrie jusqu'à la moelle. » Il faisait partie de ces bactéries qui la gangrenaient. Katharina était arrivée, alors désormais il rongeait son os. Il n'avait plus rien à se mettre sous la dent, le lion. Il parcourut des yeux le visage d'Isabelle. « C'est ça. C'est ce que je disais tout à l'heure. Il a fallu que je devienne un lion. C'était une question de survie. » Il leva les yeux au plafond et pinça les lèvres. « A partir de là... oui, le lion a plusieurs masques. Il lui faut se montrer dangereux même lorsqu'il préférerait être tendre, cruel lorsqu'il éprouve de la pitié, ou au moins de la compréhension... et oui, peut-être qu'il agit ainsi parce qu'il a peur. Peur de perdre sa place, peur d'être éliminé. Peut-être. » Mais Aiden ne s'était jamais caché d'avoir peur. Il haussa les épaules. Il était lâche. Il se le répétait chaque jour depuis des années et des années. Lâche. Couard. Pusillanime. Traître. Veule. Turpide. Les qualificatifs ne manquaient pas : il avait eu le loisir de varier, de composer des gammes et de jouer des camaïeux.

Il s'inclina légèrement vers la jeune femme. « Satisfaite de la réponse à ta première question ? » Le jeu avait commencé. Il était prêt à s'y plier, au prix, comme de coutume, de courbettes et d'esquives, d'arguments et de surprises. « Toujours pas sûre de "devoir" m'ouvrir ? » Il se pencha un peu plus et posa une main sur la poignée de la porte. « Je dirais plutôt que tu n'es pas sûre de vouloir connaître la suite. » Finalement, ce n'était plus une question de devoir, mais d'envie. « J'ai dit que je répondrai à tes questions. Je le ferai. Si tu ouvres la porte... Chacun son tour, Isabelle. » Son sourire revint, malin. A moi de rentrer dans un monde de souvenirs bousculés.


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Mer 6 Avr - 22:20


Isabelle R. Hart
Weakness and strength

Tick, oscillation vers la droite, tock, fluctuation vers le bas. L'aiguille se soumet à un inlassable mouvement de va-et-vient. Elle bat cette même et perpétuelle cadence au sein de l'horloge. Tick, changement vers la gauche, tock, attraction vers le haut. Il suffit de tendre l'oreille pour succomber aux battements réguliers de ce cœur mécanique. Le temps définit l'ensemble de nos perceptions : le mouvement, la célérité, la durée. Il est omniprésent et chacun de nous y est soumis. Nous naissons avec un nombre d'années, de mois, de jours, d'instants à vivre après quoi nous succombons. Time out. Et, si l'on s'aventurait à briser les règles du temps ? S'il devenait secondaire et non plus primordial, vivrions-nous aussi passionnément ? Amour, haine, violence, joie, tristesse, félicité, deuil. Break time. Il ne s'agirait plus de survivre mais de vivre pleinement, plus de début, de fin, de milieu seulement l'infini.

Isabelle se déroba au tumulte du temps, et reprit ses esprits. Elle était assise en tailleur à même le sol, sur l'une des nombreuses peaux de bêtes de la pièce. La jeune femme dessinait des cercles dans la fourrure de l'animal, songeuse. Non loin, Aiden patientait... attendait que lady Hart daigne poursuivre l'histoire. Elle n'était pas sûre d'en avoir envie ; ils n'étaient au mieux que deux menteurs, deux usurpateurs. Alors, à quoi rimait cette entière mascarade ? A rien. Ce n'était qu'un divertissement de plus, un moyen de passer le temps. Feindre de vivre légèrement pour fuir la persistance de la réalité, c'était là le sens de leur jeu sadique. Isabelle se rappelait parfaitement sa mère lui avouant que là, où les hommes jugeaient l'instant trop bref, elle ne voyait qu'une éternité séparant le moment présent du suivant. Madame Airwell n'aurait pas pu voir plus juste dans la personnalité de son unique fille... Elle se décida finalement et se leva, la noble était agacée. La jeune femme donna un coup dans la bouteille vide qui roula et vint se fracasser au pied d'une armoire. Il lui fallait remonter à la source, isoler l'élément perturbateur et y mettre un terme. Elle se concentra sur un lointain bourdonnement, se figea sous le regard averti du lion puis repartit en direction de l'immense horloge en bois noir. Elle s'immobilisa, tendit l'oreille - le balancement de l'aiguille lui parvenait irrégulier et saccadé. Tout finit par être cassé. Rien ne résiste au temps, aurait-elle pu ajouter. A la place de quoi, elle abattit son poing sur l'édifice en bois, une fois, puis deux et encore un troisième coup. Pas la moindre cassure, rien. Elle fouilla dans toute la pièce, vidant les tiroirs et renversant leur contenu au sol. Ce n'était pas ses appartements, tout du moins, plus maintenant : la trace de Katharina était partout. Isabelle finit par dénicher un coupe-papier et repartit à la charge : elle glissa la lame dans une commissure de l'horloge et fit sauter un à un les gongs de fer. La lourde porte s'abattit au sol dévoilant le gong : le cœur du temps. Il se balançait faiblement, en démesure. Un instant la belle brune contempla son mouvement, puis résolue, elle bloqua l'objet à l'aide d'un tisonnier. Elle fit volteface et son visage s'éclaira d'un sombre sourire, elle venait métaphoriquement d'arrêter le cours du temps.  « Comment en sommes-nous arrivés là, Aiden ? » Elle soupira puis fixa son attention sur les aiguilles du cadran. Elles pointaient toutes les deux sur le chiffre romain trois. La nuit atteignait son apogée et l'astre lunaire les dominait de toute sa splendeur. Son sourire s'éteignit peu à peu, bien vite remplacée par cet obsédant besoin de savoir : savoir pour maîtriser. D'un geste rapide elle brisa le cadran et les débris de verre vinrent s'éparpiller au sol. Il lui fallait remonter aux origines pour comprendre. Ses doigts se posèrent délicatement sur les aiguilles en argent. Et s'il suffisait d'aller à contre sens ?

* * *

Le lion darda sur elle ses intenses iris vertes, il venait de se dérober au songe d'un temps passé. « Oui, je me souviens. » Les yeux de la jeune femme pétillèrent, et elle releva la tête vers lui, attendant qu'il poursuive. « Je me souviens de ce que je t'ai dit ce soir-là. Il faut croire que ce rêve n'a été que ce qu'il a été : un rêve. C'est sans doute dommage, mais c'est ce qui arrive le plus souvent. » Isabelle inclina la tête de côté, déçue intriguée : chaque fois qu'elle faisait tomber son masque, l'inventeur lui en présentait un nouveau - plus sombre et toujours plus complexe. « A quoi t'attendais-tu ? » Mordante, elle répondit de chef à sa rhétorique. « Me faut-il vraiment répondre ? » Leurs regards se rencontrèrent à nouveau, fougueux et déterminés. Elle fuit résolument le mélange d'obscurité et de lumière dans les yeux d'Aiden. Elle était intimidée, quelque chose en elle lui souffla qu'un jour, elle saurait lui faire face, avait-elle pensé lors de leur première rencontre. Mais aujourd'hui Isabelle n'était plus une enfant, elle s'était métamorphosée en une femme avertie.

« Tu l'as dit toi-même. Tu me surpasses émotionnellement. Je te surpasse en intelligence. Tu es une femme du cœur, et moi un homme du cerveau. Toi, tu changes par rapport à tes principes... à... à ce que tu ressens, à ce que tu crois juste, parfois à ce que tu es obligée de faire, mais tu... tu en tires toujours une expérience émotionnelle, qui renforce... tes sentiments, tes convictions et tes attentes. » Une femme au cœur noir, au jugement obscurci. Il était loin d'imaginer les actions menées par Isabelle dans l'ombre. « Moi je ne pense pas avec le cœur. Je suis rationnel, et si j'ai un choix à faire, je le fais avec ma tête. Qu'est-ce qui rapporte le plus, qu'est-ce qui rapporte le moins ? Comme toi, j'ai changé... mais pas de la même manière. » Aiden n'en disait jamais assez, tout n'était qu'implicite et non-dits. Lui et la terrible Hart jouaient sur tous les terrains : éloquence, mise en scène, rôles, manipulation. Ils tentaient de se glisser entre les mailles du filets chez l'autre, réciproquement. Mais il y aurait-il un gagnant à l'issue de cet affrontement ? Ou exclusivement deux perdants, deux êtres brisés.

« J'ai arrêté d'espérer pour Vivendale. Cette ville est pourrie jusqu'à la moelle. » Il était difficile de revendiquer le contraire... d'autant plus pour quelqu'un ayant grandi parmi les plus sombres protagonistes de la cité ! Pourquoi rester alors ? Tous les deux avaient eu maintes occasions de déserter la ville : ils ne l'avaient pas fait. Quels sombres aspects de leur existence les poussaient à demeurer sur ces terres maudites ?

Les yeux de l'inventeur la détaillèrent avec attention, il tentait de lire en elle. « C'est ça. C'est ce que je disais tout à l'heure. Il a fallu que je devienne un lion. C'était une question de survie. » Survivre. Ce mot était omniprésent dans leur bouche respective. Aiden se pinça les lèvres, il était séduisant. Terriblement. Le génie dégageait une sorte de magnétisme dans chacun de ses gestes, dans chaque parole. Son interlocuteur était impitoyablement invité à se rendre et à s'écraser devant tant de charmes. Au demeurant, Isabelle restait indifférente à ses qualités physiques - tout du moins elle les relayait au second ordre - l'enfant du vice avait depuis longtemps compris que les plus belles fleurs étaient les plus dangereuses : un poison à l'état pur.

Aiden s'inclina légèrement et elle lui répondit par une moue ironique. « Satisfaite de la réponse à ta première question ? » La belle insolente le défia du regard, elle savait quel genre de partie se jouait entre eux, et elle ne s'avouerait pas aisément vaincue. « Pour cette fois... oui. » Le jeune homme s'était dangereusement rapproché de la porte, et Isabelle résista avec peine à l'envie de se mettre sur la pointe des pieds pour lui tenir tête. Le sourire de son adversaire s'élargit davantage encore, dévoilant une nouvelle série de dents blanches. La Hart oscillait à présent entre agacement et amusant. « Toujours pas sûre de "devoir" m'ouvrir ? Je dirais plutôt que tu n'es pas sûre de vouloir connaître la suite. » Elle ne put retenir un petit rire quitte à froisser l'ego de monsieur Ruthendell - quelle prétention ! Isabelle songea au génie inscrivant sur feuille quelques unes de ses meilleures tirades afin de les prêcher à bon entendeur, et son rire redoubla. « Je n'ai pas peur de toi, absolument pas. » Etait-ce tout à fait vrai ? La main d'Aiden se posa fermement sur la poignée. « J'ai dit que je répondrai à tes questions. Je le ferai. Si tu ouvres la porte... Chacun son tour, Isabelle. » Elle leva les yeux au ciel puis posa sa main par dessus celle de son opposant. Ses doigts de femme épousèrent les phalanges d'artiste du brun, et elle tourna la poignée. Il pénétra à sa suite dans son nouvel antre. La lumière astrale suffisait à en dévoiler les prémices : les murs étaient recouverts d'une tapisserie argentée, brodée par endroit de divers motifs mythologiques. Des livres s'élevaient un peu partout du sol au plafond dans la vaste pièce, et en son centre trônait une montagne de bouteilles vides. Seul vestige épargné, le lit recouvert de fourrures dans lequel Isabelle dormait peu. Elle passait le plus clair de son temps, ici, à observer Vivendale de jour et de nuit, depuis un petit balcon en alcôve. Elle s'avança hasardeuse et dénicha parmi le tas de bouteille vide, une miraculée. « Grand cru des Îles de Saphir ! Hmm... je pourrais avaler n'importe quoi tant que ce n'est pas l'un de ces breuvages témériens ! » Elle esquissa une grimace d'enfant puis se laissa tomber à terre. « De plus, c'est à ton tour de formuler une question. » Quel sombre élément Aiden escomptait-il découvrir dans les décombres de son passé ? Isabelle était tout aussi faible que forte, il le découvrirait à ses dépens.
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Sam 9 Avr - 18:08

Aiden Ruthendell
— Pandemonium —

La main de la femme vint embrasser celle de l'artiste, ses doigts délicats se refermèrent sur les siens, et la poignée, dans un mouvement synchrone, fut tournée. La porte céda à l'injonction et les mains se séparèrent.
Peu à peu, la pièce se dévoila. D'abord, un éclat, puis, lorsqu'Aiden suivit Isabelle, la totalité. La pénombre glissait sur chaque chose. Elle était rampante et maline. Sournoise. Elle masquait des éléments, parfois les engloutissait, et ne laissait ressortir que ce que la lueur tendre de l'astre parvenait à éclairer, au prix d'une pénible lutte. C'était une lutte entre le fini et l'infini, l'instant et l'éternité, le précis et l'univers ; une lutte perdue d'avance.
Le ciel étoilé s'érigeait en représentant des êtres aux côtés desquels s'alignait la silhouette du génie. Il était des corrompus, des perdus, des menteurs, des pécheurs ; de ceux que l'on croyait vides de tout : conscience, cœur et compassion. Pourtant, comme dans les abysses nocturnes, des étincelles vivaces dansent dans ces corps accusés et blâmés. Il suffit de lever la tête, de faire un effort, pour les apercevoir. Si on reste les yeux fixés sur l'immense forêt qui fait face et s'étend à perte de vue, comme une succession de barrières, de tromperies et de masques, on demeure aveugle. Ils produisent la cécité. Ils se montrent si éblouissants d'orgueil et de manipulation qu'ils parviennent à cacher le tout, à le terrer, comme si eux-mêmes refusaient de l'affronter. Peut-être cela leur rappelle-t-il trop l'ampleur de leur monstruosité ? La vastité du désordre qui les anime ?

Ce même désordre dominait la chambre d'Isabelle, perché sur un trône de bouteilles au verre brillant, allongé sur des oreillers de pages cousus de reliures en cuir, bercé par les contes décrits par les tapisseries. Une fenêtre, pourtant, s'ouvrait sur l'extérieur. L'inventeur s'avança. Vivendale dormait.
Un bruit clair attira son attention. La noble fouillait dans les vestiges de sa beuverie. Comme elle extirpait une bouteille de la masse fragile, elle s'exclama, vraisemblablement satisfaite. Le menton relevé, Aiden esquissa un sourire amusé. Elle se laissa tomber à même le sol, telle une éreintée. « De plus, c'est à ton tour de formuler une question. » - « Exact. » fit-il. Il prit deux verres posés sur un bureau, puis emprunta la bouteille à Isabelle pour les remplir. Il posa les verres l'un en face de l'autre, plia les jambes, et s'assit à plus ou moins deux mètres d'elle. Il conserva un genou dressé vers le plafond et enlaça ses bras autour, joignant ses mains sur sa cheville. Question de confort. Il posa ses yeux verts, assombris par la nuit, sur la jeune femme. Il lui fallait trouver la question. L'interrogation devait dévoiler une incohérence, une faille ou une vérité. Il accorda un bref sourire à Isabelle, puis baissa le regard. Concentration.

Les mots lui revinrent, et son sourire ne put disparaître complètement. Je n'ai pas peur de toi, absolument pas. Enfant, il se disait la même chose. Je n'ai pas peur des loups, je n'ai pas peur du noir, je n'ai pas peur de mourir, absolument pas. Et c'étaient des mensonges... Les loups l'avaient terrifié : allongé sur son lit — et peu importait l'endroit où il se trouvait —, les canidés semblaient le poursuivre et hurlaient, hurlaient, projetaient dans les astres leurs cris lugubres qui se faisaient écho. Il avait craint l'obscurité comme on est inquiétés par un phénomène que l'on ne peut contrôler : il en avait eu peur jusqu'à ce qu'il l'acceptât et se liât à elle. De ces deux appréhensions une troisième était née : celle de la mort. Elle leur avait survécu. Le jour où elle ne serait plus, il ne serait plus homme, il ne serait même pas bête, mais découvrirait la vie de ceux qu'ils appelaient Dieux. La peur est l'émotion universelle par excellence. Nous sommes humains parce que nous tremblons. Rien que des bougies, vives et éclatantes, mais qui vacillent au moindre souffle.
Isabelle n'avait pas peur de lui ? Elle mentait. Elle essayait de s'en convaincre, parce qu'on essaie toujours de se persuader que l'on peut refouler ses frayeurs. Mais elles sont rapides ! Terribles, déterminées ! Elles reviennent au galop, plus menaçantes qu'avant leur rejet, parce qu'elles sont désormais vengeresses... Elles veulent asseoir leur pouvoir tyrannique et persécuter l'âme. C'est le but de toute passion. Persécuter. Détruire. Exploser. La peur, il vaut mieux l'accepter : c'est le meilleur moyen pour l'apprivoiser ; en douceur et avec de la patience.

Oui. Ce soir, il allait jouer avec ses peurs. Il allait les lui rappeler.

« Hum... » Il releva la tête et planta son regard dans le sien, un sourire en coin toujours présent. Aiden avait appris à se montrer redoutable. Il aimait avoir toutes les armes à sa disposition. Contre Isabelle on ne croisait pas le fer : on débusquait les informations, puis, comme un bouquet de flèches tranchantes, on lui jetait à la figure. C'était cela, la politique : une forme de combat dont la stratégie était menée dans l'ombre, et soudainement révélée aux yeux de tous. Elle devait être surprenante.
Sur la noble, il avait toujours pris soin de se renseigner. Malgré son aversion pour Jason, elle demeurait trop proche de lui pour qu'il l'ignorât. Elle venait d'une famille déchirée par la traîtrise et le mensonge. Plusieurs camps s'étaient mêlés, et leur rencontre au grand jour n'avait abouti qu'à un homicide familial. Le tableau s'était enflammé. Dans les cendres, d'autres perspectives s'étaient dégagées, renaissances éphémères après l'hécatombe... Pourquoi tu souffres ? « Nous parlions des prédateurs et des proies. Le lion, le cerf... Le premier défend sa troupe, le second ne vit même pas avec sa harde. Et quand bien même tu serais une biche, tu ne prendrais soin que de ton faon. Pas d'enfant, donc pas besoin de se sacrifier : tu peux fuir autant que nécessaire. Pourtant, les procès nous ont appris que tu avais porté secours à ta sœur, que tu avais affronté l'ennemi pour elle, pour Arianna. Pourquoi ? » Et pourquoi parler de solitude, alors qu'elle est présente ?

Silence et immobilisme. Seules les rumeurs de la Haute-Tour leur parvenaient. Le génie avait visé juste : le mutisme d'Isabelle valait tous les mots du monde. Elle était, encore une fois, confrontée à l'une de ses incohérences.
Elle se leva et tira dans la bouteille qui roula pour rejoindre le pied d'une armoire. Piégée. Sans rien dire, il l'observait, son sourire en coin toujours figé sur ses lèvres. Ses mouvements étaient brusques, chargés d'agacement. Elle essaya de briser l'instant ; le présent résistait. Alors elle se rua sur les meubles et déversa le contenu des tiroirs avec rage. Il ne bougeait pas, stoïque au milieu du chaos qu'elle ajoutait. Il suivait des yeux ses mains aux pulsions frénétiques. Le coupe-papier glissé dans la pendule en eut raison. La porte s'écroula. La lentille leur apparut. Le cercle se balançait au rythme du temps. Soudain, la jeune femme pourfendit le cœur de l'entité. Le temps s'était arrêté.
Pivotant, elle sourit à l'inventeur : « Comment en sommes-nous arrivés là, Aiden ? » Il ne répondit pas. Il attendait qu'elle se penchât sur la question qu'il lui avait imposée, et qu'elle y donnât une suite, une suite qu'il pût entendre. Elle se détourna. La quiétude revint pour un bref instant ; elle leva le poing et cassa le cadran. Le verre se répandit sur le sol. Ses doigts meurtris coururent sur l'air puis retombèrent sur les aiguilles. Suspension, hésitation. Silence. « Par des actes. » lâcha-t-il, comme elle ne se manifestait plus. « Nous en sommes arrivés là par des actes. » L'action, clé du mouvement du monde.


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Lun 13 Juin - 16:55


Isabelle
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Dangereuse, sauvage. Son corps était animé d'un sombre désir, elle allait l'écraser, le mener à sa perte. Et tant pis, s'il l'entraînait dans sa chute, ce soir Isabelle menait le jeu. La femme incarnait la jouissance ultime, la parure du vice ! Des yeux de biche, des lèvres boudeuses, des seins indomptés et des hanches à saisir... Le plaisir masculin dépendant de son seul bon vouloir ! Oh, les maîtresses jouissent de ce sentiment de puissance lorsque les amants se raidissent et implorent la caresse finale... à leur merci ! Pas étonnant que la luxure soit un péché capital !  Indomptable et pourtant dompteuse du monde... avait-il dit, il était loin d'imaginer la réalité ! Mais lorsque l'on attise l'appétit du prédateur, il ne faut pas craindre d'être dévoré...

La jeune femme observait à présent les deux verres à même le sol, Aiden s'était assis face à elle dardant ses prunelles émeraude sur son visage d'ange.  Isabelle avait terriblement conscience de ce regard caressant sur sa peau, mais elle n'était pas encore prête à perdre le contrôle. Les limites n'étaient pas atteintes... Il lui adressa un sourire narquois puis un voile passa à nouveau dans ses yeux, il cherchait. Il tentait de la mettre à jour, de la percer, de cerner l'ensemble de son âme. Aiden était de ces êtres à la fois plaisant et grossier qui cherche tout autant à vous enflammer qu'à vous brûler ! Mais Isabelle, tel le phénix, renaissait perpétuellement de ses cendres... Le silence s'allongeait et elle céda à sa gourmandise : la noble se pencha en avant et saisit l'une des deux coupes un sourire carnassier éclairant ses traits. Elle porta le verre avec délice jusqu'à ses lèvres et le vida d'un trait. Son adversaire ne broncha pas et son rictus enjôleur s'effaça peu à peu. Il ne s'agissait plus de plaisanter, Aiden allait attaquer à l'endroit où cela ferait le plus mal, là où il y aurait le plus de dégâts... Son entrain diminua et avec une sourde fureur elle lança sa coupe vide dans l'âtre, le verre se brisa et se répandit en morceaux dans une sublime cacophonie. Tout son être se tendait dans une position d'attention, prêt à riposter à la plus sournoise frappe. Il marqua un instant de plus, feignant l'hésitation, et elle s'impatienta. « Nous parlions des prédateurs et des proies. Le lion, le cerf... Le premier défend sa troupe, le second ne vit même pas avec sa harde. Et quand bien même tu serais une biche, tu ne prendrais soin que de ton faon. » Encore et toujours cette hiérarchie animale entre eux, le tableau de leur bestialité... Isabelle se souvenait de sa première partie de chasse, enfant. Agrippée au bras de Juliet Perkins, elle avait contemplé - à la fois épouvantée et fascinée - le ballet mortel d'une biche et de sa progéniture. Les chiens de chasse fondaient gueules ouvertes sur la mère, leur mâchoire carnassière s'enfonçait dans son flanc et les plaintes de l'animal martyr résonnaient à travers les bois. Et pourtant, coup après coup, le cervidé s'était relevé et avait repoussé l'attaquant pour protéger son faon. La force de l'amour maternel... Un chasseur avait finalement mis fin à l'agonie de la bête en les égorgeant elle et la chair de sa chair ; Isabelle était restée silencieuse tandis que Juliet poussait de petits cris surexcités.

« Pas d'enfant, donc pas besoin de se sacrifier : tu peux fuir autant que nécessaire. Pourtant, les procès nous ont appris que tu avais porté secours à ta sœur, que tu avais affronté l'ennemi pour elle, pour Arianna. Pourquoi ? » Un rictus ironique déchira le visage de la jeune femme. C'était donc ça la stratégie d'Aiden ? Sa soeur. Malheureusement, le jeune prodige s'était engagé dans une partie dont il ne détenait ni les tenants ni les aboutissants, Isabelle demeurait la seule maîtresse du jeu, l'unique à savoir... C'était ce qui manquait cruellement à l'inventeur : la connaissance. Tant qu'il ne serait pas parvenu à lever le voile du passé de la charmante créature, il ne pourrait la dompter. « Pourquoi pas ? » Un rire cristallin roula dans sa gorge. Au demeurant, Isabelle était bien trop joueuse pour laisser son rival dans l'obscurité totale. « C'est un devoir que j'ai envers mon père... » Mystérieuse, elle saisit la seconde coupe de vin et engloutit le breuvage sanglant. Les effluves de vin lui tournaient la tête et l'alcool montait à ses joues, elle se laissait emporter par ce sentiment de plénitude si rare. Le sang battait furieusement à ses tempes et elle gloussa. Elle se pencha en avant, se rapprochant dangereusement du traître, son visage à seulement quelques centimètres du sien. « Aiden Ruthendell, toujours si sérieux... nul devoir ? Libre comme l'air ? Aucune entrave ? » A nouveau, un gloussement lui échappa. Isabelle se recula puis bondit sur ses jambes de chat... quelque peu chancelante... Elle fit quelques pas et une moue fière se dessina sur ses lèvres regarde-je-tiens-encore-debout. La belle brune rejoignit son lit et défit les draps en quête de son nectar ; ses mains se refermèrent enfin sur le petit sachet et elle le porta à son cœur comme une enfant. Les cordelettes ne tardèrent pas à tomber et elle passa son nez avec volupté dans le sac d'opium. Ses yeux s'agrandirent et elle darda son regard enflammé sur Aiden. « Et si, tu prenais quelques risques pour une fois... ? » Elle s'approcha féline et s'agenouilla face à lui. La noblionne avait réussi à faire taire l'inventeur, une première ! Elle empoigna une cuillerée de poudre et la déposa sur sa langue, aussitôt ses pupilles tressaillirent et elle ferma les yeux, enfantine.

Isabelle vacilla et s'effondra sur le torse de son tortionnaire. Leur proximité la fit rougir, et elle passa une main de prédateur dans sa crinière de lion. Elle n'aspirait qu'à le dévorer ou... à être dévorée ! Elle voulait qu'il la brise toute entière, qu'il la réduise à rien, à néant. Ainsi se définissait la passion, étroitement entremêlée avec le tourment. Un éclair sournois traversa son regard de chasseresse. « ...prendre un risque ! » Elle déposa délicatement ses lèvres esseulées sur les siennes... Mais sa bouche ne tarda pas à prendre vie et à se mouvoir, elle s'écrasa contre sa proie, assouvi par un besoin désespéré. Son corps tout entier appelait à être aimé dans les bras du serpent.
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Dezbaa
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Lun 13 Juin - 22:15

Aiden Ruthendell
— Do not test me, I always win. —



Génie, petit génie, homme, petit homme. Regarde ta vie. Regarde comme elle se perd dans les déboires entraînés par cette débauche du destin. Regard ce cercle infernal qui se dessine autour de toi et qui tourne, tourne, tourne. Il te fait perdre la tête. Génie, petit génie, homme, petit homme, regarde comme tout se détruit et s'écroule, regarde comme la valeur ne vaut plus rien, regarde comme les Hommes ne sont plus humains. Vous n'êtes que des bêtes.
Ils n'étaient que des bêtes. Ils vantaient leur humanité, la supériorité de leur intellect, leur capacité à rédiger des lois, à s'arroger des droits... mais ils n'étaient que des animaux. Des fauves les habitaient, tapis derrière les hautes herbes de la civilisation, qui suffisaient à les masquer. Et ils attendaient. Ils attendaient le moment propice pour s'exprimer. Toute occasion était bonne à saisir. Aiden n'en manquait jamais une ; dévorer les autres, c'était sa spécialité. Chaque sourire était comme un coup de croc asséné, chaque parole comme un venin virulent, chaque pensée comme un instinct primaire. Il était destructeur, toujours, partout, à tout instant. Son lion ne le quittait jamais : Vivendale était une jungle trop dangereuse. Attaquer celle qui se prétendait biche, celle qu'il voyait comme une prédatrice incertaine et inexpérimentée, c'était simple. Il savait où frapper : les procès, guidés par le fiel témérien, avaient déversé quantités d'informations. Il avait appris, comme à son habitude. Et il avait tenté de se protéger des dommages que les révélations faites sur lui avaient causés.

Pourtant, Isabelle ne sembla pas flancher. Pas immédiatement. Elle rit ; tua le silence d'énigmatiques paroles ; reprit du vin. Aiden plissa les yeux. Il n'était pas de ces gens qui abandonnaient. Il voulait la faire parler, et il y arriverait. Il parvenait presque toujours à ses fins. Et en ce qui concernait Isabelle, il n'osait même pas avoir de doute. Elle vacillerait, et il serait là pour la réceptionner, pour boire ses mots. Il baissa les yeux sur son verre et, lui aussi, le porta à ses lèvres, sans quitter la noble du regard. Un sourire en coin face à sa résistance, il songeait déjà aux moyens de lui extorquer ce que sa curiosité quémandait.
Mais elle en avait décidé autrement : la réflexion serait pour plus tard. Il la laissa s'approcher, rampante, tremblante, rendue plus énigmatique encore par les vapeurs de l'alcool. « Aiden Ruthendell, toujours si sérieux... nul devoir ? Libre comme l'air ? Aucune entrave ? » Elle pouffa. Sa coupe tenue devant lui, le jeune homme sourit en soufflant brièvement par le nez, moqueur. Mais, cette fois, moqueur envers lui-même. S'il renvoyait cette image - et il n'était même pas certain de le faire intentionnellement -, il les leurrait bien, tous. Cependant, Isabelle était plus fine, plus maline, et il entendait bien dans ses paroles le ton de l'ironie, celui qui suggérait que le mensonge ne la dupait pas. Elle avait raison ; il l'avait dit, le jour de son procès, à Katharina, qui avait refusé de le croire. Il n'était pas libre. Il était entravé. Il était esclave. Esclave de sa condition, de ses conditions ; esclave de sa place d'Inventeur, esclave de son rôle d'amant, esclave de son statut de fugitif. Elle pouvait se rire de lui.

L'alcool la berçait comme les vagues font tanguer un navire : elle chancelait ; un pied, puis l'autre, un sourire de triomphe. Aiden vida son verre d'un trait puis entreprit de se resservir. Lorsqu'il releva les yeux, Isabelle était assise sur son lit. Sa robe, dégagée par sa position, laissait voir ses jambes blanches. Elle tenait, au creux de ses mains, un petit sachet à la teinte violette, dans lequel elle avait glissé son nez. Sa coupe contre le bord de sa bouche, il leva un sourcil. Quand elle se redressa, leurs regards se croisèrent et il vit ses pupilles dilatées. Le scientifique, en plus d'avoir des connaissances assez solides sur les poisons, savait quelques choses sur les drogues. Au cours de son itinérance, il avait côtoyé des peuples aux cultures extrêmement diverses, aux coutumes variées et aux codes différents. Certains faisaient grand usage des substances euphorisantes ; la pratique pouvait être répandue. Toutefois, il était surpris que la jeune femme en consommât. Mais, après tout, la Terre entière est un lieu de dépravation. On joue sa vie sur n'importe quoi ; on ne pense pas aux conséquences des prises de risque.
Et dans l'accrochage de leurs iris, elle lança : « Et si, tu prenais quelques risques pour une fois... ? » Elle descendit du lit, froissant les draps de ses minces mollets, bruit soyeux aux oreilles. Elle avança vers l'artiste, langoureuse. Il sentait le désir qui la poussait à se mouvoir. Elle cédait, au fond d'elle-même, à ce qu'il dégageait, à ce qu'il était. Et il ne put s'empêcher de sourire : c'était un premier pas vers la vérité. Agenouillée devant lui, elle glissa la poudre dans sa bouche. Explosion de sensations, explosion de bêtises.

L'épave humaine tanguait ; elle se renversa. Aiden eut à peine le temps d'écarter son verre qu'Isabelle était sur lui. Le carmin chassa l'opaline des joues de la belle. Il croisa ses yeux qui brûlaient de désir, et son cœur rata un battement. Il haussa les sourcils et inclina la tête sur le côté. « Isabelle... » - « ...prendre un risque ! » clama-t-elle. Et elle fondit sur lui. D'abord, tout doucement, un peu apeurée, un peu impressionnée, puis elle l'embrassa avec plus d'ardeur, plus de flamme, plus de désespoir. Il posa une main sur son épaule et la fit basculer vers l'arrière. Un sourire narquois tirait ses lèvres, qui bien vite se mua en un rire grave. « Tu cèdes déjà ? Je suis déçu. » A sa réplique il ajouta une petite moue qui mimait le désappointement.
Qu'elle devait s'en vouloir ! Tant pis pour elle. Qu'il se gaussait ! Oh, quelle stupide erreur, Isabelle. Il savait, dès lors, qu'elle était à lui. Il avait la main mise sur elle. Certaines dames n'hésitaient pas à jouer de leurs charmes pour faire pencher la balance en leur faveur et, sur ce point, Aiden leur ressemblait. Il avait parfaitement conscience qu'il était porteur d'un charisme exacerbé ; et il en usait, et la jeune femme en ferait les frais. « Je te pensais plus chaste, plus pure. » Il jeta un bref regard circulaire à la pièce, avant de reposer ses yeux sur elle, la trompeuse. « Qu'est-ce que tout cela ? » Ce fut à son tour de se pencher vers elle, un large sourire collé aux lèvres. « De la passion ? » Un rire roula dans sa gorge. Puis, il poussa sur ses jambes pour se relever. De toute sa hauteur, il la toisa, elle qu'il venait d'abattre, elle qui se tenait presque couchée sur le sol, écrasée par sa puissance. « On dirait que j'ai gagné. » souffla-t-il. Un dernier sourire puis, d'un pas nonchalant, il se dirigea vers la porte de la chambre et sortit. Pour ce soir, le jeu était terminé ; mais il recommencerait dès le lendemain. Ils étaient comme cela : à se chercher, à se rabaisser, à s'éclater, puis à se chercher de nouveau, plus avides encore de mystères, de résistances et de batailles. Ils étaient comme ça, et ils n'y pouvaient rien.

***

Non. Tout cela, c'est ce qu'il aurait faire. C'est ce qu'il aurait fait, s'il avait été plus sobre, moins saisi par les flammes qu'éveillait leur discussion ; s'il avait moins pensé, tout le jour, à des choses qui l'ennuyaient. Il aurait dû agir de la sorte. Au lieu de quoi... Au lieu de quoi ?
Et si tu prenais quelques risques pour une fois... ? Oui. D'accord. J'en prends toujours. Il avait bâti sa vie dessus. Voyager, c'était risquer de s'égarer. Fuir, c'était risquer de se perdre. Rester, c'était risquer de s'attacher. S'attacher, c'était risquer de mourir. Le destin l'avait doublé sur toute la ligne : s'il avait eu connaissance des risques, il les avait écartés d'un revers demain, les renvoyant à une insignifiance qui ne les caractérisait pas.
Alors, un risque de plus ou de moins, sans se soucier des conséquences... ce n'était rien, rien qu'un jeu supplémentaire, un jeu dangereux qui l'enivrait. Au diable les conséquences !

L'épave humaine tanguait ; elle se renversa. Aiden eut à peine le temps d'écarter son verre qu'Isabelle était sur lui. Le carmin chassa l'opaline des joues de la belle. Il croisa ses yeux qui brûlaient de désir, et son cœur rata un battement. Il ne bougea pas et la laissa approcher. Sa bouche se teintait d'un demi-sourire. Ne rien faire, c'était la provoquer ; et il était passé maître dans cet art. Comme prévu, elle céda. Et elle fondit sur lui. D'abord, tout doucement, un peu apeurée, un peu impressionnée, puis elle l'embrassa avec plus d'ardeur, plus de flamme, plus de désespoir. Et pourtant... il s'étonnait. Il n'aurait pas parié sur son audace, pas sur cette audace mue par des pulsions primaires, bestiales, des pulsions sexuelles qui ne demandaient qu'à être assouvies, au plus vite. Il n'aurait pas parié sur Isabelle. Il s'était amusé avec elle, il continuait à le faire, mais elle imposait sa présence et ce refus qui l'accompagnait. Il n'aurait pas juré qu'elle céderait, pas maintenant, pas déjà.
Il aurait dû arrêter tout ça. Mais non. Le génie se jouait des conventions, et la chasteté et la pudeur, ce n'étaient que des amas de conventions. Il les battrait en brèche, elles aussi ; il les réduirait à néant.
Et il voulait oublier. Oublier les Témériens, oublier les Trois, oublier Juliet, oublier la destinée qui s'acharnait sur Vivendale, oublier le sort qui se riait d'eux. Il voulait retourner aux choses simples, aux choses plaisantes, aux choses agréables. Le sexe en faisait partie. C'était l'abandon de tout, du corps comme de l'esprit ; l'abandon au bénéfice de l'autre et de sa jouissance.
Il glissa un bras dans le dos d'Isabelle et ramena brusquement son enveloppe contre lui. C'était simple : il la voulait. Ses lèvres cherchèrent encore les siennes, roulèrent jusque dans son cou. Il avait tant voyagé ; explorer le corps d'une femme de plus ne lui faisait pas peur. Les plaisirs charnels le côtoyaient depuis longtemps désormais. Il s'y était adonné jeune, perdu qu'il était, sans repères spatiaux, sans références de son âge, perdu dans le monde, dans un monde d'adultes.
D'une impulsion, il la fit basculer vers l'arrière ; elle se retrouva acculée à un meuble. Détaché d'elle, il observa son visage, scruta ses iris clairs. Sa poitrine se soulevait rapidement, au rythme de sa respiration poussée par l'envie. Il revint vers elle, plus fougueux encore. Sa bouche retourna à la rencontre de la sienne, déjà lassée d'une absence trop courte, trop désireuse de mieux la connaître ; son goût, sa douceur, sa saveur. Lui tout entier voulait s'imprégner d'autre chose, et cet autre chose, c'était Isabelle. Sa proie, sa prédatrice, son reflet, son inverse.

C'était cela : ils étaient comme ça, comme des aimants : repoussés, attirés, jamais satisfaits, jamais insatisfaits. Les deux parias de Vivendale, les deux monstres, les deux démons.
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Linelleray
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Ven 5 Aoû - 23:29


Isabelle R. Hart
Luxuria, ae

E
t je compris qu'un tel tourment était le sort des pécheurs charnels, qui soumettent la raison aux appétits. » Dante

Ils n'auraient jamais dû et pourtant l'intempérance avait été plus forte : ils avaient cédé. Le monde s'évanouissait autour d'eux, le désir prenait le dessus sur tout. Les dernières cartes étaient abattues sur la table, les murs s'effondraient et chaque limite, chaque danger, appelait à être repoussé. Leur désir mutuel se fit plus pressant et l'audacieux la fit basculer, son corps se colla à celui de la jeune femme. Un demi sourire victorieux éclaira ses traits, mais Isabelle s'en contrefichait - le sexe n'offrait aucun perdant - il fondit sur elle et à nouveau ils mêlèrent leurs lèvres, le feu embrasa ses joues. La belle brune n'était plus que volupté, elle s'abandonnait toujours plus à ses caresses, l'espace d'une nuit le temps s'arrêterait. Mais la Hart n'était pas en reste, l'inventeur cédait peu à peu du terrain, et elle se fondait avec perversion dans cette nouvelle brèche. Son corps s'arcbouta, ses membres aspiraient à davantage. Leur bestialité refit surface, et Aiden l'accola brutalement contre un meuble. Un gloussement rauque roula dans sa gorge et il la fit aussitôt taire. Ils voulaient tous les deux se libérer de leurs chaînes, défier l'autorité qu'on leur imposait, tout faire basculer, tout détruire... Les deux amants enviaient l'anarchisme le plus total, le plus sombre. Elle embrassait son cou avec ferveur, descendait vers son torse tandis qu'il lui arrachait ses vêtements. Leurs gestes étaient précipités, spontanés, ils avaient soif de l'autre. Isabelle le dévêtit à son tour, il l'empoigna et elle rejeta la tête en arrière. Le jeune homme s'était figé ; Aiden la dévisageait avec intensité, cherchant une vérité encore inconnue derrière ses iris. L'impatience de sa partenaire s'accrut, le sang battait follement à ses tempes et son souffle se saccadait ; tout son être appelait l'inventeur à agir, à la prendre tout entière, à la détruire pour mieux la reconstruire. Et, il l'embrassa à nouveau avec davantage d'empressement. Ils se découvraient mutuellement dans cette intimité, nouvelle, tout autant dominant que dominé. Le génie la souleva et passant ses bras autour de son cou, elle s'offrit à lui - et oublia ses réticences passées. Aiden entrait en elle, ses coups de rein étaient puissants, exaltants ; il brisait ses remparts. Isabelle sut en cet instant qu'il était celui qu'elle avait toujours cherché, sa complémentarité, son opposé, un monstre comme elle, le seul capable de l'aimer ou de la détruire.

L
 'amant donnait de son sang, l'amante de ses nerfs, et ils vivaient l'un dans l'autre, ayant besoin de leurs baisers pour régulariser le mécanisme de leur être. » Zola


Il reposait sur le dos, son torse se soulevant lentement au gré de sa respiration. Isabelle contemplait cet être terriblement imparfait, dont elle était devenue la maîtresse. Ses doigts habiles dessinaient des motifs sur le ventre de son compagnon. Aiden s'était depuis longtemps endormi, mais elle continuait de l'observer. Dans leur intimité, elle avait trouvé la réponse : toute cette soirée n'avait été qu'un mensonge, il pensait avoir défié son égale, il s'était trompé... A présent, Isabelle savait qu'il avait le pouvoir de la mener à sa perte. Qu'il avait tous les pouvoirs... Il n'y avait jamais eu de sentiments entre eux, seulement une étrange attraction qui avait pris source dans leur première rencontre. Comme des aimants. Dès lors, ils n'avaient fait que danser aux précipices de la mort et de la vie. Et la jeune femme se sentait lentement glisser vers le mauvais versant ; peut-être était-il le seul à pouvoir l'en arrêter, mais jamais elle n'accepterait une telle influence. Aiden était venimeux et il l'avait empoisonnée - lui avait-elle infligé le même sort ? Les drogues se dissipaient de son être et elle sentait sa torpeur s'amenuiser, elle chercha un second réconfort dans le sommeil. Et alors qu'elle s'endormait, sa tête reposant au creux son aisselle, elle songea aux vers d'un poète désuet : « Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être ! / Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais, / Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais ! »

Lorsque la jeune femme se réveilla, son amant avait disparu, englouti par la nuit noire. Une nouvelle page s'écrivait pour elle, mais encore une fois le sort ne serait pas en sa faveur, déjà l'encre semblait tâcher et souiller la blancheur du papier... Une ombre funeste se profilait, et bien d'autres la suivrait. Mais déjà, il lui fallait se lever et à nouveau faire face à la mort.
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Dezbaa
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Lun 29 Aoû - 11:26

*roulement de tambour* (t'inquiète Lucie ça va aller !)
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Alessandra de Marbrand
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Lun 29 Aoû - 11:26

Le membre 'Caliel F. Hopkins' a effectué l'action suivante : Lancer de dés


'Grossesse' : 6
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