Heureusement, Maximilian avait compris ce que Will attendait de lui, et vint le remplacer, silencieux et discret. Les deux jeunes femmes ne semblaient pas l'avoir remarqué. William avait maintenant les deux mains libres, il récupèra ses armes, une dans chaque main. Pour l'instant, elles étaient juste pointées sur ses adversaires, en cas d'attaque.

Il écouta attentivement Arianna, mais une partie de son attention était fixée sur l'autre noble, celle qui soudain se saisit d'un bout de bois et le pointa sur lui. Plutôt que de répondre à la première, chose qu'il mourait d'envie de faire, il pivota légèrement vers la seconde et siffla, un sourire narquois aux lèvres :

« - Allons, pas de cela ma jolie. Comme vous voyez, j'ai dans chaque main une arme que je maîtrise parfaitement et qui peut vite aller percer votre joli cou, ou mieux, plus sûr de votre mort, le tissu charmant qui couvre votre cœur. Épargnez-moi cette tâche, restez tranquille pendant que je discute avec mon amie. »

Sans bouger les pieds, il tourna sa tête et son regard vers Arianna et la dévisagea sans se dissimuler durant plusieurs secondes qui s'étirèrent. Le sourire narquois n'avait pas quitté ses lèvres. Il sembla réfléchir un peu à ce qu'il allait dire, et durant plusieurs minutes un calme plat règna sur le parc. La lune s'était de nouveau montrée et éclairait les visages des trois jeunes gens.
William se décida enfin, adoptant un tutoiement direct :

« - Enfin ma chère, je te croyais plus intelligente que ça, moi, te faire la cour ? Quelle blague ! Les femmes ne sont pas pour moi, bien qu'un certain nombre d'entre elles me courent après. Je suis un solitaire, un ambitieux, petite ignorante. Tu me juges après une soirée, c'est montrer que tu me connais bien mal. Quant à te proposer à la place de ta demi-sœur... »

Il jetta un coup d'œil à Maximilian, vérifiant que celui-ci tenait toujours Isabelle,

« - Si tu penses que je vais accepter, tu te mets le doigt dans l'œil. Elle a bien plus de valeur et d'importance à nos yeux que ta simple vie. Et puis c'est trop facile de me tenter par ce que tu crois être une envie de t'achever, mais au contraire, je te préfèrerais dans nos rangs que sous terre. »

La situation tournait encore plus à son désavantage, l'ombrageux avait à présent les deux mains libres, tenant une arme pointait sur elle, l'autre sur la noble dont elle ignorait le nom mais dont elle appréciait l'intervention en faveur d'une cause commune. Mais si l'une des lames n'étaient plus contre la gorge de sa soeur pourquoi l'avait-il laissé filer ainsi, non elle remarquait bien que la silhouette de son asservisseuse n'avait pas bougé d'un cil, et l'ombre derrière elle avait prit la place du premier ombrageux. Elle s'était habitué à l'obscurité mais n'arrivait à distinguer qui était ce nouvel arrivant. Au fond elle espérait simplement que ce ne se soit pas un visage familier. Mais elle n'avait plus le coeur à s'intéresser à ce genre de détail, elle était lassée de voir se sourire triomphant sur les lèvres de l'ombrageux, et elle commença même à se remettre en cause sur son but de venir en aide à sa dernière famille. Après tout elle ne la connaissait pas. Et cela faisait moins d'une journée qu'elles avaient appris mutuellement le sang commun qu'elle partageait, et d'ailleurs les réactions étaient loin d'avoir été positives, au contraire.

Comme la scène qui se déroulait devant elle d'ailleurs, sa dernière famille tenu en otage par deux ombrageux dont l'un qu'elle haïssait avec la moindre parcelle de cellules de son corps. En plus d'être détestable il prenait chaque mot de la jeune esclave au premier degré, et autant donné qu'elle utilisait dans chacune de ses phrases une pointe de sarcasme cela enchaînait sur un sujet totalement appart et sans intérêt. Les nuages se dispersant le visage du second ombrageux fut éclairé un instant et elle reconnut les traits de Maximilian. Allons, ne t'énerves pas pour si peu, il est dans un camp appart à présent, et puis tu le connais à peine, vous n'avez partagez qu'une soirée ensemble, une seule soirée, elle essayait, elle essayait vraiment de ne pas s'énerver. Les jointures de ses mains prenaient une couleur blanchâtre proche de celle de l'astre lunaire tant elle serrait les poings, se retenant dans mettre un dans le visage de l'ombrageux, quoique l'idée soit vraiment tentante la lame pointée vers elle la retenait de faire cet acte.

- L'ambition, quelle ambition. Votre pseudo-quête pour renverser les autorités se résultent à tuer des représentants du peuple. De ma courte existence aucun politique n'a encore subit directement une de vos actions, donc à quoi servez-vous vraiment. Vous n'êtes que des lâches qui se cachent derrière l'espoir des affamés et miséreux pour dorer un peu votre blason sanguinolent.

Lorsque l'ombrageux parla de sa tentative pour prendre la place de sa demi-soeur elle se renfrogna, elle n'aimait pas le ton qu'il prenait avec elle. Et ses propos par dessus tout, comment pouvait-il prétendre qu'une vie humaine n'avait pas de valeurs, même cette charogne sanguinaire avait une importance, aussi infime soit-elle.

- Ce n'est pas l'importance de sa vie qui compte pour vous, elle n'est qu'un titre à abattre, la belle-fille d'un privilégié, un proche du Haut-gouvernement, en réalité vous n'assassinez qu'un nom, vraiment c'est pathétique.

Elle jaugea de haut en bas l'ombrageux avec condescendance.

- Mhm c'est vrai, c'était trop simple de marchander une vie contre une autre, mais disons que la facilité est un peu une de mes marques de fabrique, d'ailleurs en voici une autre.

Elle n'acheva même pas son dernier mot avant de tenter de lui asséner son poing droit dans la mâchoire, en vain, son mouvement fut stoppée net par l'ombrageux lui-même qui tenait son poignet, ses deux lames toujours prêtes à l'emploi. Elle ravala un grognement et se contenta d'un froncement de sourcil cachant une certaine surprise, elle le savait bien plus fort mais elle avait espéré que ce dernier coup de poker marcherait, dommage. A présent il tenait sa vie en main, il pourrait choisir que faire d'elle, elle était des plus vulnérables dans cette position.

William n'hésita pas à montrer qu'il était beaucoup plus fort qu'elle et qu'il avait une meilleure position d'attaque. Caitlin n'avait aucune stratégie et son alliée semblait tout aussi désemparée.
Apparemment, avoir Isabelle en otage était important pour eux, parce qu'elle était noble. Arianna ne valait rien à leurs yeux, l'échange ne se ferait pas.

C'est alors que l'ombrageux fit remarquer l'hypothèse, que la jeune esclave rejoigne la guilde. Caitlin eu un mouvement de recul.
Alors elle était avec eux ? L'ombrageux avait réussit a mettre le doute entre elles sans qu'elles ne le remarque, il était intelligent, très intelligent. Son teint pâle était effrayant, ses yeux d'ébène offraient un fort contraste. Dans l'obscurité, se fondaient vêtements et coiffure et ainsi on distinguait facilement son visage long et terrifiant, avec ce sourire arrogant sur les lèvres. Il s'approcha de l'esclave et ils entamèrent une discussion des plus étrange.

Caitlin recula de quelques pas dans la direction d'Isabelle. Elle était retenue par une silhouette sombre, son visage fut éclairé par un rayon de lune lorsqu'il tourna la tête. Elle fit la moue devant cette jeunesse inattendue. Comment pouvait-on appartenir à la guilde à cet âge ? Sûrement était-il né au camp, là-bas, avec ces monstres et n'avait connu que ça. Il avait l'air inexpérimenté et peu sûr de lui.
Elle agrippa fermement son bâton, le replaça correctement avant d'agir. Elle allait se décider à assommer l'ombrageux lorsqu'Arianna fit le premier pas. Elle tenta de lui asséner un coup au visage qui fut immédiatement amorti. C'était le moment où jamais. Occupé à retenir l'esclave, Caitlin pu atteindre la prisonnière. Avec sa massue elle frappa de toutes ses forces sur le jeune ombrageux.

Évidemment, Arianna continua à opposer ses arguments à ceux de William, qui s'apprêta à répondre. La jeune esclave ne lui en laissa pas le temps et se jeta, le poing dirigé sur sa mâchoire. L'ombrageux n'avait pas prévu cette attaque mais il ne lui fallut que quelques secondes pour reprendre le dessus en renversant la jeune fille qu'il tenait par la poignet.

Leurs visages étaient à quelques centimètres l'un de l'autre. Ses yeux brillaient d'un éclat de détermination impressionnant, et il siffla :

- « Pas de ça avec moi, jeune fille. Tu ne sais pas ce qu'est la Guilde. Tu n'en connais qu'un minuscule morceau, tu as juste soulevé un pan du rideau, juste vu la partie de l'iceberg qui émerge de l'eau. Mon premier but n'est pas de tuer, ni toi, ni mes autres. Les autres se tiennent coi, alors que tu ne me laisse pas le choix. Et tu le sais. C'est juste ta fierté de gamine qui te dicte de me contredire. Alors maintenant... »

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase, car un coup sourd se fit entendre. Sans lâcher sa captive, qu'il fit pivoter en même temps que lui-même, il se tourna vers Maximilian et Isabelle. L'autre noble, qu'il n'avait pas vue tandis qu'il sermonnait Arianna, s'était approchée de son ami et l'avait assommé à l'aide d'une espèce d’énorme bout de bois qu'elle avait du trouver à quelques pas.
Le jeune homme s'écroula dans un râle, laissant libre Isabelle.
Le sang de William ne fit qu'un tour. Il analysa la situation en quelques secondes, calculateur. Ses deux dagues étaient dans sa main. La situation était critique.

Il commença par répéter le signal, en sifflant trois fois, espérant que des renforts allaient vite venir. Ensuite, il lâcha Arianna. Tant pis si elle s'échappait, ce n'était pas elle qu'il voulait, et les Ombrageux étaient en nombre suffisant pour faire face aux nobles si ceux-ci apprenaient leur présence.
Une fois libéré de la jeune femme, il bondit sur l'autre noble qui lui tournait le dos, et tout en menaçant Isabelle d'une de ses armes il coucha Caitlin au sol, l'y maintenant grâce à son propre poids.

La seule chose à faire maintenant était d'attendre que Maximilian reprenne connaissance ou qu'un des leurs arrive à leur secours.

Seyrane suivit son cavalier à travers la foule un peu éméchée qui leur laissait le passage. Ils s'assirent au bar, et la jeune femme ne fut pas mécontente de se voir servir un jus de fruit, car elle n'avait pas l'intention de perdre maintenant la conscience de ce qu'elle faisait, en compagnie d'un homme charmant mais pas très clair.

Elle jeta un coup d'œil sur la salle en buvant sa première gorgée de jus, et y repéra vite sa sœur, ivre, centre de l'attention d'un petit groupe de jeunes gens tout aussi souls qu'elle. Ses parents n'étaient pas là et elle supposa qu'ils étaient rentrés, son père couvait maintenant sa mère dans les fêtes depuis celle, dont elle détestait les souvenirs, où...
Ce qui s'était passé s'était passé.

La voix suave de son voisin s'éleva, plongée dans ses souvenirs elle l'avait presque oublié. Elle pivota sur sa chaise pour plonger ses yeux dans les siens, et ne répondit pas tout de suite à sa question. Certes, elle allait parler d'elle, mais il était préférable de savoir ce qu'elle allait dire et de ne pas trop en dévoiler.

« - Je n'ai pas grand-chose à vous raconter... Que voulez-vous savoir ? »

Un sourire étincelant et qu'elle espérait un peu moqueur, s'étira sur ses lèvres fines et découvrit une jolie fossette dans sa joue. Elle allait le faire parler un peu, elle aussi. Car d'entre eux deux elle ne pensait pas être la plus mystérieuse et elle comptait en apprendre sur son bel interlocuteur.

Elle n'était qu'à une poignée de centimètres de l'ombrageux, son coup avait été arrêté par son destinataire, lui maintenant le poignet d'une poigne puissante. Elle grimaça, il aurait décidément toujours l'avantage, c'en était presque insupportable de le savoir gagnant, encore et encore. Telle une destinée écrite à l'avance. Et l'ombrageux profita de sa situation de supériorité pour engager un sermon comme lorsqu'on sermonne une enfant. Fierté de gamine, mais il se prend pour qui celui-là, cette charogne, elle fulminait intérieurement,  une forte envie d'étrangler l'ombrageux s'imposait en elle. Mais il dominait, avec ces lames et il fallait l'avouer qu'il était plus fort, plus malin et plus intelligent. Elle ne faisait pas le poids, même avec cette alliée inattendue venue de la noblesse. C'est alors qu'elle se demanda ce qu'il adviendrait d'elle, certes les chances qu'elle elle soit tuée étaient maigres car les antécédents de son père et son lien aussi maigre soit-il avec Maximilian pesait dans la balance, mais cette noble sortie de nulle part serait une autre affaire, elle risquait bien sa peau en voulant jouer les sauveteuses. Arrête de penser à ça, tu ne vas pas te morfondre pour le sort d'une de ces puritaines de la noblesse, pensa-t-elle.

Euréka les choses tournèrent à leur avantage, enfin ! La noble, qu'elle avait fortement sous-estimée, venait d'assommer le second ombrageux. Avec un sourire satisfait elle observait le corps inconscient d'une de ses charognes d'ombrageux, avant de réaliser que celui qu'elle venait de considérer comme une charogne de la pire espèce n'était autre que son complice dans cette galère, Maximilian. Elle commençait à être fatiguée de tous ses retournements de vestes, ne sachant même plus si ses alliés d'hier sont dans un camp adverse, et ses alliés d'aujourd'hui, d'ailleurs en avait-elle encore aujourd'hui, elle en doutait fort.

William bondit sur Caitlin et menaçait Isabelle d'une de ses lames, il fallut plusieurs secondes à la jeune esclave pour réaliser qu'elle n'était plus sous la menace d'une quelconque arme. Elle était libre de partir, mais partir où ? Elle croisa les bras et toisa l'ombrageux.

- Mhm récapitulons, plus aucune dague n'est plaquée contre le cou de ma soeur et te voilà dans une position inférieure, mon travail ici est donc terminé, alors c'est qui la gamine maintenant ?  

Avec un sourire parfaitement arrogant elle le regardait de haut, et se délectait de ce court moment de supériorité.

Tout s'enchaine très vite. Arianna tente un coup droit vers Will, qui l'intercepte facilement. L'autre noble, que je ne connais pas se tourne brusquement, et sans crier gare, brandit un bâton dans l'air. Je n'ai même pas le temps d'esquiver que je sens une douleur lancinante me traverser le crâne. Je m'effondre par terre, ma vision devenant noire.

[ REVE ]
L'herbe est douce sous mes pieds nus, le vent léger tel une brise d'été. J'avance entre les tentes de la Guilde. Je ne sais pas comment je me suis retrouvé ici, surtout que je n'ai vu le camp qu'une seule fois. Néanmoins, tout est exactement comme dans ma dernière visite. Soudainement, le décor change et les tentes disparaissent. La grande place du village se dresse devant moi. Les villageois sont regroupés aux bords de la place, visiblement en train de regarder quelque chose au centre. Je suis leurs regards. Agenouillée sur les dalles se trouve Arianna, exactement comme dans notre plan d'infiltration. Pourquoi est-ce que je voyais tout ça ? Est-ce vrai ce que les autres racontent ? Que l'ont voit sa vie défiler quand on meurt ? Trois sifflements nets résonnent dans l'air.
[ FIN DU REVE ]

Je bouge les mains, sentant la pierre et le sable sous mes doigts. Je ne vois rien et je commence à paniquer. Pourquoi est-ce qu'il fait si noir ? La bosse à l'arrière de ma tête me fait me rappeler les évènements. Il fait nuit, je suis à terre en train de ramasser la poussière et Will tient deux nobles en joue. C'est sans doute lui qui a sifflé le signal. Je me traite silencieusement de tous les noms possibles. Se faire battre par une noble ! Et puis quoi encore ! Je me relève tant bien que mal, cherchant mon épée qui devrait se trouver quelque part sous ma tunique... Aaha ! Je brandis mon épée vers Arianna.

- Aria, ce n'est pas le moment. Laisse-nous faire notre travail.

Caitlin regarda fièrement le jeune homme à terre, une main sur la hanche et la massue dans l'autre. Un sourire étirait ses lèvres mais disparu aussitôt. Elle fut violemment plaquée au sol.

Dans la chute, sa tête heurta le sol d'un bruit sourd. Malgré le choc, elle n'eu pas vraiment mal, c'était plutôt William, l'écrasant de tout son poids qui était dérangeant. Couchée sur le ventre, elle ne voyait plus rien de la scène. Les yeux rivés sur l'herbe du jardin, elle se rappela qu'elle l'imaginait tendre et douce, du haut du balcon. Maintenant elle pensait plutôt que ce sol était dur, inconfortable et sale. Elle sentait les traces de boues sur ses joues. Des mèches de cheveux s'étaient échappées de son chignon bien fait et tombaient devant ses yeux. La position dans laquelle elle se trouvait était tout simplement humiliante. Dans son dos, elle sentait William qui faisait pression pour l'empêcher de se lever. Il était beaucoup plus fort qu'elle et bloquait le moindre de ses mouvements.

Du coin de l’œil elle vit Maximilian qui se relevait.

Tel un phoenix renaissant de ces cendres c'est un tout nouveau Maximilian qui se relève, comme si ses courtes minutes d'inconscience l'avait rendu un ombrageux, un vrai de vrai. Elle se souvint alors de leur rencontre et se demande encore comment il n'a l'a pas fichu à la porte de sa forge à grands coups de pieds aux fesses ce soir là, elle s'était comportait comme la sale petite ingrate qu'elle était. Sans aucune reconnaissance elle avait profité de la bonté du forgeron, mangeant sa nourriture, fouillant dans ses placards et buvant son alcool. A se rappeler de ce soir là elle avait l'impression qu'un millénaire s'était écoulé depuis, pourtant ce fameux soir remonte à une poignée de semaines, si loin déjà. Elle avait abusé de son hospitalité et pourtant il l'avait laissé faire, mais ce dont elle se souvenait parfaitement c'était les paroles qu'il avait prononcé pour justifier l'aide qui lui apportait. Elle se rappelait de chaque seconde de cette conversation, lorsque d'une simple question de pure curiosité ils en étaient venu à s'allier pour un but commun : rejoindre l'Enclave. Et maintenant qu'elle était face à cette réalité elle ne voulait qu'une chose, revenir en arrière. Si seulement c'était possible, si elle avait su à ce moment qu'elle terminerait esclave, asservit par sa demi-soeur, qu'elle apprendrait que son père menait une double-vie et pourquoi pas une triple-vie, et que celui qu'elle avait aidé à venir jusque ici brandirait une épée vers elle d'un ton menaçant, si elle avait su tout ça à l'avance elle l'aurait fermer pour une fois, elle n'aurait pas tenter d'incarner quelqu'un de bien, elle serait retourné à sa pathétique vie de brigande affamée mais libre.

La détermination se lisant dans le regard de Maximilian l'effraie un peu, sur ses gardes son regard passe progressivement de l'épée à son complice, puis une nouvelle fois vers l'épée et ainsi de suite. Elle ne retrouvait plus le gentilhomme qui l'avait aidé à semer les gardiens, où était celui qu'elle avait aidé et réciproquement. Elle ne savait pas mais en face d'elle il n'y avait qu'un ombrageux, un ombrageux la menaçant d'une épée.

- Ami, complice ou simple connaissance peut importe les liens qui se sont tissés entre nous le peu de temps passés ensemble mais tu n'es plus le même. Ça parait si loin le temps du forgeron le coeur sur la main, aidant une parfaite inconnue dans l'illégalité à semer les gardiens, celui qui disait vouloir venir en aide aux désireux, se racheter car il avait eu la vie facile.

Elle marqua une pause, redoutant une réaction négative du jeune homme.

- Regardes toi, brandissant une arme face à une esclave, et bien c'est ça les gens qui sont dans le besoin, ceux que tu t'étais promis de venir en aide. S'il était possible de revenir en arrière, à ce soir où tu m'as aidé à me cacher des gardiens, ce soir où tu m'as dit tes attentions, et bien ce soir là j'aurais du la fermer, ne jamais parler de cette fichue guilde, secte ou peut importe, cette bande d'idiots incapable de se sauver eux-même.

Elle secoua la tête par dépit, pointant d'un doigt accusateur l'épée brandit vers elle.

- Et que comptes-tu faire si je n'obéis pas docilement, tu vas m'éliminer comme un témoin gênant. Parfait, le nouveau Maximilian, un ombrageux, un vrai de vrai, cent pour cent pur jus, tournant le dos à ses valeurs premières. Retournant son arme contre ses premiers alliés, cette épée que tu viens de diriger vers moi scelle la fin. Plus d'Aria ni de Max, juste un ombrageux face à une esclave récalcitrante.

Elle était agacée, énervée et en plus de tout totalement exténuée, ses muscles étaient endolories et sa tête était comme prise dans un étau, le tout accumulé laissait un chaudron bouillonnant de colère.

- Mais dans la foulée je trouverais le chemin pour te faire payer pour ça.

Ses paroles me vont droit au cœur, mais je ne laisse rien paraitre. C'est vrai, il a l'air bien loin le jour où nous nous sommes rencontrés. J'étais tellement déterminé à rejoindre la Guilde, tellement prêt à jouer les héros. La réalité est tout autre. J'ai juste l'impression de n'être qu'un enfant prétendant être quelqu'un qu'il n'est pas. Entendre Arianna me traiter de vulgaire ombrageux me fait mal. Elle me parle comme si je l'avais trahie. Dans un sens, elle a raison, mais ce n'est pas ce que je voulais. Si elle n'était pas venue secourir sa demi-sœur, je n'aurais pas eu à la menacer. D'ailleurs, rien que le fait de pointer une arme vers elle me révolte. Hélas, elle ne me laisse pas le choix. La Guilde est venue ici pour régler des comptes, et suivre le plan. En tant qu'Ombrageux, même novice, je me dois de suivre les instructions. Si je ne me montre pas à la hauteur maintenant, je ne le serais probablement jamais.

Gardant mon regard sur  Arianna, je réfléchis à un autre moyen. Elle ne partira pas sans sa demi-sœur, ça c'est sûr. Le problème, c'est que la cible est sa demi-sœur, et je doute fort qu'on puisse se permettre de la laisser partir. Et puis, il y a l'autre noble aussi. Je ne sais pas si elle figure dans la liste des gens à abattre. Que faire ? Je ne veux pas participer à un massacre. Et je ne toucherais pas à un seul cheveu d'Arianna. C'est le moins que je puisse faire après l'avoir envoyé en tant qu'esclave dans l'Enclave. De toute façon, je ne tuerais personne. Si il y a une règle que je suivrai, c'est celle que je me suis promise moi-même.
D'un mouvement fluide, je range mon épée dans son fourreau. Je sens le regard de Will sur moi, mais tant pis. Je ne veux pas être quelqu'un que je ne suis pas.

- Je ne suis pas différent. Je suis toujours le même Maximilian que tu as connu au Village. Je veux juste servir la cause qui pourrait nous sauver, tous.

Toujours dans la même position, Caitlin ne voyait pas se qu'il se passait. Le jeune ombrageux s'était relevé et avait dégainé son épée, menaçant sa complice. Inutile et faible, Caitlin ne pouvait rien faire pour intervenir, c'était à Arianna que revenait l'honneur de les sortir de là. Cette dernière commença à parler et les mots fluides, sortirent de sa bouche et atteignirent droit au coeur l'ombrageux. Les flux de paroles d'Arianna avaient l'air de faire son effet, il buvait ses paroles, son air s’apaisait devant la jeune esclave sûre d'elle.
Arianna était surprenante, éloquente elle avait simplement réussit à lui faire baisser la garde. L'esclave avait abordé quelques points flous pour Caitlin. D'ailleurs elle ne connaissait même pas ces gens avant ce soir, cet événement qui n'aurait jamais du se produire. Pourquoi était-elle venue à cette fête déjà ? Pourquoi s'était-elle fourrée dans un tel pétrin ? Elle avait la réponse à ces questions bien sûr. Se les poser clairement était une façon pour elle de se punir d'être intervenue. Toutefois même si c'était à refaire, elle le referait très certainement, c'était dans sa nature d'aider les autres. Mais apparemment son aide ici n'était pas très utile, ils étaient toujours dans la même situation. Assommer le jeune homme n'avait fait diversion que quelques secondes.
Maximillian rangea son épée, convaincu. Caitlin soupira de soulagement, ça n'allait donc pas se terminer dans un bain de sang, ils allaient rentrer chez eux, la guilde les laisserait s'en aller et tout rentrerait dans l'ordre. Pourtant le sang de la noblionne ne fit qu'un tour lorsque le jeune homme aborda un sujet pour le moins étrange : "la cause qui pourrait nous sauver tous"
Elle ricana, autant qu'il en était possible dans sa situation.

- Qu'elle cause ? Et nous sauver de quoi ? Vous n'êtes pas des sauveurs ! La guilde ne fait que tuer et voler, piller et kidnapper, vous êtes juste jaloux de notre statut, misérables et fourbes. Un jour votre clan sera démantelé. Et quand vous n'existerez plus, nous serons tranquilles, libres de vivre en paix. Vous n'êtes que des perturbateurs, se battant pour une cause qui n'existe pas, une illusion d'égalité.

William était toujours appuyé sur Caitlin, mais la jeune femme se débattait tant bien que mal et la position devenait inconfortable. Pendant ce temps, les deux autres parlementaient, comme si c'était vraiment le moment. Le jeune homme sentait la colère qui était née dans son ventre quelques minutes auparavant avec Arianna grandir et prendre de l'ampleur.

Étaient-ils tous des incapables ? Il appréciait et admirait Maximilian sans jamais lui avoir dit, mais présentement, le jeune homme était en train de tout faire tomber à l'eau pour une espèce de petite peste prétentieuse qui, consciente de son emprise sur lui, en profitait pour lui asséner de grandes déclarations alors qu'elle ne savait même pas de quoi elle parlait. Et rien ne pouvait plus exaspérer William. Il prit une grande inspiration, tentant de se contrôler.

Ses poings se durcirent violemment sur les manches de ses deux dagues. Chaque muscle de son corps se banda. Et il déclara d'une voix calme mais dans laquelle on sentait toute la colère contenue :

« - Vous avez fini de papoter ? Maximilian, tu ne trouves qu'à ouvrir un débat avec ta petite demoiselle pendant que je tiens en joue deux noblionnes dont une enragée ? Je t'en supplie, tout ce que tu veux mais plus tard, bon sang ! »

Sous lui, Caitlin mêla son grain de sel à l'affaire déjà en cours. Le jeune homme exaspéré se releva et épousseta son habit sale de poussière et de terre. Il laissa Caitlin se relever, mais une dague dirigée vers elle la dissuadait de toute action offensive.

« - Bon, je pense mesdemoiselles que nous ne sommes pas là pour débattre du bien fondé des actions de la Guilde dont vous ne faites pas partie n'est-ce pas. Nos buts dans la vie, nos objectifs, nos combats quotidiens ne sont pas les mêmes. Nous ne sommes pas dans le même monde. »

Parfois, lorsque l'agacement contenu était à son comble comme là, William dévoilait involontairement une partie de lui plus sensible, moins sarcastique, ironique et méchante.

Le retour du roi, son complice, son ami était de retour. Le Maximilian qu'elle connaissait était revenu. Elle retrouvait le jeune forgeron le coeur sur la main qui n'aspirait qu'à respecter les quelques valeurs qu'il s'était lui-même imposé. Le jeune homme trop gentil qui aurait pu la laisser en pâture aux gardiens, c'était vrai il était empli de bonté et un jour prochain ça lui perdra. La colère qui bouillonnait en elle depuis de longues minutes s'éteignit d'un seul coup lorsqu'elle vit avec une immense joie son allié ranger son arme à sa place, son fourreau. Avec un air satisfait elle était à la fois heureuse de retrouver une des seules personnes qui comptait un minimum pour elle, mais elle était aussi satisfaite de savoir qu'il avait l'avait choisi elle et non l'ombrageux insupportable. Elle avait gagné sur ce point. D'ailleurs elle espérait qu'il ne paierait pas trop cher le fait d'avoir tourné le dos à un de ses confrères ombrageux pour une amie, seul l'avenir le sait. Mais lorsqu'il affirme qu'il n'a pas changé, que la guilde ne l'a pas changée, elle enlaça son ami et ne pensait plus aux complications, de toutes façons les complications arriveront bien trop tôt pour perdre son temps à les appréhender.

- Tu n'imagines même pas comme c'est bon de te revoir.

A cet instant la jeune noble, Caitlin, intervint avec un rire nerveux. La jeune esclave se défit de son étreinte avec son complice pour jeter un regard interrogateur vers la noblionne. Malgré tout ce qu'elle avait dit de mal sur la guilde Arianna réalisa alors que la guilde était vraiment mal vu et encore plus abaissée du point de vue des nobles, évidemment la guilde ne cherchait pas ç sauver les nobles et puis les sauver de quoi, ils ne manquait de rien eux.

- Le monde hors des murs de l'Enclave n'est pas celui que tu connais très chère. Les villageois crèvent de faim en gisant sur un pavé, et leur quotidien tourne autour du vol, du kidnapping et du pillage. La guilde n'a rien inventée sur ce point, vous n'êtes que des petits puritains chastes et nous sommes les grands méchants sans valeurs, fin de l'histoire.

Elle avait jusque là fait abstraction des interventions de l'ombrageux, mais elle sentait qu'il semblait de plus en plus énervé. Tant mieux elle comptait bien aggraver ça, petite vengeance personnelle.

- Mhm et je pense que l'on se contre-fout de ton avis, tu as perdu mon cher, seul face à deux nobles, une esclave et un de tes confrères, la pilule est dure à avaler n'est-ce pas ? Tant mieux.

La colère dans le corps de William atteint son paroxysme lorsqu'Arianna lança sa dernière offensive verbale. Le jeune homme se mit à trembler légèrement, ses mains se serrèrent tant sur les manches de ses armes que ses phalanges devinrent blanches et les muscles de sa mâchoire se contractèrent.

Il s'était promis de ne pas s'emporter à cause d'une petite peste prétentieuse, mais elle dépassait les limites, elle l'atteignait au plus profond de ses peurs, échouer. Il avait toujours été brillant, doué, crâneur, et ne supportait pas l'échec. Gray, son maître à la Guilde, lui avait appris à l'accepter petit à petit, mais la déclaration d'un raté faite par Arianna, c'était plus qu'il ne pouvait en supporter.
Il n'avait même pas perdu ! C'était lui qui contrôlait la situation présente, car Caitlin et Isabelle étaient sous ses dagues et Arianna, malgré sa langue de vipère, ne valait rien physiquement contre lui.

Ce fut la première fois de sa vie qu'il en voulut à Maximilian. Jamais il ne l'avait traité de traître, jamais il ne lui avait fait de remarque sur son amitié avec cette gamine. Mais aujourd'hui, le jeune homme faisait passer son amitié avant la Guilde, il s'agenouillait devant cette femme qui semblait avoir tous pouvoirs sur lui. William savait que dans le fond Maximilian était un type bien, qu'il lui répugnait de tuer, mais alors pourquoi était-il dans une organisation cruelle et sinon sanguinaire, du moins encline à tuer ?

William ne prit même pas le temps de réfléchir à une réponse bien sentie. Il leva la dague qui tenait Isabelle en joue, car la jeune femme n'avait pas pipé un mot depuis le début et semblait bien inoffensive, visa le torse d'Arianna, un peu à droite pour ne pas la tuer, et lança.
Son coup fit mouche, bien sûr, il était quand même le meilleur tireur de la Guilde, oui ou non ?

Il regarda la lame se ficher dans le corps de la jeune fille. Il ne jeta même pas un coup d'œil sur son ami, rajusta les pans de sa veste, rangea son autre dague, pivota et partit à grands pas dans le sens inverse. Il ne courut pas, ne se précipita pas. Il alla juste vers la bâtisse, disparaissant derrière l'angle formé par les murs.

Mais, chose à laquelle il ne s'attendait pas, il rencontra en chemin deux solides gaillards, gardiens de la soirée, qui l'interrompirent. Il dégaina l'arme qui lui restait, mais réussit seulement à égratigner l'un des deux colosses et malgré sa force il fut bien vite maîtrisé.
Pour la troisième fois de la soirée, il siffla le signal d'alerte, espérant qu'un autre complice vienne à son secours.

C'est fou comment une succession d'évènements peut se dérouler en un instant, sans que l'on est pour autant le temps d'agir ou de réagir.
Aria l'avait appelée sa soeur... Et de là elle avait refusé de partir, n'acceptant le fait de la laisser, de l'abandonner. C'était la première fois qu'une personne agissait de la sorte avec elle. Si elle n'avait pas eu toute cette peur en elle, et le tas d'interrogations dans sa tête dont "Vais-je mourir", elle aurait probablement fondu en larmes. Tout autant de joie que de tristesse. Mais Isabelle n'eut guère le temps d'y songer, que déjà Arianna faisait face à l'Ombrageux et lui décochait un magnifique crochet, laissant Caitlin prendre le contrôle sur le dénommé Maximilian en le frappant avec une branche. Enfin... enfin la pression sur na nuque diminua. Le corps du noble chuta, et elle recula en suffocant, s'adossant aux murs de haies.
Arianna la regarda au même instant, pendant un laps de quelques fractions de secondes, mais à ce moment la jeune femme n'eut d'autre envie que d'enlacer sa prétendue soeur. Elle venait de lui sauver la vie. Au demeurant, William ne lui en laissa pas le temps et se jeta sur la jeune noble, Caitlin, venue à son secours. Isabelle avait le choix, fuir avec Aria, et abandonner sa sauveuse ou rester et continuer à faire front. Maximilian quand à lui se releva et sans qu'elle ne sut comment, Aria se retrouva à l'enlacer, tout sourire affiché.

William, néanmoins ne relâchait pas sa nouvelle captive. Frottant sa paume contre son cou, elle se redressa. Et lui fit face.

-Tu sais quoi... Je te hais. Ca peut te paraître stupide, mais à moi non. J'ai toujours espéré rencontrer la Guilde des Ombres, je rêvais chaque nuit qu'un jour vous viendrez à ma rencontre. Que vous me transmettriez l'héritage de mon père, en me laissant me battre à vos côtés. Je ne désirai qu'une chose obtenir vengeance, je voulais venger l'exécution de mon père. Et toi... Tu as gâché ma vengeance, ma perception de la Guilde ! Mon père est mort pour vous, et moi qui corps et âme désirait combattre à vos côtés contre ces sales hypocrites du Haut-Gouvernement. Et toi... Vous la Guilde... Vous tentez de prendre ma vie ?!
Au fond, à quoi bon... Vous ne valez pas mieux que ceux du Mur, vous laissez mourir ceux qui vous servent le mieux !

Isabelle avait passé les deux derniers jours à boire afin d'oublier la nouvelle que lui avait transmise sa s... non, son esclave. Maintenant ce n'était plus bon ! Son père était mort. Bordel ! A cause d'une fidélité visiblement injustifiée pour cette Guilde !

-Vous avez laissé mourir mon père, et ça tu vas le payer !

Elle n'était plus la jeune fille qui avait manqué se laisser noyer par son prédateur, ou bien encore étrangler. Elle était la femme vengeresse qui sommeillait depuis l'enfance dans le recoin le plus sombre de son coeur.
Alors qu'elle s'apprêtait à fondre sur lui, il lança son couteau qui se figea dans l'estomac d'Arianna.
"Non !" fut le seul mot qui résonna en elle, et elle pilla nette, estomaquée. La tête lui tournait, tout lui semblait irréel. Elle s'agenouilla devant Arianna dont le sang se déversait à une vitesse affolante.

La première chose qu'elle ressentie fut une douleur lancinante au point où l'arme l'avait transpercée. Puis cette douleur s'étendit dans tous son corps, traversant tous ses muscles. L'odeur métallique du sang envahit tous ses sens et cette pensée s'imposait à elle sans ne pouvoir réfléchir à autre chose. Le sang, la douleur, elle n'arrivait à penser à autre chose, à comprendre la situation. Elle réalisa seulement que cet ombrageux l'avait poignardé. Il l'avait poignardé ! Voilà donc comment réagissait un ombrageux qui n'avait pas le dernier mot. Lâchement poignardée, voilà sa fin, elle se sentait idiote, puérile mais surtout elle ne sentait que la douleur à présent, une douleur qui la prenait toute entière dans un tourment obscure. Sauf qu'elle ne pouvait plus juger le comportement de l'ombrageux, elle sentait son corps faiblir sous son propre poids. La lame avait transpercé sa propre chair, et son sang se déversait à une vitesse affolante. Elle se sentait nauséeuse et par réflexe elle plaqua une main contre son estomac pour réprimer cette horripilante envie de vomir, sauf que c'était aussi là où elle avait été touchée et le contact de sa main contre la plaie sanguinolente lui arracha un gémissement de douleur. Elle avait mal, elle n'aspirait qu'à une seule chose, que la douleur s'arrête.

Elle luttait pour ne pas tomber dans l'inconscience, ne pas faiblir, être fort et encaisser. Mais la théorie et la pratique sont deux choses bien différentes. La douleur s'étendait à tous ses muscles et elle se sentait comme prise dans un étau brûlant et glaciale à la fois, tout n'était que douleur. Elle sentit ses jambes flageolaient, elle vacilla et d'une main hésitante elle chercha quelque chose ou quelqu'un à qui s'accrocher alors qu'elle se sentait tomber sans pouvoir faire autre chose qu'attendre le choc. Ses doigts semblèrent agripper un bout de tissus mais elle n'avait même plus la force de retenir son étreinte sur le pan de tissus. Les sons autour d'elle parurent soudainement très lointain, comme si elle était enfermée dans une sorte de bulle invisible, puis sa vue se brouilla. Alors que tout s'enchaînait si vite, l'espace d'une poignée de secondes à peine, elle n’apercevait que des formes floues autour d'elle, puis une page noire se referma sur elle et elle sombra dans l'inconscience.

Le temps semble s'être arrêté. Entre l'enlacement soudain d'Aria, de la colère de Will et du poignard lancé vers elle, une poignée de secondes avaient du s'écouler. Il y a un instant, je serrais mon amie dans les bras et de l'autre, je la voyais tomber au sol qui se teintait déjà de rouge. D'instinct j'interromps sa chute en la soutenant par les bras. Elle ne réagit plus ! Pris de panique, je la soulève complètement et hésite. Rentrer alors que la fête bat son plein ? Trop de témoins... L'amener à la Guilde ? Sûrement pas... Que faire ? Les larmes aux bords des yeux je tourne violemment la tête vers sa demi-soeur.

- Aide-moi ! Il faut l'emmener dans un endroit sûr !

Je cherche l'autre noble des yeux. Elle n'est plus la...Soudain je l'entends crier au loin. Elle alerte les nobles à l'intérieur. Je n'ai plus le choix.

Intérieurement, je sens que je vais lâcher. Je ne voulais pas de massacre, mais surtout pas qu'Aria sois blessée. Ce qui lui arrive est entièrement ma faute. Je me dois de la sauver.
Et Will..Will est reparti, comme ça ! Il a laissé sa rage le dominer et a tenté de tuer une innocente ! Toute loyalité envers la Guilde ne me préoccupe plus. L'essentiel est de sauver mon amie. Pour sa demi-soeur, son défunt père. Pour moi.

Bash et Zoé s'étant mis d'accord avec Kaage et Rouge, ils avaient éloigné Alex. La jeune soigneuse s'attelait à bander le torse transpercé de l'Ombrageux. Au bout d'une heure, il reprit connaissance ; la fièvre ayant quelque peu diminué. Zoé souffla rassurée, et lui confia qu'il survivrait. Ravi, le jeune Occidental serra le poignet de son frère d'arme.
Ils étaient tous les trois tapis dans un bosquet à la lisière du labyrinthe. Le temps se faisait long et la tension de Zoé était palpable, Sebastian lui maîtrisait la sienne. Cependant après quelques heures le signal retentit, une première fois. Puis une seconde peu de temps après. Il lui fut dur de rester là à veiller sur son ami plutôt que d'aller aider les siens. Le doute la gagnait...

Pour la troisième fois, le signal retentit. Cette fois accompagné d'un brouhaha au loin, les convives paniquait. Il n'avait plus le choix, il dut laisser Zoé et Alex ; il vérifia que cette dernière était bien armé. Elle était livide mais tenait debout ; le jeune homme se rappelait très bien de l'accident qui s'était déroulé lors de sa dernière virée en dehors de la forêt, et il espérait de tout coeur qu'elle pourrait faire face ce soir. L'embrassant sur le front, il encocha son arc, et regagna le labyrinthe. Le sifflement retentit à nouveau, il courut comme un fout à travers les couloirs de buissons et de haies bien plus hauts que lui. Après une course lui semblant interminable, il déboucha sur un croisement de voies. Se penchant avec méfiance, il aperçut dans une repli à sa gauche William maîtrisé par deux gardes, et un corps gisant à leurs pieds. Ils étaient de dos, et ne se souciaient visiblement pas de leurs arrières. Il se saisit de l'occasion, et décocha une flèche, elle se planta dans le bassin de sa victime qui s'effondra, il fondit sur le second garde. Qui se retournant dédaigna son épée, il tenta de le tenir en joute. Mais ne réussit alors qu'il allait lui enfoncer l'arme dans les entrailles, William de nouveau libre le maintint par les épaules, et laissa à Bash la chance de l'égorger avec son poignard. Le second corps tomba lourdement au sol.
Il se tourna vers son ami tout sourire.

-C'était moins une !

Et alors qu'ils échangeaient une poignée de main solennelle, quatre nouveaux gardes arrivèrent en courant. Tous revêtis de mailles, et armés d'épées.

Evidemment. Suis-je bête. J'habite ici maintenant. Ma maison se trouve même assez proche de la demeure des Mikaelson. Comme pratiquement personne ne me connais, l'endroit est un des plus sûrs qui me vienne à l'esprit. Le seul problème est que je n'ai aucune connaissance en la matière de blessures...Les bruits de pas affolés qui s'approchent me font agir. Ils ne peuvent absolument pas nous voir ici ! Je hoche la tête vers Isabelle.

- Oui, montre-moi le chemin.

Ma voix n'est plus que murmure. Je sais que je dépends sur la noble, mais la vie de sa demi-soeur aussi est en jeu. Elle nous sortira de la.

Je soutiens Aria par l'autre épaule et commence à avancer. Ce serait bien plus facile si je la portais complètement, mais Isabelle a l'air déterminé à se montrer utile. Je la laisse faire et entre dans le labyrinthe. Je n'essaye pas de penser aux flaques de sang qui tâchent le sable et la pierre juste devant le labyrinthe. Ni à la fine ligne rouge qui nous suis. Avec un peu de chance, la nuit noire ne leur permettra pas de voir beaucoup de choses.

Pendant notre marche, je n'arrête pas de vérifier si Aria tient le coup. Sa respiration est haletante, et elle est toujours inconsciente. Il ne faut pas être docteur pour savoir que c'est grave, voir très grave. Un sentiment de rage me traverse. Pourquoi est-ce que Will a fait ça ?! Il est parti juste après son lancé, visiblement non-affecté par ce qu'il avait fait. Un acte froid et cruel, mené sous le coup de la colère. Ce n'est pas ce qu'un guerrier digne de ce nom ferait. En parlant de ça, je venais de briser quelques règles moi aussi. Mais être loyal envers ses amis passe avant toute chose. De toute façon, ce n'est pas le moment de penser à ça. Ce qui importe, c'est d'amener Aria dans un endroit sûr, et de lui procurer tous les soins possibles.

Lorsqu'il tomba sur les gardiens qui se jetèrent sur lui, William eut le temps de planter sa dague dans le cœur de l'un d'entre eux, dont le corps tomba à ses pieds. Mais il fut vite maîtrisé par les deux hommes restants, dont la carrure colossale et la supériorité numérique eurent vite raison de lui. Alors qu'il pensait mourir dans les minutes suivantes, un de ses agresseurs tomba au sol. Le jeune homme reconnut une flèche de Bash, chouette, la rescousse arrivait.

Son second agresseur se retourna et engagea un combat à l'épée avec son compagnon, mais William l'attrapa brutalement par les épaules, offrant ainsi la gorge de l'homme au poignard de Bash.
Lorsque les trois gardiens furent à terre, les deux amis échangèrent une poignée de main.
William le remercia d'un sourire et s'apprêtait à partir lorsque des bruits de pas arrivèrent dans son dos. Il fit volte-face et vit avec horreur quatre gardiens arriver, armés jusqu'aux dents.

« - Quoi, ils en veulent encore ? »

Sa propre arrogance le fit sourire. Il engagea un combat au corps-à-corps avec le premier, mais comprit vite que malgré sa musculature il n'avait aucune chance à côté du colosse, et profita de l'inattention de celui-ci pour lui enfoncer sa dague dans le ventre. Un second arriva, qu'il effleura de sa lame à l'épaule, mais de qui il reçut un direct dans la mâchoire douloureux. Un instant étourdi, l'épée de son agresseur lui égratigna le bras, heureusement couvert d'une sorte de cuirasse en cuir. Une seconde d'étonnement et il planta sa dague dans le cœur du gardien, le laissant s'effondrer.

Il jeta un regard à Bash, qui s'en tirait parfaitement lui aussi. Malgré leur entraînement intensif William lui-même, si fier et si arrogant, était étonné qu'ils aient réussi à maîtriser quatre gardes à deux. Ça n'allait pas se reproduire tous les jours.

« - Fuyons avant que d'autres n'arrivent ! »

Seyrane était plongée dans la contemplation du beau visage de Dante quand un évènement désagréable se produisit, qui l'interrompit. Une foule se massait à l'entrée de la salle, ils allèrent voir, abandonnant leurs verres à moitié pleins sur le comptoir.

La jeune femme put à peine voir le corps allongé sur le sol. Son cavalier se raidit imperceptiblement, pourtant elle n'avait rien vu ou entendu. Tout à coup, il lui murmura quelques mots à l'oreille et partit, l'entraînant à sa suite, dans la direction opposée à la foule. Qu'est-ce qui pouvait bien avoir déclenché chez lui cette espèce d'empressement très calme mais visible ?

Était-il, comme elle l'avait pensé, un Ombrageux ? Avait-il vu quelque chose qui l'avait décidé à fuir ? Toute la soirée, les nobles avaient murmuré que la Guilde était là, parmi eux. Mais si ces combattants de l'ombre avait agi ce soir, c'était très discrètement, en tout cas ils n'avaient tenté aucune action dans la grande salle. La foule était sans doute trop importante.

Et puis quand bien même, Dante était tellement séduisant qu'elle préférait sa compagnie, même d'homme dangereux, à celle de ses parents éméchés. Elle le suivit donc sans un mot dans les jardins déserts et obscurcis, la lune étant cachée par d'épais nuages. Seulement, au bout d'une cinquantaine de mètres, elle tira sur le bras qui la tenait pour qu'il s'arrête.

« - Je ne rechigne pas à vous suivre, mais où allons nous ? »

Sa voix était calme, posée. L'alcool se décelait à peine dans son regard, contrairement à sa mère elle tenait plutôt bien les cocktails. Il ne répondit rien un instant et les deux jeunes gens s'observèrent en chiens de faïence.