L'insolence cache beaucoup de choses elle cache l'essentiel... Ma présence ici indique que, je n'ai pas eu le choix, j'ai dû venir seule. De toute manière, je n'ai même pas cherché à discutailler avec le conseil; il ne m'aurait pas écouté. Me voilà donc, là, seule et à la portée de tous... Je suis entrée par la faille au Sud, personne n'a semblé le remarquer. Néanmoins, depuis je ne suis pas quitter par ce stupide pressentiment. Comme si au tournant d'une rue, un piège m'attendait. Je soupire et décrispe légèrement mes mains - rendant un semblant de couleur à mes jointures - j'étais vraiment paranoïaque ! J'ai enfin trouvé une rue principale, il ne me reste plus qu'à la suivre jusqu'en son bout. De là je... Je me remémore mentalement l'itinéraire : une fois la place rejointe, il me faudrait tourner à gauche juste après la quincaillerie, suivre la petite ruelle, puis... A moins que ce soit à droite ?! J'atteins enfin la grande place, mais au lieu de me sentir rassurée mon mal s'emplifit. L'agitation est à son comble, de nombreux badauds sont attroupés au centre de la place. Même à une trentaine de mètres de la tumulte j'arrive à discerner la scène. Elle est seule face aux Gardiens; même avec optimisme je ne peux que dire que ces chances sont nulles. Elle ne pourra fuir, c'est impossible ! Cette constatation me met mal à l'aise. Je me reprends. Il ne s'agit pas de moi, il ne s'agit pas de moi... Je respire profondément, elle me fait de la peine mais je ne peux rien faire pour elle. Au demeurant, je peux profiter de la situation pour rejoindre la droguerie. Je pris intérieurement pour que son stupide propriétaire s'y trouve et qu'il ne soit pas venu ici observer la scène. Je m'apprête à partir quand soudainement je l'entends. Je mets ma main en visière, il est à seulement une dizaine de mètres de moi, masqué par le contrejour. Le vent porte son murmure jusqu'à moi. Je cesse de respirer. Je suis repérée. Je... Telle une proie, je recule doucement avant de prendre la fuite à toutes jambes. Je m'élance dans une ruelle sombre aux dalles inégales.

L'insolence cache beaucoup de choses, elle cache l'essentiel... Je cours comme si ma vie en dépendait, c'est peut être la cas... ! Enfin sûrement. Je trouve même le moyen d'être ironique dans ce genre de situation. Décidément, je me surprenais de jour en jour. J'accélère la cadence quand je l'entends se mettre à me poursuivre. Je suis douée pour le sprint et je place mes chances de fuite là dessus. Mes cheveux s'emmêlent dans ma course. Je traverse la ruelle sombre à toute allure, manquant de me rompre le cou sur son sol inégal. Je n'en désaccélère pas pour au tant. J'atteins une deuxième ruelle. Celle-ci est entièrement plongée dans la pénombre. Le bruit de course à cesser derrière moi. À bout de souffle, je m'arrête. Je pose les mains sur mes hanches, haletant avec difficulté. Mais où était-il passé ? Aucune escorte de Gardiens ne s'était lancée à ma poursuite. Comment avait-il bien pu me reconnaître ? Je me remets en marche ne pouvant me permettre de perdre mon temps. Tanpis pour les médicaments... Avoir pris tant de risques et ne pas pouvoir les ramener me met hors de moi. Mais c'est ainsi... Je dépasse le bout de la ruelle quand sa voix s'élève derrière moi. Que diable ! Mais comment ... ? Je suis prise au piège. Ses paroles me sont incompréhensible, mon instinct a pris le dessus. Essouflée et perdue je ne peux rien faire d'autres que me défendre. Je lui décoche un poing, lui fendant la lèvre. Je m'apprête à réitérer mon coup mais - avant que je n'en ai le temps - il me saisit les poignets et me plaque au mur. Je tente de me débattre mais sa poigne est trop puissante. Je grimace quand mes mains se mettent à me brûler. Son haleine chaude me chatouille le visage. Mon cour bat follement dans ma cage thoracique. Je me sens tel un animal attendant le coup fatal du prédateur. Je laisse couler mes larmes. Je n'implorerai pas, je me suis toujours préparée à l'éventualité de mourir et voilà qu'elle est arrivée. Je ne trahirai pas la Guilde quitte à le payer de ma vie. Il me répète sa précédente phrase. Je voudrai me contraindre au silence mais ma curiosité a été piquée au vif. Elle l'emporte sur la prudence. -Alors pourquoi m'avoir poursuivie ? Que me veux-tu ? Je m'agite à nouveau. Je prends enfin réellement conscience de ce qu'il se passe. Il va me livrer aux Gardiens. Je vais être torturée pour avouer tous les secrets de la Guilde des Ombres. Je me mets à pleurer pour de bon cette fois. Il a réveillé ma plus grosse peur : celle de n'avoir aucune perspective de fuite.   -Non... non... Non.. Qui voudrait finir ainsi ?

L'insolence cache beaucoup de choses, elle cache l'essentiel...  Une fois qu'il m'a lâché, je m'éloigne de plusieurs pas de lui. Je tente de reprendre une respiration régulière. Et me calme, je laisse le vent sécher mes précédentes larmes. Moi qui pensait avoir vaincu mon agoraphobie... Je me procure à nouveau une quantité d'oxygène suffisante et le feu de mes poumons s'apaisent. Je me frotte également les poignets, il n'avait visiblement pas conscience de sa force et ne la maîtrisait pas... Rien d'étonnant à cela, il a la carrure d'un combattant. Je le détaille des pieds à la tête; des vêtements neufs mais pourtant des mains abîmées et rugueuses. Ce qui laisse à penser qu'il est dans les bourgeois du village. Sûrement un forgeron ou un bourrelier ! -Tu n'as pas à être désolé... C'est moi. Je le fixe droit dans les yeux. Je n'accorde pas facilement ma confiance et je ne vais pas manquer à la règle aujourd'hui... Mais la Guilde des Ombres ne me pardonnerait pas d'ignorer une potentielle recrue. Je fais un pas en avant, et pose ma main dans son cou. Je tâtonne des doigts jusqu'à trouver sa carotide. Son poul est quelque peu accéléré à cause de notre course. -Tu veux rejoindre la Guilde... Vraiment ? Je vais avoir besoin d'un nom, je dois savoir qui t'en a parlé. L'un de nos alliés ? Je le regarde cette fois avec incertitude. Je déteste ce que je vais devoir dire, mais je n'ai pas d'autres choix que de le menacer. Il s'agit de la procédure imposée par la Guilde. -S'il se révèle que tu mentais ou que tu es un espion du Haut-Gouvernement; je n'aurai aucune pitié à t'égorger... Je ne pense pas avoir l'air convaincante mais s'il a pu prendre le dessus tout à l'heure c'est car j'ai été surprise. Je sors un poignard - caché dans ma bottine - et lui présente. Je ne vais pas jusqu'à le placer sur sa gorge. Je ne suis pas aussi insensible que les miens.

L'insolence cache beaucoup de choses, elle cache l'essentiel. Je desserre immédiatement ma prise sur lui et range mon arme. Je recule. Bordel de m... ! Est-ce qu'il avait conscience de ce qu'il venait de me dire ?! Aucun doute, il avait dit la vérité, son poul avait été des plus réguliers. Je le regarde à nouveau droit dans les yeux. Je ne prends même pas la peine d'écouter la suite de ses paroles. Il voulait voir la Guilde, il allait la voir. Wadson... Cela faisait une éternité que je n'avais pas entendu ce nom - pourtant mythique chez nous. Il a été notre infiltré pendant plus de vingts ans. Nul n'était aussi doué que lui car il n'avait pas peur de prendre des risques. Il avait décidé d'arrêter ce genre de choses - et de rejoindre avec sa fille la Guilde des Ombres - quand il a été découvert. Nous n'avons jamais pu le prouver mais sommes persuadés qu'un traitre l'a dénoncé. Il a été exécuté sur cette même place que j'ai tout à l'heure traversée. Nous avons tous promis d'honorer sa mémoire en prenant soin de sa prunelle. Or, nous ne l'avons jamais trouvée et avons fini par croire à sa mort. Après tout aurait-elle vraiment eu des chances de survivre seule en attendant notre venue. D'après les dires du villageois : oui. Je fais enfin le lien. Cette fille qui luttait contre les Gardiens c'était la sienne... - Tu parles bien de la fille de Wadson... Arianna ? Mais comment a-t-elle pu s'en sortir toutes ces années... ! Il s'agissait de la fille sur la Grande Place ? Ma phrase tenait plus de l'affirmation que de l'interrogation. Mais je voulais en être certaine. Si oui, la Guilde allait être furieuse que les Gardiens les attrapées et si a l'heure qu'il est elle était morte ? -Je vais avoir besoin que tu me dises tout ce que tu sais ? Et de quel plan tu parles ? Pour finir avant que nous rejoignons la Guilde tu vas devoir accomplir une course pour moi. Je lui rends ma bourse et lui récite la liste de fourniture médicales dont a besoin le camp. - Tu peux t'en charger ? Si il m'arrive quelque chose, tu ne pourras pas rejoindre les miens. Et le sort de ton amie sera scellé.

L'insolence cache beaucoup de choses, elle cache l'essentiel. Je réfléchis... La situation n'est pas des plus simples. D'accoutumée j'ai déjà du mal à entrer et sortir du village, mais cette fois je vais devoir en plus faire s'échapper un vieillard. Je me laisse aller sur le mur. Je sais ne pas avoir de temps à perdre mais j'ai besoin d'être calme pour mieux réfléchir. Impossible de prendre la faille dans les remparts Sud; nous ne risquerions pas seulement de nous faire découvrir mais également de révéler le moyen d'accès des Ombrageux au village. Je lève les yeux au ciel - je savais bien que c'était une mauvaise idée de me faire venir seule. Je n'étais sûrement pas qualifiée pour répondre à ce genre de situations. Je repense à Kaage - croisé plutôt dans la matinée - lui était habilité à gérer ce genre de situations ! Si seulement il m'avait accompagné... D'ordinaire, je ne consentirai pas mais je n'ai pas le choix. S'il est l'ami d'Arianna, la Guilde lui est redevable tout autant qu'à elle. Mais d'où leur était bien venu cette stupide idée ! Il aurait été beaucoup plus simple qu'Arianna rejoigne les Ombrageux plutôt qu'elle devienne esclave. Là-bas nous ne pourrons garantir sa sécurité. Je comprends enfin... S'il fait cela, ce n'est pas anodin. Il éprouve des sentiments pour elle. J'affiche un demi-sourire. Ce ne doit pas être facile pour lui de la savoir aux prises avec les Gardiens. Sûrement déjà en route vers le Mur. -Non, on ne verra pas. C'est tout vu : tu m'amènes les médicaments et ton père, lui et moi allons quitter le village par la porte principale. Ton père me fera passer pour sa nièce qui est venu le chercher, car son frère est sur son lit de mort. C'est la solution la plus sûre ! D'accord ? Il ne laisse rien transparaître. C'est étrange qu'il soit aussi calme, comme s'il s'empêchait de penser au pire. Je pose ma main sur son épaule. -Zoé. C'est mon prénom. Je vais t'attendre ici jusqu'à ton retour. Tâche de faire vite !

L'insolence cache beaucoup de choses, elle cache l'essentiel. Je lui adresse un sourire navré, sincèrement désolée. Ce ne doit pas être facile pour lui de me laisser son père. Il ne me connaît pas et ne peut savoir si je suis digne de confiance. Son geste est réellement désespéré. Il ne peut que monter dans mon estime : Il a une vie confortable, sans dangers, et il est prêt à la lâcher pour fournir son aide à la Guildes des Ombres. Il me remet ma bourse avec les médicaments - je murmure un bref "Merci" - et ne prend la peine de vérifier. S'il m'a accordé sa confiance, je dois lui accorder la mienne. -Je vais partir, maintenant. J'emmène ton père aux Ombrageux. Quand à toi fais attention ! Car dans l'enceinte du mur, nous ne pourrons rien pour toi... Je ferai en sorte qu'un de nos messagers [ Kaage ? ] te prévienne de l'arrivée de ton père. Je défais ma veste, laissant apparaître mon chemisier. J'en défais ma broche : un corbeau en cuivre. Je la lui tends. -Prends ma broche et porte-là quand tu seras là bas. Elle te permettra de te faire reconnaître par nos messagers, et par les autres espions. Bonne chance ! Je propose mon bras à son père. Et tous deux nous nous éloignons de la ruelle... C'est lui qui me guide jusqu'à la grande porte. Pas une seule fois il ne regarde en arrière, il est entièrement dévoué à son fils. Nous franchissons la sortie, sans éveiller les soupçons des Gardiens.