Gala... Vraiment quelqu'un aurait-il l'obligence de me dire à quoi cela pouvait-il bien servir ? Je finis par me débarrasser de mes escarpins, les laissant tomber dans la spirale d'escaliers. Avancer, ne serait-ce qu'avec cette robe était déjà un vrai défi !

La journée était passée avec une une lenteur perfide et exagérée. Ce qui est toujours le cas quand je me présente à ce genre de choses.
Tout un chacun parmi les plus hauts nobles s'était rendu au gala des McLevills, et c'est toujours un honneur d'y être convié... Blablabla. Non, mais vraiment quel intérêt y a-t-il à cela ?
Vous passez votre journée à bavasser, manger des petits-fours dont la quantité ne semblait jamais s'épuiser, à sourire à des gens que vous détestiez. C'est ce que je disais aucun intérêt.
Il y régnait un brouhaha incessant et pourtant la chose la plus pertinente que j'ai entendu aujourd'hui est sûrement "Votre robe est en soie ! C'est un tissu d'Outre-Atlantide... Elle a dû vous coûter une fortune !". Et encore, il fallait la chercher la pertinence dans cette phrase.
S'il ne tenait qu'à moi j'aurais cesser depuis longtemps de m'y rendre, mais à cause de la condition de ma mère et de mon futur beau-père je devais m'y tenir. Mon futur beau-père... Et oui, je ne sais pas pourquoi mais tout deux ont soudainement ressenti le besoin de se marier. Pour officialiser la chose, comme a si bien dit ma mère. Comme si tout le monde n'était pas au courant de leur liaison !
Moi qui comptais m'éclipser en douce, c'était raté. Toute la salle entière est venu me voir exprimer mon bonheur à cette nouvelle ! Dommage pour eux, je n'ai pas eu la tête à sourire cette fois. Comment osait-elle ! Elle avait trahi mon père et maintenant elle épousait son complice !
Je n'avais qu'une envie partir... Tout un tas d'émotions m'assaillant; mais ce n'est qu'à vingt-trois heures passées, prétextant une grosse fatigue, que j'ai pu partir.

Après ce qui me paraît être une éternité, j'atteins enfin l'étage de mes appartements. J'ouvre la porte mollement et me laisse tomber sur le premier sofa de la suite. J'inspire un grand coup et me redresse. Les membres en compote, je ne désirais qu'une chose me laisser emporter dans l'ivresse de l'alcool.
Mais avant ça, je devais me débarrasser de ce tas de tissus plus su' encombrant. Sans plus attendre, je défais le corset de ruban et laisse la robe tomber au sol. Farfouillant dans l'armoire de ma chambre, je dégotte un tailleur noir et l'enfile. Voilà qui semblait beaucoup mieux...

A dure journée, récompense de taille. M'inspectant dans le miroir, je souris. Le tailleur me mettait largement en valeur. Enlevant les pinces de mes cheveux, je passe une main dedans jusqu'à ce qu'il soit en bataille. Voilà, je préférais largement ça.
Maintenant il ne me restait plus qu'à savoir où était passé la bouteille de Baileys. Après avoir mis à sac quelques meubles, je finis pas la dénicher. Avec impatience, je la débouche et sans prendre la peine de chercher un verre, je bois à même le goulot. Je laisse le goût acre et sucré du café et du chocolat m'enflammer la gorge. L'enivrement me gagne.
C'est ce qu'il y a de bien avec cet alcool, pas besoin d'attendre l'effet est immédiat. La journée a beau avoir été infiniment longue, je n'ai pas sommeil et je ne sais comment m'occuper. J'y pense soudain. Arianna est probablement rentrée, nous sommes parties sur de mauvaises bases alors peut être devrais-je faire un effort envers elle. J'ignore pourquoi mais il y a cette chose qui me plait chez elle. Et je n'ai plus envie de jouer à l'enfant, je vais lui montrer ma vraie nature ; celle de la fille qui haït sa société et qui souhaite autre chose. Pourquoi se cacher à elle ? Arianna s'est bien confié à moi. Malgré ma conscience que mon jugement est fort influencé par l'alcool, je n'y résiste pas, je vais me montrer au vrai jour.
Je frappe à sa porte.

-Arianna ?

Aucune réponse. Je re-tente une nouvelle fois. Nulle réponse. Impatientée, j'ouvre la porte.

-Tu sais, je trouve vraiment stupide la manière dont nous nous sommes affrontées. Je n'ai pas été franche avec toi... Vraiment, je déteste les miens et je ne souhaite que changer ce monde. Toutes ces parades et ces robes à dentelles m'écœure, je ne fais que me protéger en prétendant être...

Je suis interrompue par un objet tombant au sol. Je baisse la tête. Et me saisit de la chaîne, c'est alors que le problème survient... Cette chevalière... Celle accroché aux fines mailles métalliques. C'est celle de... mon père.
Je me laisse tomber à genoux et instinctivement les larmes se mettent à ruisseler sur mes genoux.
Et ce n'est seulement qu'après quelques minutes que la réalité s'impose à moi. Pourquoi cette esclave avait-elle le collier de mon père ? Mon père était-il mort ? Avait-elle été envoyée par ma mère pour considérer à quel camp j'appartenais, au quel cas j'étais désormais en danger ! Je me redresse, serrant le bien de mon père tellement fort que ma paume de perle de sang.

La nuit étendait son obscurité sur le ciel lorsque Arianna regagna la Haute-Tour. L'infinité de marches qui se déroulait face à elle lui arracha un soupire, l'idée de grimper toutes ces marches pour atteindre ses appartements ne lui était guère dans de bons sentiments. Sa dernière entrevue avec son asservisseuse s'était mal passé, les deux étant assez têtues et bornées. Ces deux jeunes femmes aux caractères bien trempés avaient eut une petite altercation la veille. A force de ressasser cet événement la jeune fille commençait à se dire qu'elle avait mal agis avec Isabelle. Son acheteuse avait toujours été assez tolérante même en apprenant son complot contre le gouvernement en place. Il était vrai qu'elle n'avait eu guère d'autres choix, ayant cédé à la panique en découvrant qu'elle résiderait à plusieurs mètres à peine de ces politiques qu'elle haïssait tant. Peut être que je devrais m'excuser se dit-elle mentalement. Une fois les marches gravit la jeune esclave ouvrit grand la porte, elle n'avait d'autre choix que de passer par la chambre de son acheteuse pour atteindre ses propres appartements, à moins qu'il n'y ait un autre accès, si c'était le cas elle ne l'avait pas encore découvert. Elle se stoppa aussitôt en découvrant que son asservisseuse était dans une sorte de transe, elle déversait toutes les larmes de son corps comme si un événement tragique venait de lui être annoncée. Dans la pièce flottait une apparente odeur d'alcool, un alcool fort et puissant. Cette odeur lui rappelait la bouteille qu'elle avait entamé chez Maximilian Ainsworth. Non c'était une effluve plus puissante encore. La jeune esclave se dit aussitôt qu'elle devait être ivre, elle approcha et se planta face à son acheteuse. Du sang perlait de sa paume serrée, d'un coup d'oeil Arianna crut reconnaître la chaîne en fine maille qui pendait mollement de la poigne de son acheteuse, il n'y avait qu'un seul moyen de le savoir. La jeune esclave se précipita contre la porte de sa chambre et découvrit que la poignée était vierge, la chaîne accrochée dessus n'y était plus. Peut être avait-elle reconnu le nom gravé à l'intérieur ? Non se dit-elle c'est impossible, personne dans l'Enclave ne peut le connaître. Secouant négligemment la tête de droite à gauche la jeune fille s'imaginait mille et un scénario improbables. Ses yeux fixaient sur la chaîne elle n'avait plus qu'une seule solution en tête, elle avait la chevalière de son père. Non ! Elle ne peut pas m'enlever ça ! D'un geste brusque elle tira sur la chaîne et lui arracha des mains le pendentif. Des gouttes de sang perlèrent sur le sol tombant du poing d'Isabelle. Lorsqu'elle reconnut la chevalière de son père tout tâchée du sang de son asservisseuse la jeune esclave entra dans une certaine colère.

- Le principe d'intimité et de possession tu connais ! Ne touches plus jamais à cet chevalière, elle m'appartient, en plus tu as l'air totalement ivre ! Ça va vraiment pas dans ton esprit de petite noble puritaine. C'est à moi, d'accord ?! Et dire que j'étais sur le point de te présenter mes excuses, mais regardes toi, tout ne tourne qu'autour de toi, tu ne respectes même pas mes possessions !
 
La jeune esclave se mit à frotter avec sa manche la chevalière pour ôter toutes traces de sang, les larmes lui montaient et elle faisait tout son possible pour retenir un sanglot. Une fois que le bijou avait retrouvé sa couleur initiale une question tarauda le jeune fille, pourquoi diable son acheteuse était-elle en pleur, serrant jusqu'à saigner la chevalière de son père ? Elle ne se doutait pas que le bijou avait la même valeur sentimentale pour elle que pour son asservisseuse, elle ne s'en doutait pas du tout.

Isabelle se dit qu'il y avait forcément une explication rationnelle à cela. Peut-être que son père avait dû céder sa bague contre de l'argent et que Arianna l'avait racheter ! Oui ça devait être aussi simple que ça ! Elle n'aurait qu'à demander à la jeune esclave pour lui racheter, elle serait même prête à l'affranchir pour cela !
C'est alors qu'elle était justement revenue. Et dans les mêmes temps toutes les bonnes pensées d'Isabelle s'évanouirent. L'esclave commença par lui demander si elle était ivre puis lui arracha la chevalière des mains, en s'emportant sur elle. Elle serait une voleuse ?! Les rôles n'étaient-ils pas inversé après tout c'est tout de même Arianna qui avait le bijou de son père disparu.

-Moi une voleuse ! Ceci est mon bien, ma possession ! Et dire que j'étais prête à te l'acheter et à t'affranchir, alors qu'il me suffirait seulement de te mettre à la porte !

La tension entre les deux prit un nouveau tournant. Le poignet droit d'Isabelle la démangeait vraiment, et elle retenait avec peine la pulsion qui la suppliait d'en coller une à l'effrontée. Elle  essuya dédaigneusement les larmes qui avaient coulé le long de ses joues, elle sentit alors le contact du sang sur sa peau. Elle avait serrée la bague comme une démente jusqu'à ce que le sang coule. Elle retrouva alors tout son calme et se laissa tomber sur le canapé.

-Désolée... Je n'aurais pas dû m'emporter. C'est juste que cette bague me revient de droit ! J'imagine que tu l'as acheté ou qu'on te l'a offerte, et je suis prête à payer n'importe quel prix pour l'avoir ! Regarde le sceau gravé à la surface. Ce loup cabré est l'insigne de mon père... Pendant tout ce temps j'ai espéré croire qu'il soit encore en vie, et sa chevalière vient de me redonner l'espoir. Il a été victime d'un complot de ma mère et mon beau père...

Elle se mit à tout déballer. Elle racontait à la jeune esclave ce qu'elle n'avait jamais évoqué auprès de personne. Arianna était elle étrangement silencieuse.

-Il servait la Guilde des Ombres. Tu es vraiment silencieuse, toi qui pourtant dès le début semblait toujours trouver quelque chose à redire... Enfin bref, pourrais-je avoir la bague maintenant ?

Toute cette masquerade n'avait plus aucun sens ! Dans l'esprit d'Arianna bouillonnaient une tonne de question. Pourquoi son asservisseuse affirmait-elle que cette chevalière appartenait à son père alors que les initiales du père de la jeune esclave étaient gravées à l'intérieure ? Pourquoi parlait-elle de l'affranchir ? C'était une pratique impossible sur les Haute-Terres ! L'autorité ne laisserait pas une noble, tout aussi privilégiée soit elle, affranchir un esclave. Le peuple gagnait à voir des leurs asservis jusqu'à leur mort en guise d'expiation suite au Soulèvement. Le Soulèvement, qui était survenu il y-a cette année un siècle. Comment le gouvernement pouvait-il garder une telle pratique sur ces terres opprimées ? Seuls les politiques le savaient...C'était surtout le discours de son acheteuse qui décontenançait Arianna. Ce même bijou semblait appartenir à leur père respectif, mais deux personnes différentes ne pouvaient porter la même insigne sur un bijou où était gravé des initiales prouvant l'appartenance à un homme d'une identité autre. Voilà c'était impossible, une malheureuse coïncidence, la jeune esclave tentait de se rassurer car les pires de scénarios s’immisçaient dans son esprit. De ses doigts elle jouait avec le bijou qui attirait toutes les convoitises, la chevalière était très raffinée en soit, munie d'une pierre d'un bleu pur, du lapis-lazuli avait précisé son père plusieurs années auparavant. Le métal entourant était probablement en argent. Sur le dessus le métal venait recouvrir une partie de la pierre pour formé un loup cabré, le fameux sceau familiale évoquée par son asservisseuse. Pourtant à l'intérieure plusieurs initiales y étaient gravées, celles de sa famille, la famille des Wadson. Celle pour qui elle avait défendu son honneur alors que l'autorité cherchait à salir ce nom à cause de la soi-disant trahison commise. C'était vrai, son père avait comploté avec la Guilde des Ombres. Soudain la jeune esclave prêta attention au discours de son asservisseuse qui expliquait l'origine du départ de son paternel. En plus de partageait un bijou en commun les deux hommes avaient visiblement partager les mêmes erreurs, s'allier avec la guilde. Secouant négligemment la tête de droite à gauche elle se revit alors à la mort de son père, lorsque ses confrères l'interrogèrent durant presque une semaine pensant qu'elle savait quels étaient les plans prévus par son paternel. Un piège ! Ils veulent que je leur révèle un appartenance à la guilde et les plans de mon père, elle a du inventer cette histoire pour me croire proche d'elle ! se dit-elle mentalement, elle pensait que son acheteuse était de mèche avec l'autorité.


- Non ! Tout est déjà dit, ils n'en seront pas plus. Ils ont déjà passés des jours entiers à me torturer l'esprit pour savoir si je savais quelque chose là dessus, je n'en savais rien d'accord ?! Certes il complotait contre vous et votre saleté de pouvoir opprimant mais je n'en savais rien. Tu es avec eux depuis le début petite puritaine hein ? Tu complotes avec eux pour que je déballes mes plus lourds secrets ? Si c'est ça votre nouveau stratagème c'est minable ! Depuis sa mort vous n'arrêtez pas de me harceler ou de me faire tomber au plus bas pour que parle, mais il n'y a rien à dire ! C'est vrai, mon père était avec la guilde, le jour où je l'ai su comme je l'ai répété tant de fois c'est lorsque ils l'ont exécutés devant tous les autres villageois après des jours de tortures physiques et mentales. Ce n'est pas en me faisant croire que tu pourras m'affranchir que tu auras la vérité, ce que vous voulez savoir je l'ignore mais j'aimerais le savoir pour le continuer et vous tuez. Venger son sang versé par votre paranoïa et l'oppression subit depuis sa mort ! Ah surement ne te l'ont-ils pas dit, surement suis-je à leurs yeux la méchante de l'histoire, mais depuis la mort de mon traître de père il s'avère que les membres de cette petite milice que forme les gardiens me harcèlent, me surveillant les premières semaines jusqu'au décès de ma sœur, faute de pouvoir dérober un dîner ! Durant des jours j'étais enfermé avec eux me menaçant pour que je parle mais comme je l'ai maintes fois dit je n'en sais rien, je n'en sais rien....

Les larmes lui piquaient les yeux mais la jeune esclave se retient, la rage montant elle jeta la chevalière violemment sur le sol, de part son raffinement le bijou était aussi assez résistant et ne se cassa pas sous le choc. Pointant un doigt accusateur vers son asservisseuse la jeune orpheline se retenait de l'étrangler, elle était certaine que c'était un nouveau stratagème du Haut-Gouvernement contre elle.

- Les initiales gravées à l'intérieur sont celle de notre famille, pas de la tienne, donc ravale tes mensonges et tes yeux de chiens battus. Ta masquerade a été découverte, si c'est cette bague qui te tient à cœur vas-y ! Voilà le dernier objet me rattachant à lui arraché je n'en serais pas néanmoins assez bouleversée pour vous dévoiler ce que je sais !

Arianna fulmine littéralement et elle avance dangereusement sur la jeune femme. Isabelle se retrouve vite accoler à la table, la jeune esclave à trente centimètres de son visage. La panique gagne son visage, les yeux d'Aria sont comme alimentés par des braises. S'ensuit alors un monologue dont la jeune noble ne comprend rien. De quoi parle-t-elle ?

-Qui complotait ?! De quoi parles-tu ?

Arianna recule enfin, elle sert les poings comme si elle résistait à une importante envie meurtrière. Elle se tait longuement, et Isabelle n'ose rompre son silence ; puis elle reprend toujours plus furieuse. Cette fois une sorte de paranoïa semble l'avoir envahie. La belle brune est à son tour sur la défensive.

-Moi une puritaine ? Je n'ai jamais prétendu être parfaite ou pure ! Ne me mets pas sur le dos les généralités de ma caste ! Et entre nous celle qui me juge c'est toi ! Toi qui te place, au dessus de moi. Alors arrête ! Ton père... Un traite ? Et alors le mien aussi en était un. Je l'ai vu sauté d'une tour alors que je n'étais qu'une enfant et me suis persuadée qu'il était en vie. Quelle petite sotte ! Alors ne te juge pas plus malheureuse !

La jeune esclave pousse un cri de fureur. Et je fais un pas en arrière.

-La bague de ton père ? Ses initiales se sont celles du mien. JRWH... John, Richard Hart. Et Wadson pour le nom de jeune fille de sa mère qu'il considérait plus que tout. Il a sauté de cette tour-même ou nous sommes, je n'avais que neuf ans. Il disparaissait souvent, je sais qu'il aidait les Ombrageux. Il menait une double vie, et il voyait une femme je crois. J'ai même trouvé une esquisse un jour, je la garde précieusement car si je vois cette femme peut-être m'aidera-t-elle à le retrouver.

Je me dirige vers mon bureau et sur le côté dégage une partie secrète ; j'en sors un livre usé et ouvre au couteau sa doublure. J'en sors un portrait usé. Au même moment, Aria lance la chevalière. Je la ramasse précieusement et laisse courire mon doigt dessus.

-Comment pourrait-elle appartenir à ton père si elle appartient au mien ?!

Chaque mot prononcé par son asservisseuse avaient l'effet d'une gifle dans l'esprit de la jeune esclave décontenancée face à la situation. Tentant de trouver une explication logique elle se trouva des plus démunies lorsqu'elle découvrit que l'esquisse, censée représenter une amante du père d'Isabelle, était celle du visage de sa mère ! Sa mère décédée quand elle avait neuf ans, laissant son mari et ses deux filles. La finesse de ses traits y était clairement représentée, tout comme ses somptueuses boucles de jais et son regard sombre comme l'obscurité d'une nuit sans lune. Lorsque son acheteuse avait sortit le portrait usé par le temps, la jeune esclave l'avait jaugé un court moment, l'affaire d'une seconde lui suffit pour reconnaître les traits si familiers de sa parente. La tournure des événements devenait très étrange. D'abord cette chevalière, dont les initiales correspondaient avec celles de la famille Hart, mais aussi de sa famille à elle, mais...n'avait-elle pas entendu Wadson ? Son nom ! Sa famille, sa lignée, son identité, son sang. Elle été née sous ce nom hérité de son père. Toute la rage et la colère d'Arianna s'estompèrent comme neige fond au soleil, une certaine curiosité mêlée à une incompréhension totale avait accablé son esprit d'un millier de questions rhétoriques ou sans réponses. Elle se répétait mentalement la signification des initiales d'après Isabelle, puis d'après elle. Les lettres collées, les noms pas du tout hormis un seul...le nom de sa lignée. Et si ? Y-a t-il une autre explication possible ? Non...mais c'est impossible ! Nous sommes de deux factions différentes, ces deux factions séparées par le Mur ! Infranchissable, sauf en aller-simple...Sois lucide ! Aucune autre explication n'est plausible, mais cela voudrait dire que...

- Ça paraît impossible je sais, mais c'est évidemment n'est-ce pas. Nous sommes liées, depuis le début. 

Arianna crut bien que la mâchoire de son acheteuse allait tomber tant elle était estomaquée par la nouvelle. L'heure était grave mais devant l'étonnement si démonstratif de son asservisseuse la jeune esclave ne put s'empêcher d'avoir un sourire amusé. Devant l'air médusée qu'affichait son interlocutrice Arianna tâcha d'expliquer la théorie qui l'avait amenée à sa conclusion.

- D'après mon père ses initiales avaient une autre signification. JRWH signifient Jane Rivers, Wadson et Hailey. Jane Rivers est le nom de ma mère, la jeune femme de l'esquisse qui plus est. Le nom de Wadson est celui de ma lignée. Et Hailey est mon deuxième prénom, mon père avait toujours insisté pour m’appeler ainsi à cause de sa signification, Héros, même si je n'ai rien d'héroïque. Il m'avait toujours montré ses initiales ainsi. Nos deux pères possèdent la même chevalière et le l'amante de ton père s'avère être ma mère donc il n'y a qu'une seule explication possible....Nous partageons un sang commun.

Soudain elle se stoppa net, dans son esprit la nouvelle paraissait beaucoup moins choquant qu'une fois prononcée sa bouche. L'asservisseuse et son esclave partageant une lignée commune. Si cette nouvelle était su les deux jeunes femmes risqueraient beaucoup, visiblement leur père n'avait pas arrêté de jouer les infiltrés pour la Guilde, guilde pour laquelle il est même mort. Et elle croit encore qu'il reviendra, la pauvre, il ne reviendra jamais....

La jeune esclave prit, avec une délicatesse qui lui était inhabituelle, l'esquisse des mains de son asservisseuse. Elle parcourut les courbes du portrait avec une lenteur exagérée, s'attardant sur les boucles rebelles du modèle. En un instant, son visage se voila ; puis son visage changea du tout au tout. Elle regarda alternativement le portrait, Isabelle, de nouveau le portrait, Isabelle, puis elle-même. Elle se rapprocha du miroir en pied posté à côté d'une des nombreuses statues mythologiques à échelle humaine ; la jeune noble de passionnait des dieux nordiques. Isabelle ne comprenait pas vraiment la scène, l'autre fit volte-face et vint planter ses yeux noisettes dans les siens plus foncés, presque noirs. Il sembla à la jeune noble qu'elle dût de reprendre plusieurs fois pour parler.  Finalement son esclave parla, de manière étrange il faut le reconnaître. Elle évoqua un lien entre elles.

-Nous liées ?! Mais de quoi parles-tu ? Il y a quelques jours encore je ne te connaissais pas... Ne serait-ce pas toi qui aurait bu ? D'ailleurs où est la robe que tu devais aller chercher ? Je prévoyais de la porter au bal de demain.

Arianna se mit à rire nerveusement avant de se reprendre. Isabelle refusait de voir l'évidence qu'elle lui soumettait, mais au fond une partie d'elle avait compris. C'était juste trop difficile à avouer.

-Tu sais de quoi j'ai besoin d'un bon verre de champagne ! Tiens, et toi aussi sers toi...

Je sortais maladroitement une flûte de l'armoire vitrée, où se trouvait toute ma vaisselle en cristal. Je fis glisser mon doigt sur le rebord du verre provoquant un son cristallin semblable aux chants matinaux des oiseaux. Avec une démesure renouvelée, j'ouvris la bouteille, trouvée dans un autre meuble, avec un canif ; au manche incrusté de gemmes. Voilà ce qu'était mon monde ! De la richesse, de la richesse... Oh et encore de la richesse ! Voilà ce à quoi j'aspirais. Alors j'allais définitivement noyer mes idéaux d'un monde plus juste et profiter de mon confort. Je portais mon verre au lèvre, avalant bien trop rapidement l'alcool quand Arianna reprit la parole.
Elle parla d'un autre sens donné au lettres par son fameux père, celui qui avait dû soutiré la bague au sien ou même la voler. Le champagne lui faisait prendre de la grandeur, elle se voyait telle qu'elle, à sa juste valeur.
A un autre moment, elle aurait trouvé telle coïncidence étrange, mais ce soir elle refusait de l'accepter. Et c'est finalement là que cette Arianna Hailey Wadson prononça les mots qu'elle voulait, tout sauf entendre ! "Nous partageons un sang commun..." Elles partageaient un sang commun... Non, impossible ! Elle avala de travers et recracha tout l'alcool qu'elle avait pu avaler dans la soirée. Elle se redressa, essuyant ses lèvres humides d'un revers de main.

-Stop ! Tais-toi ! Arrête... Arrête ! Je ne veux plus entendre tes mensonges !

Non... Non, non, non ! C'était évident mais elle refusait de l'entendre dire ! Si sa théorie, si ses dires et propos étaient vrais et non erronés... Elle avait la bague de son père ! Pourquoi elle ?!
Alors si ce qu'elle affirmait se trouvait être la vérité, alors cela signifiait que pendant tout ce temps son père était en vie. Qu'il avait préféré resté avec sa nouvelle famille, l'amour de sa vie et sa nouvelle fille ! Il n'avait même pas cherché à la contacter à la revoir... Il avait décidé de l'oublier, de mener une nouvelle vie sans elle. Au quel cas, il aurait aisément pu lui faire porter un objet, comme sa chevalière, par un infiltré pour lui signifier qu'il était vivant et qu'il l'aimait. Au lieu de quoi il s'était fait passer pour mort... Il l'avait abandonné !  
La jeune noble tourna le dos à celle qui é tait une intrus dans ses appartements, dans sa vie ! Elle lui avait volé son père, son enfance, l'amour qu'elle aurait dû recevoir ! Mais, elle ne lui laisserait pas la jouissance de voir de nouveau ses larmes. Maîtrisant ses sanglots et prenant une voix automate, elle l'interrogea.

-Où est mon père maintenant ?!

Les événements prenaient une tournure improbable et bien trop rapide au goût de la jeune esclave. Elle avait pourtant révélé l'évidence de cette coïncidence bien trop cocasse, mais une fois les mots sortis de sa bouche Arianna voulait ne pas y croire. L'idée d'être lié par son sang à cette jeune noble, son asservisseuse qui plus est, la révulsait. Si elles partageaient bien le même père, une lignée, cela signifierait qu'elles seraient sœurs. Non, je ne veux rien avoir avec elle ! C'est une noblionne puritaine et présomptueuse, jamais elle ne pourra être considérée comme de ma lignée, théoriquement oui, mais non. Elle n'est pas des nôtres. C'est alors qu'elle s'imagina son père en noble emplie de privilèges, entrant dans ses mêmes appartements tout en s'occupant de sa fille comme il l'avait fait avec la plus jeune sœur de l'esclave. Un large sourire aux lèvres, sa chevalière au doigt, et complotant avec la Guilde. Encore cette guilde, la jeune esclave commençait à en avoir ras le bol de cette fichue communauté de rebelles pour qui il était mort. Comment allait-elle annoncer à son asservisseuse, et sœur, que l'homme qu'elle a toujours espérée revoir ou ne serait-ce que savoir vivant, était aujourd'hui décédé. Résidant six pieds sous terre dans le cimetière du village, la dernière terre qu'il avait habité. Pourtant alors qu'Arianna évitait soigneusement le sujet en écoutant son acheteuse nier la vérité en bloc, il fut un moment où elle sembla accepter la nouvelle et se retournant vers la jeune esclave elle avait demandé où était leur père, son père avait-elle dit plutôt. 


- Notre père est mort, il y-a de cela trois ans. Visiblement il n'a jamais cessé ses complots et sa trahison a été découverte. On ne pouvait le sauver, il avait accepté son dessein malgré que l'on l'est prévenu de son arrestation prochaine, il était un gardien et certains de ses collègues et amis avaient tentés de le faire échapper, il a refusé. Il avait été découvert en tentant un coup de force risqué, pénétrer dans le l'Enclave. Maintenant nous savons pourquoi, à cause de toi.


La jeune esclave vacillante s'agrippa au rebord d'une table. C'en était trop d'un coup. Tout ce flot de souvenirs, les longs sillons de sang coulant le long de son dos, ses cris de douleurs, son dernier soupir. Puis lorsqu'elle avait du attendre la nuit tombée pour récupérer son corps, l'enterrer, lui offrir un hommage digne de ce nom. Son ami Edwin, fils d'un gardien, l'avait aidé dans cette besogne. Le jeune homme avait été pris par les chercheurs quelques jours plus tard, son père était dévasté mais telle étaient la dure loi de la quête des esclaves dans les rues du village. Elle se demandait où il pouvait bien être aujourd'hui. Mais l'heure n'était pas aux pensées furtives pour cet esclave. Arianna avait un problème bien plus imposant à gérer. Une sœur inattendue, voilà qui était gros comme nouvelle, et une noble qui plus est. La jeune esclave était tombée bien bas, jamais elle n'avait pensé qu'elle trouverait dans cet endroit la nouvelle d'un père anciennement noble et de l'existence d'une demi-soeur étant son asservisseuse. Mais c'est horrible ! Asservie par mon propre sang, et si elle prend mal la nouvelle ? Elle pourrait me faire tuer dès qu'elle le souhaite. C'en était trop pour la jeune esclave qui dut respirer longuement pour récupérer son calme, une certaine panique l'ayant envahit. Elle remarqua qu'elle s'était tant agrippée à la table qu'elle avait enfoncée ses ongles dans le bois, le rebord était griffé et ses doigts étaient égratignés, laissant transparaître quelques fines gouttes de sang pourpre. Elle se retira aussitôt dans un mouvement de recul, paniquant.


- Typiquement moi, apprendre à se battre quand on est acculée et sans défense. Si seulement j'avais réagis plus tôt peut être n'aurais-je pas été si naïve. Il faut que je sortes d'ici ! De l'air, j'ai besoin d'air, de respirer. Non il faut que je sortes de cette cage dorée, retournez sur ma terre native. Cet endroit n'est qu'un empilement de nouvelles désastreuses, je m'en vais ! Tiens ta si chère robe est là-bas sur le lit, et garde cette chevalière, ainsi que le portrait, je ne veux plus en entendre parler. Plus rien de tout ce cauchemar ne me servira de toutes manières. Il faut que je sortes d'ici, que tout ce stupide drame devienne une histoire ancienne.


Sa voix saccadée trahissait le sentiment oppressant qu'elle ressentait au fond de son être. Tout à coup elle ne supportait plus l'idée d'être entre ses murs, face à son asservisseuse. Elle n'osait même plus croiser le regard de la jeune noble. Elle avait ce besoin irréversible de s'en aller, de quitter cet endroit. Ce qu'elle fit aussitôt. La jeune femme avança d'un pas hésitant mais précipité vers la porte, puis se retournant une dernière fois vers son asservisseuse un sourire contrit se dessina sur ses lèvres en guise d'adieu. Et sans un regard de plus elle referma la porte derrière elle et s'enfuit telle une voleuse cachée par le manteau de la nuit.